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Ce sont les valets de chiens ou des gardes-chasses qui sont ordinairement chargés de l’éducation des chiens: or voici la maniere.

Maniere de bien élever, de dresser les chiens d’arrêt, de les mettre au commandement, de les faire chasser de près, de leur faire arrêter le gibier, de leur apprendre à rapporter par force, se tenir à cheval & aller à eau.

Au bout d’un mois ou de six semaines, on retire les petits chiens de dessous la mere, & on les fait élever à la campagne dans des basses-cours, parce qu’ils s’accoutument avec les bestiaux & les volailles.

Il y a deux especes d’animaux auxquels ils s’attachent ordinairement. Ils courent la volaille en jouant, & la tuent. Il est aisé de les en corriger, sur-tout dans les commencemens, en les faisant fouetter; mais le moyen le plus sûr est de fendre un bâton qui soit long d’environ un pié, de passer la queue du chien dans la fente du bâton, & de lier le bout qui est fendu avec une ficelle, de maniere que la queue du chien se trouve assez pressée, pour qu’il sente de la douleur. Il faut attacher à l’autre bout du bâton une poule par le gros de l’aîle près du corps avec une ficelle, & lâcher le chien en lui donnant quelques coups de fouet. Le chien court de toute sa force, à cause de la douleur qu’il sent à la queue, & comme la poule qu’il traîne bat de l’aile & crie, il croit que la douleur qu’il ressent est causée par la poule. A force de la traîner, il la tue; & las de courir, il va se cacher en quelque lieu de la basse-cour. Alors on va lui détacher le bâton, & on lui bat la gueule avec la poule morte. Ordinairement cela les corrige la premiere fois; mais ils ne souffrent point qu’on le réitere plus de trois fois. L’autre animal auquel les jeunes chiens s’attachent & qu’ils courent, c’est le mouton. Rien n’est encore plus facile, que de leur faire perdre cette habitude. Il faut prendre un bélier, qui est le mâle de la brebis, le plus fort que l’on peut trouver, & on le couple avec le chien. En les lâchant, on fouette le chien tant qu’on peut le suivre. Ses cris font peur au bélier qui fuit de toute sa force & entraîne le chien. A la fin cependant il perd sa peur; & ennuyé de traîner le chien, il le charge à coup de tête. En réitérant ce moyen, il n’y a point de chien qu’on ne corrige & qui ne fuie les moutons, quand il les rencontre.

Il y a trois sortes de chiens propres à dresser pour arrêter les perdrix, les cailles & les lievres. La premiere espece est le braque, qui est un chien ras de poil, bien coupé & fort léger. Il convient dans les plaines, parce qu’il résiste à chasser pendant la chaleur, & qu’il a dans ce tems le nez meilleur que tout autre chien. La seconde espece est l’épagneul, qui est un chien plus chargé de poil que le braque: il convient mieux dans les pays couverts. La troisieme espece est le griffon, qui vient de Piémont & d’Italie: il a le poil hérissé & droit, il est très-docile, arrête plume & poil, va à l’eau, & chasse de gueule toutes sortes de bêtes, comme le chien courant. La race en est rare en France, & il est très-difficile d’en trouver.

Il faut qu’un chien d’arrêt soit bien fait & léger, qu’il soit plus haut du devant que des hanches, qu’il ait l’épaule serrée, le poitrail étroit, le col court & un peu gros, peu d’oreille & haute, le nez gros & ouvert, le pié de lievre, c’est-à-dire long, étroit & maigre, ou bien fort court, rond, petit & maigre, la côte plate, le rein large, enfin que le fouet, quand il quête, rase les jarrets en croisant. Les chiens qui ont le devant haut & le col court, portent le nez haut, & ne fouillent point, c’est-à-dire

 qu’ils ne mettent point le nez à terre, & ils sont toujours fort vîtes. Ces chiens conviennent dans les provinces où le gibier est rare, parce qu’ils quêtent légerement & battent beaucoup de pays. Par cette raison, ils trouvent plus de gibier que les chiens pesans, qui ne conviennent proprement que dans les terres conservées, comme sont les plaisirs du roi.

Il est important de ne pas commencer à dresser un chien pour arrêter le gibier avant qu’on l’ait fait chasser; car, s’il porte le nez à terre & qu’il fouille, il est inutile de l’entreprendre, ce sera toujours un mauvais chien d’arrêt. Il faut qu’il chasse le nez haut, & qu’il en ait beaucoup.

On doit donc le mener pendant quelque tems, pour lui apprendre à connoître son gibier & à quêter. Il court d’abord après tous les oiseaux, les corneilles, pigeons, &c. Il faut le laisser faire sans lui rien dire, & bientôt il quitte cette habitude pour ne s’attacher qu’à la perdrix, qu’il s’ennuie pourtant à la fin de courre, aussi-bien que les autres oiseaux. Pour-lors il faut songer à le mettre au commandement: & voici comment. On lui met un collier, & on lui laisse traîner un cordeau de vingt ou vingt-cinq brasses de long; on ne l’appelle jamais pour le faire revenir, qu’on ne soit en état de prendre le cordeau. Quand on le tient, pour-lors on appelle le chien. S’il perce & continue toujours sa quête, & qu’il donne dans le collier, on lui donne une sacade en l’appellant, ce qui lui fait souvent faire une culbute, le chien revient aussi-tôt à vous, & il faut bien le caresser. Il est même à propos de porter dans un petit sac des os & d’autres friandises pour les lui donner; car c’est une maxime indubitable que toutes les fois qu’un chien vient vous retrouver, lorsque vous l’avez appelle, il ne faut jamais manquer à le caresser, sur-tout quand on le veut bien dresser.

Quand votre chien est accoutumé à revenir lorsqu’on l’appelle, il faut l’accoutumer encore à croiser & barrer devant vous; car rien n’est plus desagréable qu’un chien qui perce sans cesse en avant. Or voici comme il faut s’y prendre. Lorsqu’il perce, vous lui tournez le dos, & marchez d’un sens contraire. Quand le chien s’apperçoit qu’il ne peut vous voir, & que vous êtes trop éloigné, il vient vous chercher, pour lors vous le caressez, & vous lui donnez quelques friandises. En continuant toujours cette manœuvre, le chien devient inquiet, craint de vous perdre, & ne quête jamais long-tems sans tourner la tête pour vous observer, ce qui l’oblige à croiser devant vous. Vous en venez ordinairement à bout dans huit jours de chasse. Le chien réduit à ce point, il est tems au dresseur de l’entreprendre pour le perfectionner. Il faut alors le mettre à l’attache, ne le déchaîner que pour lui donner à manger, & ne pas lui donner un morceau de pain qu’il ne l’ait bien mérité, ce qui se fait de cette maniere. On le tient par la peau du col, on lui jette devant le nez un morceau de pain, en criant, tout-beau; & lorsqu’il a été un moment devant, on crie, pille; on lui laisse prendre le pain, & on le caresse. Il arrive souvent qu’il est impatient, & qu’il se jette sur le pain avant qu’on ait crié pille; pour-lors on le corrige du fouet, mais avec modération, de peur de le rebuter. On le replace & on lui rejette du pain, on le flatte, afin qu’il comprenne ce qu’il doit faire quand on le caresse, & ce qu’il doit éviter quand on le fouette. On est peu de jours à venir à bout de le faire garder. Quand on est à ce point-là, on tourne tout-autour avec un bâton, on ajuste le pain comme si l’on avoit un fusil, & on crie, pille. Il faut que le chien ne mange jamais qu’il n’ait gardé, soit à la maison, soit à la campagne. Bientôt