Page:Encyclopedie Planches volume 2b.djvu/21

Cette page n’a pas encore été corrigée

Le tems qu’ils sont en chaleur, c’est le rue: les sangliers sont au rut.

On dit la peau d’un sanglier & le cuir d’un sanglier.

Il y a aussi différens termes pour distinguer l’âge d’un sanglier.

Le jeune sanglier mâle qui commence à quitter les bêtes de compagnie, en sa deuxiéme année, & même jusqu’à sa troisieme, s’appelle ragot.

Un sanglier à son tiers-an, est un sanglier qui passe de la troisieme année à la quatrieme.

Un sanglier à son quart-an, est un sanglier qui a quatre ans & qui vient à sa cinquiéme année: à cet âge il marche sans crainte & se défend vigoureusement contre les loups & les chiens, quels qu’ils soient.

Le vieux sanglier est celui qui a quitté les compagnies depuis plus de quatre ans, & qui se plaît toujours seul.

Les femelles de sanglier se nomment layes; leurs petits, marcassins; & lorsqu’ils ont un an, on les appelle bêtes de compagnie.

Voilà les termes propres à la chasse du sanglier. Passons à la maniere de reconnoître un sanglier par les traces, & de le distinguer d’avec les layes. Un coup d’œil sur les figures du bas de la Planche facilitera l’intelligence de ce que nous dirons sur cette matiere.

Il faut, pour connoître un sanglier par les traces, se promener souvent dans les bois, dans un tems de beau revoir, c’est-à-dire, quand la terre est molle, par exemple en certain tems de l’hiver, ou en été après la pluie; or voici à quoi l’on peut aisément reconnoître un sanglier, & distinguer d’un coup d’œil s’il est jeune ou vieux, si c’est une laye ou un sanglier mâle.

La trace A du pié de devant d’un jeune sanglier, (fig. 1.) est un peu plus grande que celle du pié de derriere, les pinces a a sont plus grosses que celles de la laye; & les tranchans b b qui sont ses côtés, sont un peu déliés & coupans; la trace de derriere se trouve ordinairement dans celle de devant, mais un peu à côté du milieu de celle-ci, à cause de ses suites, qui commencent à être grosses, & qui le contraignent de marcher les cuisses un peu plus ouvertes que la laye; il donne aussi de ses gardes B C en terre, mais elles sont bien tournées, & la pointe un peu en avant. Lorsqu’il avance vers son tiers-an ses gardes sont plus près du talon & s’élargissent davantage, & elles donnent tout-à-fait en terre aux deux côtés de ses talons. Plus le sanglier vieillit, plus il est aisé d’en reconnoître par ses gardes qui étant alors bien moins tranchantes, donnent en terre de toute leur longueur. B C, gardes du pié de devant; b c, gardes du pié de derriere.

Les pinces de la laye, fig. 2. sont plus pointues, les côtés des traces & les gardes plus tranchantes, le talon plus étroit, les traces de devant & de derriere sont toujours un peu ouvertes, excepté cependant celles d’une vieille laye, fig. 3. qui sont ordinairement plus serrées; ses gardes sont aussi plus étroites & plus serrées vers la pointe que celles des sangliers: il faut encore observer que leurs traces de derriere sont en dedans, dans celles de devant.

Les sangliers à leur quart-an, fig. 4. & les vieux sangliers, fig. 5. ont les pinces grosses & rondes, les tranchans ou côtés de leurs traces sont usés, le talon, ou les éponges D D s’usent au niveau de la trace qui est grosse & large; les gardes b c sont tout-à fait élargies & s’approchent du talon, & les allures sont grandes. La trace des vieux sangliers est toujours profonde & large, à cause de leur pesanteur; ils ont les pinces fort rondes, la solle E E grande, leurs gardes paroissent dans un tems pluvieux parce qu’ils marchent très-pesamment, ce qui fait

que par-tout où ils passent il est très-aisé d’en revoir; on remarque aussi dans la trace, de grandes & grosses rides F F entre les gardes & les talons, & plus ces rides seront grosses, plus elles dénoteront la vieillesse du sanglier. La trace du pié de derriere porte sur le talon, à moitié de la trace de devant, & à moitié aussi à côté en dehors, principalement lorsque le sanglier est en porchaison: il n’est pas si aisé d’en connoître dans le tems du rut, parce qu’alors leurs allures sont grandes & déreglées, ce qui déroute un peu le veneur.

Les jeunes veneurs encore peu expérimentés dans l’exercice de la chasse pourroient bien se tromper aux traces du sanglier dans la saison du gland; car dans ce tems les pourceaux privés vont au bois, parce qu’ils ont aussi beaucoup de ressemblance dans leurs traces; mais pour ne s’y pas méprendre, voici à quoi principalement il faut faire attention.

Les sangliers dans leurs allures mettent leurs piés de derriere dans ceux de devant; ils appuyent bien plus de la pince que du talon, leurs pinces sont serrées & les côtés de leurs traces qui sont tranchantes donnent par-tout des gardes en terre, & ils les élargissent en dehors des deux côtés du talon.

Il n’en est pas de même des pourceaux privés, ceux-ci vont les piés ouverts, ils les ont ordinairement longs & usés; ils appuyent beaucoup plus du talon que de la pince, & ils ne mettent pas leurs piés de derriere dans ceux de devant, leurs gardes donnent droit dans la terre la pointe en avant sans s’écarter, le dessous de leur solle est charnu, ce qui fait paroître la forme de leur pié toute ronde & les côtés un peu gros; enfin leurs pinces sont grosses & usées, & ils ont le pié court.

Fig. 6. Piés de marcassins.

De l’équipage pour la chasse du sanglier.

Pour bien courre le sanglier, il faut une meute au moins de trente ou quarante chiens avec deux piqueurs assez entendus pour les bien conduire; il faut aussi des valets de chiens qui ayent grand soin de leur meute. Pour courre le sanglier, on convient d’abord du lieu où doit se faire l’assemblée; il faut aller au bois le jour précédent pour connoître en quel canton de la forêt on trouvera des sangliers. La précaution est nécessaire pour s’épargner bien de la peine; car lorsqu’on en aura trouvé le jour précédent, on est sûr en retournant le lendemain d’en rencontrer infailliblement. On commencera d’abord par les détourner, & ce sera-là l’endroit que l’on choisira pour l’assemblée, & où l’on placera tout l’équipage de chasse: & comme les sangliers cherchent toujours les plus grands forts, il faudra remarquer avant que de chasser, les endroits par où l’on pourra passer le plus aisément.

Cette chasse est extrêmement pénible, les veneurs sont obligés de crier à tout moment pour faire suivre les chiens d’une maniere convenable; car quelquefois ils se rebutent, & ce n’est qu’à force de mouvemens & de cris qu’on peut rejoindre le sanglier qui se rend toujours très-redoutable en tenant ferme devant les chiens, sur-tout lorsque c’est un grand sanglier. Il faut d’ailleurs avoir d’excellens chevaux, bien dressés à courre dans les forts, & que ceux qui les montent n’appréhendent point les branches, car, comme on l’a déja dit, le sanglier bat toujours les plus grands forts dans les forêts, c’est pourquoi il faut brosser hardiment par-tout où il y a apparence de pouvoir passer. Tous ces mouvemens si violens, ces cris redoublés & indispensables dans cette chasse, avertissent suffisamment les veneurs des précautions qu’ils doivent prendre pour eux-mêmes, avant que de courre le sanglier.