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possible pour les animer. Or un bon limier est d’une grande ressource dans ces occasions, & l’on doit en faire suivre un dans toutes les chasses.

Quand on chasse en hiver dans les mauvais tems, soit pendant les frimats, soit pendant les gelées, les chiens ont le nez refroidi par l’air, ce qui leur ôte le sentiment, & refroidit aussi les voies; en sorte que le jour déclinant, c’est-à-dire, environ dès les trois heures, ils ne peuvent emporter les voies au moindre retour que fait le cerf: voilà les deux extremes des tems les moins favorables à la chasse.

Quand les chiens se trouvent en défaut, il faut qu’un des piqueurs s’écarte pour faire la quête à l’œil dans les chemins, & voir si le cerf n’y auroit point donné ou s’il n’auroit point traversé: car si l’on en peut revoir, cela abrege beaucoup, & il se peut faire que ce soient les dernieres voies; auquel cas on doit crier, vaulecelets, & sonner tout de suite pour faire venir les piqueurs & les chiens qui renouvelleront de voies. Si on le trouve sorti des chemins & entré dans le fort, les piqueurs, parlant à leurs chiens, leur diront, ha il retourne là chiens, il retourne là, & ils sonneront pour les animer dans ce renouvellement de voies: les chiens alors se mettront à crier & chasseront avec ardeur; & vous rallierez ceux qui traînent, en leur criant, ha vellecy, tou tou vellecy. Rien n’est plus pénible aux piqueurs, que d’avoir à courre le cerf par un grand vent: car pendant qu’ils requêtent sur les retours avec une partie des chiens pour retrouver les voies du cerf, ils n’entendent pas ceux qui les ont retrouvées qui s’éloignent toujours en les suivant. De plus, le vent ôte le sentiment aux chiens & détourne l’odeur de la bête, ce qui fait qu’ils n’en chassent pas si bien & ne s’entendent point les uns les autres. J’ai vu arriver cet inconvénient à une très-bonne meute dans le mois de Mai, qui est le tems que l’odeur des herbes est la plus forte & que commencent les chaleurs: lorsque le vent étoit au midi, il étoit impossible de chasser, on étoit obligé de quitter la partie & de s’en retourner comme on étoit venu.

Il y a deux saisons où il est difficile de courre le cerf: l’une est le printems, à cause des premieres chaleurs qui se font sentir aux chiens, & auxquelles ils ne sont point accoutumés, ce qui fait qu’ils sont bientôt poussés & qu’on les voit d’abord haleter; mais principalement à cause des herbes qui en Avril & en Mai sont dans toute leur force, & leur émoussent le sentiment. Outre les herbes fortes comme la marjolaine & le thin sauvage dont l’odeur leur ôte le nez, les nouveaux rejettons du bois, qui dans cette saison en exhalent beaucoup, font le même effet sur les chiens; en sorte que les cerfs qui, renouvellés de corps & de force, sont dans leur plus grande vigueur jusqu’à la mi Juin, ont alors beau jeu, & qu’il ne faut qu’un bon quart d’heure d’avance à un cerf que l’on poursuit, pour que les chiens ayent beaucoup de peine à le joindre.

L’autre saison où la chasse du cerf devient difficile, est la fin de l’été ou le commencement de l’automne, c’est-à-dire, Septembre & Octobre. Comme alors les cerfs sont dans le rut, & qu’étant sur pié jour & nuit, ils sont toujours échauffés, l’odeur qu’ils exhalent est si forte & infecte tellement le nez des chiens, qu’ils ne pourroient presque point garder le change, si, lorsqu’un cerf a été couru, le sentiment ne s’en imprimoit non seulement au pas du cerf, mais à tous les endroits où il touche: ce qui rappelle l’odorat des chiens, leur fait démêler les voies, & leur fait distinguer aisé-

ment le cerf de meute d’avec un cerf frais qui viendroit bondir devant eux.

Pour chasser dans la vraie methode, quand on est retombé sur les voies en quelque tems & en quelque saison que ce soit, il faut que les piqueurs chassent tous ensemble, & non pas, comme il arrive souvent, qu’ils se débandent & courrent à leur gré avec deux ou trois chiens seulement, tandis qu’ils en ont trente ou quarante derriere eux; mais quand ils voyent quelques chiens séparés des autres, ils doivent aussitôt les arrêter en leur criant, derriere, derriere, & attendre le reste de la meute, afin de les faire chasser ensemble, ce qui est tout l’agrément de la chasse. Mais le moment agréable est celui où l’on a relevé un défaut: car les chiens n’abandonnent plus le cerf, parce qu’ils le sentent lent & fatigué; & en effet, quand il vient sur ses fins, c’est alors qu’il fait le plus de détours, & met le plus de ruses en usage. Mais il ne peut plus s’éloigner des chiens, parce qu’ils renouvellent de jambe & de voix, & chassent avec d’autant plus d’ardeur que le sentiment du cerf est plus vif lorsqu’il est échauffé à courir, appesanti & sur ses fins. Au reste, il est aisé de connoître par le pié quand un cerf tire à la fin, car alors il appuie beaucoup plus sur le talon que sur les pinces, & va la jambe bien plus ouverte.

Lorsque le cerf commence à s’affoiblir, il cherche les marais, les ruisseaux, les rivieres ou les étangs qu’il traverse toujours en aval, afin d’en ôter le sentiment aux chiens & se dérober à leur poursuite. Si les ruisseaux ou les étangs sont dans les forêts, il faut prendre les devans au dessus & au dessous de l’endroit où il entre, & que les piqueurs bordent l’eau des deux côtés avec des chiens en s’éloignant de dix pas du bord, si c’est un ruisseau, & de trente ou quarante pas, si c’est une riviere ou un étang; parce que l’eau qui découle du cerf le long de ses jambes, tombant dans les voies, les efface & en ôte la connoissance aux chiens qui surallent, à moins que le cerf n’ait touché à des branches qui leur rappellent le sentiment.

Après qu’un cerf a battu l’eau, il ne peut plus aller bien loin, il fait seulement encore quelques ruses au bout desquelles il se met sur le ventre, & attend quelquefois pour partir que les chiens lui sautent sur le cimier: puis s’il lui reste de la force, il fait encore une course & repasse l’eau, sinon il tient d’abord les abbois, & s’acule contre une cépée où il se défend contre les chiens.

Les cerfs dans la saison du rut, vendent quelquefois assez cher leur vie. Ils vont à grands coups d’andouillers, tuent des chiens, viennent même sur les hommes, & blessent leurs chevaux; mais quand ils ont mis bas, ils se défendent à coups de piés de devant & de derriere. Lorsqu’ils ont leur tête & qu’ils veulent venir à la charge, il faut aller par derriere eux, tâcher de les faire repartir, & les suivre de si près qu’ils n’ayent pas le tems de retourner la tête, puis leur donner un coup de couteau, s’il se peut, au défaut de l’épaule, ou du moins leur couper le jarret: ils tombent d’abord & les chiens les environnent. Alors il faut les achever d’un second coup frappé au même endroit, & laisser fouler les chiens à leur aise. Alors on sonne la mort du cerf du gros ton de la trompe & quelques fanfarres, afin que les chiens qui traînent après les autres, viennent aussi; car rien ne réjouit plus les chiens à la chasse que de fouler un cerf ou la bête qu’ils ont prise, & ensuite de la manger. Quand les chiens ont foulé tout leur saoul, on les fait retirer, & même on les éloigne un peu du cerf, on leur crie, arriere, arriere: & voici l’ordre qui s’ob-