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Sur la quatrieme.

Cette quatrieme espece de batarde est celle que l’on appelloit batarde coulée, & qui étoit en usage dans le siecle passé & au commencement de celui-ci. Cette écriture, à laquelle les gens de cour donnent avec raison la préférence, la moins en pratique dans le public, mériteroit d’être adoptée par toutes les dames & les personnes de condition, à cause de sa netteté, qui la rend d’une lecture très-facile. Elle se lie de piés en têtes, non pas comme la coulée ordinaire, dont les jambages sont arrondis à la base & angulaires à leur sommet, mais en faisant sortir la liaison du bas positif des jambages qui sont angulaires, pour être portés au sommet de chacun de ces jambages qui sont arrondis dans le haut. Toutes les têtes sont doublées pour mieux les joindre, & les queues sont terminées sans bouton. La coutume est encore de n’employer dans cette écriture que des lettres semblables & les plus simples, sans chercher à varier leurs formes comme dans les autres écritures. Par toutes ces regles, cette écriture qui se fait en tenant la plume longue dans les doigts, est la seule en batarde qui soit réservée pour l’expédition; aussi est-elle une des cinq dont il est fait mention au sixieme tome de ce Dictionnaire au mot Expédition. La distance ordinaire des lignes est de quatre corps; on peut cependant n’en donner que trois en raccourcissant les têtes & les queues. Enfin cette écriture doit être légere, un peu longue, & ne rien tenir absolument de ce qui pourroit contribuer à la rendre pesante.

Sur la cinquieme.

La cinquieme batarde représente l’écriture usitée pour les manuscrits, surtout pour ceux qui sont latins. Elle doit être de la plus grande simplicité, & d’un caractere nourri sans être lourd, & parfaitement soutenu. Les majeures pour l’ordinaire sont romaines, souvent faites en or & remplies d’ornemens. Ce genre d’écriture en manuscrits peut être orné de vignettes, soit simples, soit colorées avec des traits aussi nouveaux que précieux. La distance des lignes varie beaucoup. Pour avoir un principe certain sur ce sujet, j’ai consulté divers ouvrages remarquables par leur brillante exécution. Dans les unes j’ai trouvé deux corps, alors les têtes n’ont d’élevation qu’un demi-corps, & les queues n’ont de longueur que les trois quarts de ce même corps. Dans les autres la distance est de deux corps & demi, alors les têtes s’élevent d’un demi-corps, & les queues descendent d’un corps entier. Il en est encore d’une troisieme espece dont les distances sont de trois corps. C’est celle qui m’a servi de loi, parce qu’elle communique plus de légereté. Dans cette derniere regle les têtes passent d’un corps, & les queues baissent d’un corps & demi. Voilà tout ce que l’on peut dire de plus intéressant sur ce genre d’écrire, qui est beau à la vûe, & long dans l’exécution.

Sur les titres, sous-titres & notes marginales.

Il est peu d’ouvrages en écriture, où il n’y ait un titre superieur, & quelquefois un sous-titre. L’usage est d’employer la grosse batarde pour l’exécuter, & c’est pour cette raison qu’elle est appellée titulaire. On se sert aussi pour le même objet de l’écriture brisée, mais cela est rare. A l’égard des sous-titres, ils se font en moyenne ronde, & aussi en moyenne batarde, lorsque l’on ne fait pas le caractere françois.

Un titre doit être fait proprement & avec symétrie. Il est des occasions où il produit de beaux effets; c’est au génie de l’artiste à les saisir.

La ronde & la coulée ne sont jamais employées pour les titres supérieurs, encore moins certaines écritures que l’on appelle, l’une coupée, & l’autre ondée, que les ignorans nomment aussi tremblée. Ces deux dernieres, qui sentent le colifichet, sont entierement méprisées, & ne servent que pour amuser les enfans & les gens sans goût.

On est obligé souvent de placer dans les marges de quelques ouvrages des notes ou des observations importantes. Elles se font en petite ronde minute, ou en petite batarde. Toutes deux doivent avoir un caractere plus fin que celui de la piece qu’elles accompagnent. Toutes deux doivent avoir de la netteté & de la précision.

PLANCHE XVI.
Des différentes écritures de coulée.

L’écriture coulée doit être divisée, ainsi que les précédentes, en cinq classes, sur chacune desquelles je ne dirai qu’un mot. En général cette écriture est celle qui est la plus en regne & la plus recherchée, parce qu’elle s’écrit plus promptement que les deux autres; mais elle veut être bien faite & bien frappée, pour que la lecture en soit plus facile & plus belle aux yeux, autrement elle fatigue & dégoûte. L’on s’occupe fi peu à cette écriture chez les maîtres, qu’il est impossible qu’on puisse l’exécuter dans un bon goût, & lui donner en expédiant une forme correcte & gracieuse. D’où viennent cette négligence & ces mauvaises écritures que l’on voit tous les jours, sinon du peu de cas que l’on fait d’un art qu’on ne peut disconvenir être une des parties essentielles de l’éducation.

Sur la premiere.

Lorsqu’on s’est suffisamment exercé aux lettres, on doit s’appliquer à la grosse coulée, il saut, comme je l’ai déjà dit, que la plume soit plus fendue, & qu’elle soit tenue un peu plus longue dans les doigts, pour faciliter la liberté qui dans ce caractere ne s’acquiert que par un grand travail; mais il ne faut pas d’abord précipiter ses mouvemens. Ce n’est qu’après avoir commencé par écrire posément & dans les principes les plus réguliers, qu’on peut les accélérer, en se soutenant dans la même vîtesse. On exerce ainsi la fléxion & l’extension des doigts, l’on se fortifie sur la forme, & l’on donne l’habitude au bras de couler légerement sur la table. La distance des lignes doit être de quatre corps. Si cette coulée étoit ornée de passes, on seroit forcé d’en donner cinq & même six.

Sur la deuxieme.

On appelle ce caractere moyenne coulée. On doit y travailler jusqu’à ce qu’elle soit soutenue & parfaitement formée; l’écrire ensuite avec plus de vîtesse, sans pourtant se trop précipiter, & en liant les mots tous ensemble s’il est possible. La distance des lignes est de quatre corps.

Sur la troisieme.

La petite coulée posée & ordinaire est l’écriture de la troisieme classe. Elle doit être exercée avec beaucoup d’attention & assez de tems pour se rendre sûr dans ce caractere d’où dépend l’écriture coulée financiere. Il est évident que plus on aura travaillé à la posée, & plus on brillera dans l’expédition. C’est en faisant cette petite, que l’on doit s’occuper à écrire de la grosse promptement & de suite, comme je l’ai déjà observé, parce qu’elle entretient la forme, donne de la consommation, & empêche le progrès des défauts qui pourroient naître. La distance des lignes est de cinq corps.

Sur la quatrieme.

Celle-ci s’appelle coulée financiere, parce qu’elle est usitée dans les bureaux. Cette écriture doit être longue, légere, & tous les mots & caracteres doivent se joindre les uns aux autres. La distance des lignes est de trois corps; par la raison que l’on ne donne qu’un corps d’élévation aux têtes, de même qu’un corps de longueur aux queues. Cette regle n’est cependant pas générale; car souvent on fait les têtes & queues plus courtes, ce qu’on appelle coulée tondue. Plusieurs peuples embarrassent leur écriture courante, en la faisant avec des têtes & queues plus grandes qu’il ne faut. Les François ont donné dans l’excès opposé, puisque leur expédition est dénuée de ces parties saillantes. L’une & l’autre sont contraires à cette loi sage qui défend de tomber dans les extrèmes; la premiere gâte tout, parce qu’on ajoute plus qu’il ne faut; la seconde n’a plus de forme, & ne peut se lire aisément, parce qu’on sépare d’elle une partie essentielle. Tout ce qui sort des principes perfectionnés par le tems, soutenus par le goût, enseignés par les grands maîtres, tient du bisarre & du ridicule. Cette coulée fait partie des cinq écritures expédiées, dont il est parlé au tome sixieme de ce Dictionnaire, au mot Expedition.