12 | ALPHABETS ANCIENS. |
Les Tartares mantcheoux ont conservé leurs lignes dans le sens qu’ils les traçoient, à cause de l’obligation où ils se sont vus de traduire le chinois interlinéairement, ou d’en mettre la lecture dans leurs caracteres. Au reste ils peuvent également s’écrire & se lire de la droite à la gauche, comme le syriaque. Cet alphabet que les Mantcheoux appellent en leur langue tchouan-tchoue-outchou, c’est-à-dire, les douze têtes, est partagé en 12 classes, dont chacune contient 112 lettres ; c’est leur syllabaire qu’ils font apprendre aux enfans. Pour éviter la dépense inutile de plusieurs planches de gravures qu’un pareil syllabaire auroit demandé ; nous nous sommes contentés de tracer simplement les élémens de cet alphabet, selon les différentes configurations qu’ils prennent, soit au commencement, soit au milieu, foit à la fin des mots, par rapport à leurs liaisons. Quoique les Tartares Mantcheoux ne présentent point leur alphabet, suivant cette méthode, nous osons assurer cependant que c’est la plus simple, la plus facile & la plus courte.
Les points qui sont à côté des mots, de part ou d’autre, s’appellent thongkhi, les caracteres grands & petits s’appellent fouka, les virgules ou points s’appellent tsic ; quand il n’y a qu’un tsic, le sens de la phrase n’est pas achevé ; quand il y a deux tsic, il est achevé. Les traits s’appellent tsitchoun.
Cette planche contient trois alphabets différens de la langue japonnoise. Le premier, appellé Firo-canna, & le second catta canna, sont communs aux Japonnois en général & en usage parmi le peuple. L’alphabet iamatto canna ou plutôt jamatto canna, n’est en usage qu’à la cour du Dairi, ou de l’empereur ecclésiastique héréditaire ; il est ainsi appellé de la province de Jammasiiro où est situé Miaco, résidence de ce prince.
Il n’est pas difficile d’appercevoir que les élémens de ces trois alphabets sont empruntés des caracteres chinois. Ce sont en effet tous caracteres chinois écrits très-librement, mais dont la prononciation est changée. Comme ces caracteres marquent des syllabes entieres, on en sent toute l’imperfection par rapport à nos langues dont les alphabets composés de simples voyelles & consonnes, peuvent exprimer toute sorte de sons. J’ignore si ces alphabets sont antérieurs à l’entrée des Européens au Japon, & si ces peuples les ont inventés d’eux-mêmes. Les savans du Japon lisent les livres chinois comme les Chinois mêmes ; mais la maniere dont ils prononcent les mêmes caracteres est fort différente. Les Japonois composent aussi en chinois ; & souvent, pour en faciliter la lecture, ils font graver à côté du chinois & interlinéairement, la prononciation dans leurs caracteres alphabétiques, de même que font les Tartares-Mantcheoux. J’oubliois de dire qu’ils écrivent comme les Chinois, perpendiculairement, ou de haut en bas & de la droite à la gauche.
Les Chinois n’ont point d’alphabet : & même leur langue n’en est point susceptible, n’étant composée que d’un nombre de sons très-borné. Il seroit impossible de pouvoir entendre du chinois rendu dans nos caracteres ou dans tel autre qu’on pourroit choisir. Ils n’ont que 328 vocables & tous mono-
Le premier ton, —, appellé ping ching, c’est-à-dire, son égal & plein, se prononce également sans hausser ni baisser la voix.
Le second ton, ∧, appellé tcho ping, c’est-à-dire, son trouble & confus, se prononce en baissant un peu la voix sur la seconde syllabe lorsque le mot est composé de deux syllabes, ou s’il n’en a qu’une, en prolongeant un peu la voix.
Le troisiéme ton, \, appellé chang ching, c’est-à-dire, son élevé, est très-aigu.
Le quatrieme ton, /, appellé kiu ching, son qui court, se prononce d’abord d’un ton aigu & descend tout d’un coup au ton grave.
Le cinquiéme ton, ᴗ, appellé je ching, se prononce encore d’une maniere plus grave que le précédent.
Au moyen de ces cinq tons, les 328 vocables se trouvent déja monter à 1640 mots dont la prononciation est variée, il y a encore les aspirations de chacun de ces tons qui se marquent par un petit c, & doublent ce nombre de 1640 ; ensorte qu’au moyen de ces prononciations aspirées, nous trouvons déja 3280 vocables assez bien distingués pour des oreilles chinoises accoutumées à cette délicatesse de prononciation, & l’on conviendra que cette somme de mots est presque suffisante pour fournir à une conversation même assez variée. Mais ce qui leve presque toutes les difficultés qui pourroient résulter de ces homophonies, c’est que les Chinois joignent deux ou trois monosyllabes ensemble pour former des substantifs, des adjectifs & des verbes, comme :
Pan Kieou, une Tourterelle.
Chan Ki, Phaisan, mot à mot, Poule de montagne.
Siao Ki, Poulet, mot à mot, Petite Poule.
Ky Mou, Belle mere, mot à mot, succéder mere.
Ju Mou, Nourrice, mot à mot, Mere de lait.
Ky Mou, Poule, mot à mot, Poule mere.
Ting Hiang Houa, Giroflée, mot à mot, Fleur de clou aromatique.
Nonobstant cela, on doit sentir quelle présence de mémoire & quelle délicatesse d’oreille il faut avoir pour combiner sur le champ ces cinq tons, & les rappeller en parlant couramment, ou les distinguer dans un autre qui parle avec précipitation, & qui marque à peine l’accent & le ton particulier de chaque mot.
Venons maintenant à l’écriture chinoise qui doit faire notre objet principal. Si la langue parlée des Chinois est pauvre, en récompense leur écriture est fort riche & fort abondante. Nous avons dit qu’ils avoient aux environs de 80000 caracteres,