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6 ALPHABETS ANCIENS.

prince, relativement à cette utile invention, fut regardé comme le dieu de l’éloquence & du savoir, & qu’en conséquence les savans de l’Egypte lui dédioient leurs ouvrages: Ægyptii scriptores, dit Jamblique (dans son Traité des Mysteres de l’Egypte,) putantes omnia inventa esse à Mercurio, libros suos Mercurio inscribebant ; Mercurius præest sapientiæ & eloquio. J’ajouterai seulement ici que le prince dont il s’agit, n’est point différent de Mesraïm que l’Ecriture sainte nous donne pour le fondateur de la monarchie égyptienne. Les différens surnoms que les Egyptiens & les Grecs lui ont donnés, n’empêchent pas de le reconnoître. On verra peut-être ici avec quelque plaisir l’origine de quelques-uns de ces surnoms. Je m’y arrête d’autant plus volontiers, qu’elle contribuera à confirmer ce que l’on vient de dire de l’inventeur de l’écriture. Plusieurs de ces surnoms y ont un rapport direct.

Le nom d’Anubis qu’on lui donnoit, vient de la racine orientale noub, qui signifie parler avec éloquence, d’où s’est formé le mot anoubi, un homme éloquent, un orateur, un hérault, un prophéte ; ce qui me décide dans le choix de cette étymologie, c’est que les noms d’Hermès & d’Hermeneus, que lui donnerent les Grecs, me paroissent être la traduction du mot anoubis ; ils signifient de même un interprête, un orateur. Souvent les Grecs joignoient ensemble le terme original avec sa traduction, & disoient Hermanoubis. On remarquera que les prophêtes étoient chez les Egyptiens, à la tête de leur hiérarchie : leur emploi étoit d’étudier les dix livres sacrés concernant les loix, les dieux, la discipline sacrée, ils étoient aussi préposés à la distribution des impôts. On voit par-là qu’il ne faut pas prendre le nom de prophete dans le sens que nous lui donnons exclusivement : il signifioit encore, & chez les Hébreux même, un hérault, un homme chargé de porter la parole : c’est dans cette derniere acception qu’on doit l’entendre, lorsque Dieu dit à Moïse : Aaron, votre frere sera votre prophete ; cela veut dire simplement qu’Aaron parleroit au peuple au nom de Moïse.

Je finirai ces remarques par l’interprétation des noms de Thoor, Thot, Osiris, Grammateus, &c. donnés à Mercure ou Mesraïm ; ces trois premiers surnoms ne sont point différens, & le quatriéme qui est grec, n’en est que la traduction. Cette proposition paroît un peu paradoxe, il s’agit de la prouver.

1°. Le nom de Thot, Taaut, &c. est un mot corrompu & une mauvaise prononciation des habitans d’Alexandrie. Philon de Biblos, dans le fragment de Sanchoniathon, nous apprend que les Egyptiens prononçoient Thoor ; ainsi ne pensons qu’à ce dernier terme.

2°. Si l’on fait réflexion que les lettres schin, tzade, & tav dans les langues orientales, sont assez souvent employées l’une pour l’autre ; que les Hébreux écrivoient schor pour dire un bœuf, tandis que les Chaldéens prononçoient tor, que le nom de Tyr vient de Tsor, &c. je m’imagine qu’on n’aura aucune répugnance à dériver le nom de thoor du mot tsoura, usité dans l’hébreu & le chaldéen, pour exprimer une image, une figure, d’autant plus que les Arabes écrivent & prononcent ce même mot soura.

La racine de ce mot oriental signifie faire une figure, la peindre ou la scuplter ; ajoutez à Thoor ou Thsoor l’article, vous aurez othsoor, ou athsoor, un sculpteur, un peintre.

3°. Les réflexions que l’on vient de faire sur les changemens mutuels des trois lettres nommées ci-dessus, prouvent que les noms d’Osiris, Seiris, habillés à la greque, ne sont point différens d’Othsoor. On sait par Plutarque, que l’épouse d’Osiris

étoit aussi surnommée Athyri, Ἀθυρί, ou selon l’auteur du grand Etymologicon, Ἀθώρ Athor. Plutarque, dans un autre passage, dit qu’Isis portoit encore le nom de Μεθυερ ; & il est visible que ce nouveau nom ne differe des précédens que par le mem qui est la marque du participe.

4°. Les Egyptiens ont voulu, par ces surnoms d’Othsoor ou Osiris, apprendre à la postérité que le fondateur de leur monarchie avoit le premier fait les statues des dieux, & qu’il méritoit par excellence, l’épithéte de statuaire ou sculpteur. La Grece n’en avoit point perdu le souvenir, puisqu’elle appelloit un statuaire hermoglypheus, & la statuaire Hermoglyphicè technè, l’art de Mercure.

5°. Selon Sanchoniathon, Diodore de Sicile, &c. Mercure étoit le Grammateus de Chronos. On a rendu ce terme de Grammateus par secrétaire ; mais c’est une erreur, puisque ce terme peut aussi bien signifier l’inventeur des lettres que secrétaire. D’ailleurs, on sait que les sculptures sacrées ou les portraits des dieux, étoient appellés grammata. Dans ce sens, il seroit vrai que Mercure eût été le Grammateus de Chronos ou Hammon, puisqu’il l’avoit sculpté ainsi que les autres dieux, comme on l’a dit ci-dessus. J’envisage donc encore cette épithéte de Grammateus donnée à Mercure par les Grecs, comme la simple traduction du mot égyptien Athsori, Osiri, le statuaire, celui qui faisoit les grammata ou les portraits des dieux.

PLANCHE VIII.
Alphabets Arcadien, Pélasge, Etrusque.

Cette Planche contient six alphabets, l’hébreu, le samaritain, le grec, l’arcadien, le pélasge & l’étrusque. On a joint les deux premiers de ces alphabets, afin qu’on vît au premier coup d’œil qu’ils étoient originairement le même, & aussi afin de montrer que les quatre autres qui suivent, en dérivent évidemment.

L’alphabet grec est pris de l’inscription de Sigée, publiée l’an 1727 par le savant M. Chishull. On a eu soin d’y marquer les caracteres des deux manieres dont ils sont écrits, c’est-à-dire, les uns tournés de la gauche à la droite, & les autres de la droite à la gauche. C’est ainsi que sont disposées les inscriptions en Boustrophedon que M. l’abbé Fourmont a rapportées de son voyage de Gréce. On les nomme Boustrophédon, parce que les Grecs qui inscrivoient ces marbres, indécis apparemment s’ils devoient adopter l’usage d’écrire de la gauche à la droite, ou conserver celui dans lequel ils étoient d’écrire de la droite à la gauche qu’ils avoient emprunté des Phéniciens, s’aviserent d’écrire en même tems de l’une & de l’autre maniere ; en sorte qu’après avoir écrit une premiere ligne de la droite à la gauche, ils formoient la seconde ligne de la gauche à la droite, & continuoient ainsi alternativement de ligne en ligne, imitant par-là les sillons d’un champ labouré par des bœufs, & c’est ce qu’exprime le terme de Boustrophédon.

L’alphabet arcadien est l’alphabet latin, pris des anciens monumens d’Eugubio, gravés à ce que l’on prétend, antérieurement à la ruine de Troie. On l’appelle arcadien pour s’accommoder à l’opinion générale qui veut qu’Evandre ait apporté cet alphabet d’Arcadie dans le pays des Latins. Au reste, les Arcadiens étoient une peuplade des Pelasges.

Le pélasge, pris aussi des tables eugubines, étoit l’alphabet des peuples qui habitoient il y a plus de trois mille ans, l’Umbrie.

Enfin, l’alphabet étrusque est copié d’après les monumens reconnus indubitablement pour étrus-