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2 ALPHABETS ANCIENS.

sition de ces points-voyelles & des autres remarques marginales. Mais il y a, je crois, un milieu à prendre entre deux sentimens si opposés ; il ne s’agit que de réduire cette ponctuation hébraïque à la simplicité de la ponctuation arabe, & on verra que tout le reste n’a été imaginé que pour une plus grande exactitude, à cause de la profonde vénération que l’on a eu pour le texte hébreu. Masclef, chanoine d’Amiens, s’avisa en 1716, de publier une grammaire hébraïque, dans laquelle rejettant & l’antiquité des points, & l’autorité de la massore, il prétendit qu’on devoit donner aux lettres hébraïques le son qu’elles ont dans l’alphabet ; ainsi par-tout où il se trouveroit un beth, ghimel, daleth, &c. il falloit prononcer be, ghi, da, &c. ensorte que suivant ce nouveau système, au lieu de moscheh, canaan, manascheh, selomoh, il faudra lire, meschih, canouan, menouschih, silameh : système aussi ridicule que mal conçû, & qui ne tend pas moins qu’à renverser toute la grammaire hébraïque. « Quo nomine tantam adficiam temeritatem, non invenio, dit le savant M. Schultenz, hoc non est illudere tantum orbi erudito, sed etiam insultare. Publicum, suamque in eo famam, parum curent necesse est, qui talia scribere audent. Ne mentionem quidem fecissem tantæ vanitatis, nisi materia coegisset. » En effet, l’ignorance grossiere qui fait la base de tout ce système, est telle que je n’eusse point rapporté moi-même ces paroles de M. Schultenz, si je n’avois eu dessein de détourner plusieurs personnes, qui encore aujourd’hui à Paris, perdent leur tems à vouloir apprendre l’hébreu d’après ces principes.

PLANCHE II.
Syriaque & Stranghelo.

La langue syriaque, appellée en divers tems, langue chaldéenne ou babyloniene, araméene, assyriene, fut encore nommée hébraïque, non qu’on la confondît avec l’ancien hébreu, mais parce qu’elle étoit devenue la langue vulgaire des Juifs, depuis leur retour de la captivité de Babylone, & qu’elle l’étoit encore du tems de Jesus-Christ. Il paroît constant qu’une partie des livres du nouveau Testament ont été écrits en syriaque. Les termes de boanerges, raca, mammouna, barjona, cephas, &c. répandus dans le nouveau Testament, sont syriens ; ce qui doit rendre l’étude de cette langue recommandable aux Chrétiens. Les dénominations des lettres de l’alphabet syriaque ne sont presque point différentes des hébraïques. Ces lettres servent également de chiffres ; Les lettres youd, koph, lomadh, mim, noun, semkath, ee, phe, ssode, avec un point dessus, valent 100, 200, 300, 400, 500, 600, 700, 800, 900. L’olaf avec un trait semblable à notre accent grave, au dessous, vaut 1000 ; le beth, avec un pareil trait, 2000 ; le même olaf, avec un trait horisontal mis dessous, vaut 10000 ; le youdh, avec un pareil trait dessous, vaut 100000 ; cette même barre mise sous un koph, vaut un million ; une espece d’accent circonflexe mis sous l’olaf, exprime dix millions ; sous le beth, vingt millions, & ainsi des autres lettres de l’alphabet.

Aujourd’hui on ne parle plus la langue syriaque ; la langue vulgaire des Syriens & des Maronites est l’arabe ; ensorte que le syrien, comme parmi nous le latin, est la langue de l’Eglise & des livres saints. Lorsque les Syriens veulent écrire en arabe sans être entendus des Mahométans, ils se servent des caracteres syriens ; & comme les Arabes ont six lettres de plus que les Syriens, savoir les lettres thse, cha, dhsal, dad, da & gain, ils y suppléent en ajoutant un point aux lettres tav, koph, dolath, ssodhe, tteth & ee. Le syriaque est aussi la langue savante des Chrétiens de saint Thomas, dans les Indes. J’ai quel-

ques-uns de leurs livres écrits dans un caractere qui tient beaucoup du stranghelo, entr’autres l’évangile de saint Thomas, dont on trouve une version

latine dans le recueil des faux évangiles de Fabricius, & qu’on a condamné à Rome, comme un livre apocryphe dont on n’avoit pû recouvrer l’original. Le syriaque en est aussi pur que celui du nouveau Testament ; leur écriture est fort belle & ronde, elle a cela de particulier que les lettres dolath, resch & zain ressemblent, savoir les deux premieres au dal des Arabes, & le zain au vav. On remarquera que les Syriens appellent encore leurs points-voyelles des noms d’Abrohom, Eschaia, Odom & Ouriah, qui sont autant de noms propres, dont la premiere lettre a le son d’une de ces voyelles.

Les Syriens Nestoriens étoient fort répandus dans la Tartarie vers le douzieme siécle ; ils y avoient établi leurs missions. L’an 1625, des maçons trouverent à la Chine, dans un petit village près de Sighanfou, capitale de la province de Chensi, une grande pierre de marbre, contenant une inscription en très-beaux caracteres chinois, qui prouve que les Syriens entrerent à la Chine dès le sixieme siécle sous le regne de l’empereur Taitçom, & que depuis cette époque jusqu’en l’année 782, qui est la date de l’érection de ce monument, la religion chrétienne y avoit fait de rapides progrès sous la protection des empereurs. Ce monument, qui est peut-être le plus beau qu’on puisse voir en ce genre, contient en marge, & en caractere stranghelo, les signatures d’environ soixante-sept prêtres syriens, & celle d’un certain Adam, à qui l’on donne le titre de prêtre, chorévêque & papasi du Tsinestan, c’est-à-dire du royaume de la Chine, appellé Tsin par les Orientaux.

Je ne sais où Duret a trouvé ce vers latin,

E cœlo ad stomachum relegit Chaldæa lituras.

qui prouveroit qu’autrefois les Syriens écrivoient de haut en bas, à la maniere des Chinois & des Tartares Mouantcheoux.
PLANCHES III. & IV.
Arabe.

Les Arabes écrivent de droite à gauche ; leur alphabet est composé de vingt-huit lettres, c’est-à-dire qu’ils ont six lettres de plus que les Hébreux & les Syriens. Le lam-alif, qui forme la vingt-neuvieme lettre de cet alphabet, n’est qu’une lettre double, composée du lam & de l’alif. Cet alphabet, tel qu’on le donne ici, a été mis dans cet ordre par les nouveaux grammairiens, qui, en cela, n’ont eu en vue que de réunir des lettres de même figure. En effet, plusieurs de ces lettres ne sont reconnoissables que par les points distinctifs qui s’apposent dessus & dessous. L’ordre naturel de l’alphabet arabe ne doit point différer de celui des Hébreux, & la preuve en est claire, en ce que la valeur numérale des lettres arabes correspond à celle des Hébreux. Les six lettres que les Arabes ont ajoutées à cet ancien alphabet, sont thse, cha, dhzal, dad, da & ghain. Elles doivent être placées à la fin de cet alphabet dans le même ordre que je viens de les nommer, & elles valent, savoir, thse, 500 ; cha, 600 ; dhzal, 700 ; dad, 800 ; da, 900 ; ghain, 1000. Ces six lettres ne different que par leurs points, des lettres, te, ha, dal, sad, ta & ain. Si nous étions aujourd’hui bien au fait de l’ancienne prononciation de l’hébreu, sans doute que nous pourrions expliquer la raison qui a porté les Arabes à admettre ces six lettres d’augmentation ; car il y a lieu de présumer que les Hébreux prononçoient le tav tantôt comme un t, & tantôt comme ths ; qu’ils aspiroient quelquefois la