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CHA CHA


chauds, qui empêche de le cultiver au nord de la France, & qui fait qu’à Paris ses fruits sont rarement savoureux & de garde. Il craint autant le grand chaud que le grand froid ; en conséquence on ne le voit pas dans les plaines de l’Espagne & de l’Italie.

Une autre circonstance qui restreint beaucoup la culture du châtaignier, c’est qu’il ne prospère point dans les terrains calcaires. Ainsi il est des chaînes entières de montagnes où on n’en voit pas un seul pied ; ainsi il fait le fond des bois de Versailles, de Montmorency, &c., & il est étranger aux forêts de Saint-Germain, de Bondy, &c., & on ne peut le cultiver dans les jardins de Paris.

Les parties de la France qui renferment le plus de châtaigniers, sont les bords du Rhin, le Jura, les Alpes moyennes, les Pyrénées moyennes, la Corse & le pourtour du grand groupe central, comprenant ses anciennes provinces du Poitou, du Vivarais, du haut Languedoc, du Périgord, du Limousin, la Bretagne & le Perché.

Dans sa première jeunesse & dans sa vieillesse, châtaignier pousse avec une extrême lenteur ; mais dans la force de l’âge, il n’est pas rare de voir à ses souches des rejets de l’année, de deux mètres de haut. Le Réceper après trois ou quatre ans de plantation, est toujours une opération avantageuse, et le Rapprocher chaque siècle, est souvent fort avantageux, sinon à l’abondance, au moins à la beauté de ses fruits.

Il peut paroître remarquable que je parle de siècles comme je parlerois d’années ; c’est que le châtaignier, comme le Chêne, avec lequel il a tant de rapports, vit plus de 1000 ans, comme le constatent beaucoup d’observations. Ceux de 500 ans ne sont pas rares, même aux environs de Paris.

C’est une chose très-rare qu’un châtaignier de cent ans, dont le tronc soit sain dans toute sa longueur, ainsi que j’ai pu en acquérir la preuve dans mes voyages. Cela tient à ce que le bois de cet arbre étant très-foiblement pourvu de ces éradiations médullaires, si prononcées dans le chêne, qui lient les couches du bois les unes avec les autres, ces couches se séparent par la plus petite ause, ce qui donne lieu à des infiltrations, & par suite à des ulcères rongeurs. (Voyez Cadran.) Aussi n’est-il pas vrai, comme on l’a annoncé si souvent, que certaines charpentes gothiques soient en châtaignier ; elles sont, comme je viens déjà de l’annoncer, en chêne blanc (quercus pedunculata, Linn.), dont le bois se rapproche de celui de l’arbre dont il est ici question, mais qui a des éradiations médullaires très-multipliées & très-larges.

Il a été constaté par les expériences de Varennes le Fenille, que le bois de châtaignier pèse, vert, 8 livres 9 onces par pied cube ; pèse, sec, 4 livres 2 onces 7 gros, & qu’il perd un vingt-quatrième de son volume par le retrait.

La durée du bois de châtaignier de moins de cent ans, soit à l’air, soit dans la terre, soit dans l’eau, est à peu près la même que celle du chêne blanc déjà cité ; mais il n’en est pas de même de celle des bois de la plupart des vieux pieds. Ce bois se pourrit très-rapidement, ainsi que j’ai pu m’en assurer bien des fois sur des pieds équarris, laissés sur la terre dans les villages des environs de la forêt de Montmorency.

Le bois des vieux châtaigniers s’utilise pour les mêmes usages que le chêne, lorsqu’il est sain, c’est-à-dire, qu’on en fait de la charpente, de la menuiserie, des conduites d’eau, &c. Il se fend très-facilement droit, aussi mince qu’on le désire ; en conséquence on en fabrique, surtout en Italie, beaucoup de merrain, d’essentes, de lattes, &c.

Le bois des jeunes se fend également bien, se conserve autant, est très-élastique, est ordinairement droit, ce qui le rend-plus propre qu’aucun autre, indigène, pour la fabrication des cercles de cuves & de tonneaux, pour celle des baguettes de treillage, pour celle des échalas, &c.

C’est principalement pour ces derniers objets qu’il est avantageux, dans les environs de Paris, de cultiver le châtaignier en taillis, comme je le prouverai plus bas.

On a reconnu, en Amérique, que l’écorce du châtaignier étoit supérieure à celle du chêne pour le tannage des cuirs & la teinture en noir.

La grandeur, la couleur & l’abondance des feuilles du châtaignier, la forme arrondie de sa tête & la grosseur de son tronc quand il est vieux, le rendent très propre à produire de loin un grand effet, lorsqu’il est isolé ; mais la mauvaise odeur de ses fleurs & le désagrément des hérissons (brou de ses fruits), qui se rencontrent toujours sous ses branches, en rendent les approches peu agréables. Il en est de même de ses taillis ; ils sont très-beaux de loin, mais l’absence des feuilles à l’intérieur les fait paroître décharnés, si je puis employer cette expression, lorsqu’on en approche. Ainsi donc il est peu propre à entrer dans la composition des jardins paysagers, quoique quelques pieds bien groupés y renaissent souvent avantageusement leur place ; mais de combien son utilité compense ce foible désavantage !

Je reviens donc à i’examen des services qu’on retire du châtaignier comme arbre fruitier & comme arbre propre à faire des cercles.

Les montagnes granitiques ou schisteuses du second ordre sont le véritable pays du châtaignier. On l’y voit prospérer sans que la main des hommes s’en mêle. Rarement il y est disposé en lignes ou en quinconce, parce que sa plantation n’est presque jamais que l’effet du remplacement des pieds morts ; mais il y a souvent des espaces fort étendus qui en sont garnis depuis l’origine de la civilisation, & qui n’offrent, au-delà de la récolte de leurs fruits & de la tonte de leurs branches, faite de loin en loin, qu’une herbe rare & très-peu convenable à la dépaissance des bestiaux.