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PRELIMINAIRE. 33


Mais ces plantes communiquent avec elle indirectement, par le moyen des individus qui les nourrissent. On fait germer des graines en les tenant seulement dans des vases humides ; on élève des fleurs en suspendant leurs bulbes au-dessus de l’eau ; des racines, placées dans un endroit chaud, sans être dans la terre, poussent des tiges qui acquièrent de la longueur. Les expériences de Vanhelmont, de MM. Duhamel & Bonnet nous apprennent qu’on parvient même à faire croître un arbre pendant long-tems, en ne cessant pas de le soutenir au-dessus d’un baquet plein d’eau. M. l’abbé Nolin a conservé, sept mois, une plante apportée de la Chine, qui vivoit dans un panier suspendu en l’air. Ses tiges & ses racines n’avoient d’autre aliment que l’humidité de l’air. Pendant la traversée on i’avoit tenue attachée au mât du vaisseau. Ces faits, curieux sans doute, sont dignes de fixer l’attention des physiciens ; mais ils font exception à la loi générale de la nature, & n’empêchent pas que les plantes n’aient besoin de la terre pour exister, de la manière qui leur convient. Car, dans celles que l’art élève autrement pendant quelque tems, la végétation ne s’y accomplit jamais, puisqu’elles ne portent pas des graines capables de les reproduire. Il est prouvé par-là seulement, que l’eau & la chaleur contribuent beaucoup à la végétation ; mais il ne s’ensuit pas que la terre ne lui soit point nécessaire. Qu’on compare deux plantes de même espèce, dont l’une ait poussé dans la terre, de l’autre dans l’eau, ou à l’aide de la chaleur ; tout, dans la première, annonce la vie & la santé ; l’autre paraît languissante & d’une constitution délicate, qui annonce qu’elle ne doit point arriver à son degré de perfection.

La terre ne sert pas seulement d’appui au végétal & de laboratoire aux sucs qui lui sont destinés, mais elle entre encore dans sa composition. On en peut juger par ce qui a lieu dans la destruction du végétal. De quelque manière qu’elle s’opère, après la dispersion de la plupart des principes, il reste toujours une certaine quantité de molécules fixes, qui sont, ou de la terre pure, ou des substances en partie terreuses. Cet élément paraît servir de charpente à tous les êtres organisés. Plus les végétaux ont existé long-tems, plus ils fournissent de principes terreux dans leur décomposition. Il faut, sans doute, que la terre, pour être propre à passer dans les vaisseaux des plantes, subisse une atténuation bien grande. Comment cette merveille peut-elle avoir lieu ? Quel est l’atténuant ou le dissolvant de la terre, qui passe dans les végétaux ? Par quel méchanisme se fait l’ascension des sucs nutritifs ? Voilà sur quoi nos connoissances sont très-bornées, & le seront long-tems, sans doute. La nature agit en secret & cache, derrière un voile épais, une partie de ses opérations,

Agriculture. Tome I. E