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PRELIMINAIRE


parce que les paysans ne voudroient plus payer qu’en argent. Ce ne sont pas encore-là les seuls moyens d’augmenter les progrès de l’agriculture.

Les propriétaires qui louent leurs terres ont intérêt d’en réunir le plus qu’ils peuvent en une seule de même exploitation, à cause des économies qu’ils font sur l’entretien des bâtimens. Ce seroit peut-être aussi l’avantage de l’agriculrure, si les fermiers étoient en état de faire de grasses avances. Mais leur fortune étant très-bornée, le bien général demande que les fermes ne soient pas considérables; six cens arpens de terres seront mieux cultivés par deux fermiers que par un seul. On engageroit sans doute difficilement les propriétaires à multiplier leurs fermes, parce qu’ils diminueroient leurs revenus, en augmentant les frais de réparation. Car, depuis quelque tems même, il s’établit dans certains cantons un usage bien contraire à ces vues. Des propriétaires, parmi lesquels il y a des mains-mortables, détruisent leurs fermes, en abattent les bâtimens, en distribuent les terres par lots à des fermiers voisins, déja chargés de fortes exploitations. Si ceux qui prennent à loyer les terres d’une ferme démembrée, augmentoient en proportion le nombre de leurs bestiaux, l’agriculture ne souffriroit pas un tort aussi notable dans ce partage. Mais leurs étables n’étant pas assez grandes pour contenir ce qu’il leur faudroit de bétail de plus, ils se restreignent à une quantité peu au-dessus de celle qu’ils avoient, & le pays doit se ressentir d’une diminution d’engrais. Ce seroit une injustice d’engager les propriétaires des fermes conservées à construire de nouveaux bâtimens pour loger les bestiaux qu’exigent les lots de terres des fermes détruites qu’on y ajoute. Je propose un moyen exempt de ces inconvéniens de capable de faire le bonheur d’une foule de paysans malheureux, c’est de distraire des fermes considérables plus ou moins d’arpens de terres pour les donner à des particuliers à prix d’argent, en chargeant par leurs baux les fermiers de la perception de ces loyers. Sans perdre de leurs revenus, sans augmenter leurs dépenses, les propriétaires offriroient par-là une manière de vivre aisée à de pauvres gens, qui n’ont de ressources que dans les journées qu’on leur fait faire. Ces portions de terres divisées en seroient mieux cultivées; mais il faudroit exiger qu’ils les-cultivassent à la main: car s’ils dépendent des fermiers, leurs terres seront mal labourées, mal ensemencées & négligées toujours, les fermiers préférant soigner leurs terres dans les saisons convenables, plutôt que celles des particuliers. Car on remarque que les champs des particuliers, qui y donnent tout leur soin & les cultivent à la bêche ou à la houe, rapportent plus que ceux des fermiers. La raison en est simple, c’est qu’en supposant même qu’on les façonne à la charrue, ils ont toujours à proportion