fréquens fossés, qu’on dirigeroit dans des ruisseaux & de-là dans de
petites rivières, en en creusant les lits pour établir la pente nécessaire:
on pourroit même par des saignées, pratiquées avec intelligence, détourner ces eaux pour arroser les terreins secs & arides qu’elles rencontreraient dans leurs cours. Les fonds pour tous ces travaux, soit que
ce fût le gouvernement, soit que ce fussent les provinces qui les entreprissent, seroient considérables, j’en conviens, mais ils produiroient
dans la suite des rentrées énormes, & jamais l’état ou les administrations provinciales n’eussent placé de l’argent à un si gros intérêt. Il
en coûterait moins au gouvernement, sans doute, parce qu’il a des
ressources infinies. On assure que ces opérations se feroient avec une
grande facilité & d’une manière peu dispendieuse, si en tems de paix
on y employoit une partie des troupes. Une foule de monumens
attestent que les Romains occupoient leurs soldats à des travaux d’utilité
publique. Louis XIV, avec le même secours, fit préparer, en 1686,
un aqueduc dont il reste des vestiges remarquables, & qui devoit
amener la rivière d’Eure à Versailles. Cet ouvrage, il est vrai, a causé
des maladies à un grand nombre de soldats ; mais on pouvoit les prévenir
en prenant les précautions nécessaires. Des exemples plus récens prouvent
combien ce moyen offre d’avantages, puisqu’on vient d’employer des
troupes avec succès pour ouvrir des canaux & pratiquer des desséchemens.
La multiplication des bestiaux est la richesse & le mobile de l’agriculture ; elle est retardée en France par plusieurs causes. On a cru qu’on ne pouvoit pas en élever un aussi grand nombre depuis qu’on avoit défriché des landes consacrées à des pâtures naturelles. C’est une erreur dont on reviendra lorsqu’on réfléchira quelles sont remplacées avantageusement par des prairies artificielles, utiles même pour le repos des terres, & par les fourrages & pailles résultans des récoltes. Il y a cette réciprocité entre les bestiaux & les champs labourables, que plus ceux-ci rapportent, plus on est en état d’entretenir de têtes de bétail, & vice versâ.
On a depuis long-tems reconnu combien les troupeaux sont avides de sel, combien cette denrée leur est salutaire, combien on en sauveroit des maladies qui les tuent si on pouvoit leur en donner à volonté, combien enfin ceux auxquels on en fait manger de tems en tems quelques poignées, ou qui paissent dans ses prés salés, deviennent vigoureux & ont la chair délicate. Ces observations, peut-être déja communiquées au prince qui nous gouverne, seront de nouveau portées aux pieds du trône par quelque ministre sage, avec des moyens efficaces de rendre le sel marchand sans nuire aux revenus de l’état. C’est le vœu des citoyens, amis de la patrie ; le monarque en sera frappé & la multiplication des troupeaux, d’où dépendent les