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par d’autres aux fleurs de tithymale, ou d’orme, ou de tilleul, sur lesquelles elles vont chercher le miel. Aucune de toutes ces assertions n’est prouvée. Le seul fait qui mérite attention, est une expérience de M. de Réaumur. Ce savant observateur a nourri de miel seulement, pendant un certain tems, des abeilles qu’il tenoit renfermées ; elles ont toutes été attaquées de dévoiement. Mais ce dévoiement est-il dû à la privation de cire brute, ou au principe de cette maladie qui s’est développé pendant l’expérience, ou à l’air altéré que les abeilles ont respiré étant ainsi renfermées ? Voilà ce qui n’est pas éclairci par l’expérience de M. de Réaumur. Quoiqu’il en soit, il y a des moyens de prévenir le mal & d’en arrêter les progrès. Pour cet effet il est bon, à la fin de l’hiver, de renouveller l’air des ruches, & d’ajouter au miel, qu’on donne à celles qui en sont dépourvues, un syrop fait avec du sucre & du bon vin qu’on fait réduire à petit feu. M. Palteau a imaginé un remède analogue à celui-ci. On prend quatre pots de vin vieux, deux pots de miel & deux livres & demi de sucre ; on fait bouillir le tout jusqu’à consistance de syrop, on le conserve à la cave dans des bouteilles ; on s’en sert pour en donner aux abeilles. Ce remède guérit les unes, & préserve les autres de la maladie en les fortifiant. La farine de fèves, mêlée avec du miel & du vin, est aussi regardée comme utile dans le flux de ventre des abeilles. On conseille même l’urine que ces insectes paroissent rechercher, vraisemblablement à cause des sels qu’elle contient. M. l’abbé Eloi, vicaire-général de Troyes, qui a élevé beaucoup d’abeille & avec bien de l’intelligence & du soin, trouvant au retour d’un voyage une de ses ruches dans un état de dépérissement, qui lui faisoit craindre de la perdre, fit un mélange de deux tiers de miel & d’un tiers de kervaser ; il en aspergea l’intérieur avec un balai de plume. Une heure après, tout se ranima & la ruche fut sauvée.

Plusieurs auteurs parlent de la rougeole des abeilles. A ce mot on croiroit que c’est une maladie, tandis que ce n’en est que la cause ; encore M.de Réaumur est-il persuadé que c’est une opinion fausse. Dans le cas dont il s’agit, la moitié des alvéoles est remplie d’une matière rouge plus amère que douce. Selon les uns ; c’est une cire recueillie sur les fleurs de buis, de tilleul ou d’if ; selon les autres c’est une espèce de miel qui se corrompt, & rend les abeilles malades ; ce que nie M. de Réaumur, assurant que cette matière est une cire brute, nécessaire à la nourriture & aux ouvrages des abeilles, & qu’elle est ainsi colorée à cause de la nature des étamines sur lesquelles elle est recueillie.

M. Schirach a reconnu dans les abeilles une maladie qu’il appelle maladie des antennes, parce que ces parties sont plus jaunes & plus grosses qu’à l’ordinaire. Il croit qu’elle est occasionnée par la foiblesse. S’il en est ainsi, les remèdes indiqués dans le flux de ventre conviennent aussi dans la maladie des antennes.

Quand, par quelque circonstance, le couvain meurt dans ses alvéoles, il cause dans la ruche une infection qui rend les abeilles malades ; il faut alors l’enlever, & quelquefois changer les abeilles de ruche, ayant soin de parfumer celle où étoit le couvain mort, si l’on veut s’en servir une autrefois. On donne, dans ce cas, aux abeilles du syrop de M. Palteau. Il faut, pour éviter le même inconvénient, retrancher les parties des gâteaux qui seroient moisies par l’humidité.

Le froid est une des causes de dépérissement des ruches ; on doit les en garantir en les abritant & en les couvrant. Les combats que se donnent les abeilles, soit à l’occasion de la pluralité des reines, ainsi qu’on l’assure, soit par des inimitiés particulières, soit pour piller ou pour repousser le pillage, en font périr un grand nombre. On prétend qu’on peut reconnoître quand une ruche a plusieurs reines. Il seroit donc utile d’en ôter une ; ce qui ne me paroît pas facile. Il est encore moins aisé de prévoir les combats occasionnés par des inimitiés de ruches contre ruches. Lorsque deux essaims se battent en l’air, tout ce qu’on peut faire, c’est de jetter dessus de la poussière ou de l’eau, pour séparer les combattans. On a vu comment on empêchoit le pillage.

Manière de nourrir & de soigner les Abeilles.

Si on laissoit aux abeilles tout le miel qu’elles ramassent, elles auroient presque toujours de quoi vivre abondamment. Il n’y auroit que les essaims nouvellement établis & les tardifs, qui en manqueroient quelquefois ; mais souvent, à force de dépouiller les anciennes ruches, nous les appauvrissons au point qu’elles périraient de besoin, si nous ne venions à leur secours.

Quand un essaim, qui n’a pas encore pu se procurer des provisions, est surpris par un tems froids ou par des pluies, il est nécessaire de lui donner de la nourriture. On lui présente sur des assiettes garnies de paille hachée, ou du miel seul, ou un mélange de miel, de sucre & d’eau-de-vie, ou de la bonne avoine concassée avec du miel & du sucre, ou de l’avoine seule, ou enfin du miel avec de la purée, soit de sèves de marais, soit de lentilles & du vin blanc. Au lieu de se servir de paille hachée, on peut recouvrir les assiettes d’une toile claire, ou d’une feuille de papier piquée de trous, à travers lesquels les abeilles puisent le miel sans s’empâter. M. du Carne, d’après M. Pecquet, propose un moyen qui réunit tous les avantages. Il consiste à remplir de syrop destiné aux mouches, une bouteille dont on couvre le goulot avec une grosse toile, qu’on lie fortement avec une ficelle ; on passe le goulot de cette bouteille dans un trou fait à la partie supérieure de la ruche. Les abeilles viennent au goulot sucer le syrop. Quand la bouteille est vide, s’il en est