326 ABE ABE
La fausse-teigne, appelée teigne de cire, ravage des ruches entières. Dix ou douze insectes de cette espèce suffisent pour mettre en pièces des gâteaux, & pour forcer les abeilles à leur céder la place. Ce n’est pas une teigne, puisqu’elle se fait des galeries, qui lui tiennent lieu des vêtemens ambulans que les vraies teignes se fabriquent. Sa chenille a seize jambes ; elle est rase, blanchâtre, de médiocre grosseur ; sa tête est brune & écailleuse ; elle conduit son logement dans l’épaisseur des gâteaux, en perçant le fond qui communique aux alvéoles opposés, & l’étend en différentes directions tortueuses. Enfin on assure que les guêpes & les frelons sont aussi très-nuisibles aux ruches qu’ils viennent piller.
Les putois & les renards peuvent se prendre au piège ; on ôtera aux souris & aux mulots l’accès auprès des ruches, en les exhaussant sur des piliers, en tendant des souricières autour, & en découvrant de tems en tems les chapiteaux, pour empêcher qu’il ne s’y fasse des nids de ces animaux, & mieux encore en rétrécissant l’entrée des ruches par de petits grillages. On conseille encore d’isoler les ruches, en les éloignant des murs & des haies, & en ne laissant point de grandes herbes aux environs. Le tablier doit être assez élevé, pour qu’un mulot ne l’atteigne pas en sautant : pour cela il faut qu’il soit porté sur deux piquets, auxquels on l’assujettit par de forts clous, ce qui est observé sur-tout dans la ruche de M. l’abbé Eloi, comme on le verra plus loin. Il est facile d’écarter les oiseaux de basse-cour des ruchers, qu’on place toujours dans des enclos. Le tort que les moineaux font aux abeilles, est le moindre de ceux pour lesquels on devroit les détruire ; une loi qui mettroit leur tête à prix, seroit une loi très-sage. Les autres oiseaux sont moins à craindre pour les abeilles, pace qu’ils approchent plus difficilement des habitations des hommes, auprès desquelles sont ordinairement les ruchers. On préviendra les araignées, les fausses- teignes & les poux, si, avant de se servir d’une ruche pour y mettre un essaim, on la nettoye bien, & on la passe sur la flamme d’un feu clair, & si on a l’attention de ne point laisser les ruches vides exposées aux volailles qui sont sujettes à avoir des poux. Quand on apperçoit qu’il y a dans les gâteaux des galeries formée par les fausses-teignes, ou que des ruches on voit sortir des papillons, il faut, dit-on, y introduire la fumée de grenadier ou de figuier sauvage ou de frêne, attirer le soir les papillons avec une chandelle allumée placée dans un bocal de verre, & couper les portions de gâteaux attaquées. Le plus sûr est de faire passer les abeilles dans une autre ruche. Il est rare que les frelons & les guêpes se réunissent en assez grand nombre pour oser attaquer les abeilles dans leur domicile. Le plus souvent ces insectes se jettent sur les abeilles lorsqu’elles viennent des champs chargées de miel, qu’ils leur arrachent, en les massacrant. Rien n’est plus aisé à détruire que les guêpes ; on tâche de découvrir leur retraite ; le soir, on allume à l’entrée du trou de la filasse imbibée d’essence de thérébenthine ; l’odeur suffoque toutes les guêpes, en quelque partie du guêpier qu’elles se retirent ; celle qui cherchent à sortir, se brûlent ; il n’en échappe pas une seule. Ce moyen m’a paru préférable à l’eau bouillante, qu’on conseille de jeter dans les trous des guépiers ; il y en a toujours un certain nombre qui se sauvent dans ce dernier cas.
La principale maladie, à laquelle les abeilles soient sujettes, c’est le flux de ventre ou dévoiement, qui, sur-tout au printems, attaque les plus foibles & les plus mal constituées ; cette maladie perd une ruche entière, lorsqu’il y a dedans quelques abeilles qui en sont atteintes. N’ayant pas la force de se déranger pour rendre à l’écart leurs déjections, les autres en sont couvertes & périssent, faute de pouvoir respirer, parce que les organes de leur respiration se trouvent bouchés. Le flux de ventre des abeilles a été attribué à diverses causes ; par les uns au miel nouveau qu’elles mangent après l’hiver ; par les autres au défaut de cire brute dont elles manquent, & qu’on regarde comme une partie essentielle de leur nourriture ;