Page:Encyclopedie Methodique - Agriculture, T01, 1787.djvu/337

Cette page n’a pas encore été corrigée

ABE ABE 323

dons, par exemple ; la vessie, qui la contient, fait peut-être partie des organes de la digestion des abeilles, comme le jabot dans les oiseaux, en sorte que cette liqueur peut être regardée comme l’aliment de l’abeille, qui vit de miel, & non comme un suc qu’elle amasse pour déposer dans les alvéoles. Dans la saison du miellat, les abeilles ne périroient-elles pas toutes, si elles avaloient la quantité de miel qu’elles recueillent ? Il est donc encore au moins douteux que le miel subisse quelque préparation dans le corps de ces insectes.

C’est dans les mois du printems que les abeilles ordinairement sont plus actives & recueillent une plus grande quantité de miel & de cire. Les plantes qui fleurissent dans cette saison, sont celles qui en contiennent le plus, & c’est alors qu’il en fleurit un plus grand nombre. L’activité des abeilles se renouvelle, lorsque, par des émigrations bien entendues, on transporte des ruches d’un pays où il n’y a presque plus de plantes en fleur, dans un pays où il y en a encore beaucoup. Si on leur a enlevé une partie ou la totalité de leur miel, elles s’empressent de travailler, jusqu’à ce qu’elles aient réparé leurs pertes ; enfin un nouvel essaim ne prend point de repos, qu’il n’ait fourni sa ruche des sucs dont il doit faire sa subsistance. On est étonné de la rapidité avec laquelle se forment les gâteaux, dans une ruche où il n’y en avoit pas. M. de Réaumur trouva qu’un essaim, qui, à cause de la pluie, n’étoit pas sorti pendant deux jours, avoit, dans cet espace de tems, formé un gâteau de quinze à seize pouces de long, sur quatre à cinq de large. On remarque que, dans une ruche nouvelle, c’est dans les premiers jours qu’il se fait le plus d’ouvrage.

S’il est vrai que la cire ne soit autre chose que la poussière des étamines des fleurs élaborée par les abeilles, plus les plantes ont des étamines grosses & nombreuses, plus elles doivent contenir de cette substance. Il y a lieu de croire que ces insectes récoltent aussi plus de miel des plantes dans lesquelles les nectaires sont plus sensibles & plus multipliée. Je suis étonné que quelque botaniste-agriculteur n’en ait pas encore donné une liste, conforme à ces réflexions. Il résulte de-là que tous les pays ne sont pas également propres à la multiplication des abeilles, & que, par-tout, on ne peut avoir du miel & de la cire de même qualité. On a remarqué que, dans le tems où les abeilles recueillent de la cire, elles vont sur les fleurs de roquette, sur celles des pavots simples & des lys, & que, dans le tems de la récolte du miel, elles cherchent par préférence celles de saule, de jonc marin, pois, lavande, tussilage, cerisier, bruyère, tubéreuse, jasmin, des ronces de haie, du sarrasin, des fèves de marais, du serpolet, marum, rosier, mélilot, romarin, origan, genêt, sainfoin, de la marjolaine, bourrache, conyze, luzerne, navette, vesce, du chèvre-feuille, tournesol, tilleul, de la verge d’or de virginie, &c. &c.

Il paroît que les abeilles vont sur toutes sortes de plantes, salutaires ou non salutaires pour l’homme ; on ne croit pas qu’elles en reçoivent d’incommodités, quoiqu’on n’en ait aucune preuve. Ce qu’il importeroit de vérifier, ce seroit la qualité que ces plantes communiquent au miel, & son influence sur la santé de ceux qui en mangent. Selon Dioscoride & Pline, il croissoit dans le royaume de Pont, & aux environs de Trébisonde, un arbrisseau, nommé Ægolethron, dont les abeilles récherchoient la fleur ; le miel qu’elles y recueilloient, rendoit les hommes insensés, & causoit divers accidens. Quand l’armée des dix mille approcha de Trébisonde, au rapport de Xénophon, les soldats ayant mangé beaucoup de ce miel, en furent tous très-incommodés ; aucun cependant n’en mourut. M. de Tournefort voyageant sur les bords de la mer noire, où cet arbrisseau est abondant, & trouvant qu’il avoit une belle fleur, en cueillit, pour en former un bouquet au pacha qui l’accompagnoit ; mais on l’avertit que son attention seroit mal reçue, parce que cette plante étoit regardée comme dangereuse. Cette circonstance rapportée dans les mémoires de l’académie des sciences, année 1704, constate l’opinion du pays sur cette plante. (Voyez Ægolethron plus loin, & Azalée, dict. de botanique, encyclopédie méthodique), mais ce ne sont là que des présomptions qui n’approchent pas de la démonstration. Il seroit à désirer que quelque propriétaire d’abeilles, plein de zèle & de sagacité, voulût faire des expériences pour éclaircir ce point, & rendre au public un grand service. En attendant, je conseille de ne pas laisser auprès des ruches la jusquiame, la ciguë, la belladone, les thitymales, &c.

Ce n’est pas seulement la liqueur sucrée contenue dans le nectaire des fleurs que les abeilles ramassent ; elles trouvent, dans l’été sur-tout, un suc plus ou moins épaissi, produit d’une forte transpiration sur la partie supérieure de la feuille des arbres & des plantes ; on lui donne le nom de miellat. Il est quelquefois si abondant, qu’elles ne peuvent suffire à tout recueillir ; on remarque encore que des pucerons font sortir, en perçant les arbres, un semblable miellat, qui n’échappe pas à l’activité des abeilles.

Travail des Abeilles dans l’intérieur des ruches.

Le travail des abeilles, dans l’intérieur des ruches, a toujours paru étonnant, & il l’est en effet aux yeux même des observateurs froids. On les voit, au retour du printems, transporter hors de leurs habitations toutes les ordures qui s’y sont amassées pendant leur état d’engourdissement, savoir, les vers & les nymphes, qui n’ont pu résister au froid, les corps des abeilles mortes de vieillesse ou de maladie, les papillons ou autres insectes qui y ont péri, & ce qu’il y a d’altéré dans

S ij