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le jour jusqu’à l’entrée de la nuit. Elles ne se reposent pas, comme on le croiroit, dans leurs alvéoles qui ne servent que pour loger le couvain & le miel. Elles se tiennent pendant la nuit attachées par les pattes, les unes aux autres, dans la partie basse de la ruche. Pendant l’hiver, elles sont dans la partie haute. Quand le tems est disposé à la pluie, elles restent dans leurs ruches. Le vent & le tonnerre, qu’elles craignent, les y retiennent aussi.

Le premier soin des abeilles est de ramasser la substance résineuse, brune, à laquelle on a donné le nom de propolis. Les uns la regardent comme une espèce de cire ; d’autres pensent que c’est une substance particulière, que les abeilles prennent indistinctement où elles la trouvent, formée ou non formée. On a vu souvent de ces insectes piller les mastics dont on recouvre les greffes. Le sapin, le bouleau, le peuplier, l’if & autres arbres fournissent aux abeilles du propolis. Elles s’en servent pour enduire intérieurement les ruches afin d’en boucher toutes les ouvertures. Par là, elles se défendent, autant qu’il est en elles, des rigueurs du tems & empêchent les insectes de s’introduire dans leurs habitations.

La matière de la cire proprement dite est contenue dans les anthères des fleurs, si l’on en croit des observateurs exacts. M. Bernard de Jussieu, homme d’un mérite rare, qui ne s’en laissoit pas aisément imposer, l’assure d’après des expériences particulières. Les grains de poussière des étamines, qu’il mettoit dans l’eau, s’y gonfloient jusqu’à crever. Au moment où un de ces grains crevoit, il en sortoit un petit jet d’une liqueur onctueuse & huileuse, qui surnageoit l’eau sans jamais s’y mêler. J’ai répété cette expérience bien des fois & avec le même succès ; mais je ne crois pas que cela suffise pour assurer que la matière, qui est destinée par la nature, pour la reproduction des individus, soit celle qui serve à la formation de la cire, quoiqu’elle en contienne des principes. J’ai procuré à M. de Fourcroy, docteur en médecine & chimiste célèbre, une grande quantité de poussière d’étamines de chanvre ; il n’a pu en tirer de la cire. En supposant que cette poussière en soit la base, il paroît qu’elle a besoin que les abeilles lui donnent une élaboration. Cette élaboration, selon quelques observations, est une digestion opérée dans leur second estomac & dans leurs intestins, mais rien n’est démontré.

La grande activité des abeilles, dans leurs mouvemens, ne permet pas de les observer comme on le voudroit ; ce qui doit rendre très-réservé sur la confiance que méritent les personnes qui ont écrit sur les insectes. Tout ce qu’on sait de bien certain, c’est qu’elles voltigent de fleurs en fleurs, choisissant celles qui ont des étamines, & par conséquent qui contiennent une poussière plus ou moins jaune, & en sortent couvertes de cette poussière, & ayant à deux pattes de petites boules qu’on en croiroit formées. J’ai vu des abeilles qui portoient à leurs pattes de ces boules assez considérables : elles les prenoient sur des fleurs mâles de chanvre qu’on avoit mis sécher ; ces insectes y étoient en foule & s’en chargeoient. On dit que quand les fleurs ne sont pas encore bien épanouies, les mouches pressent entre leurs dents, comme avec une pince, les sommets des étamines pour les obliger à s’ouvrir. Dans les mois d’Avril & de Mai, les abeilles recueillent la cire du matin au soir ; dans les mois de Juin & Juillet, c’est sur-tout le matin, parce que les grains de poussière des étamines, à cause de la rosée, sont plus disposés à faire corps les uns avec les autres.

Un récolte bien plus importante est celle du miel. Linnæus à mieux observé qu’on n’avoit fait avant lui, que dans les fleurs des plantes il y a des glandes ou réservoirs qui contiennent une liqueur sucrée ; il leur a donné le nom de nectaires. « L’abeille lèche cette liqueur ; elle la lape, pour ainsi dire, avec le bout de sa trompe, peut-être aussi frotte-t-elle les glandes qui la renferment, pour l’en faire sortir, & les déchire-t-elle avec ses dents. La trompe ayant donc ramassé les gouttelettes de miel, les conduit à la bouche, où il y a une langue qui fait passer ce miel dans l’œsophage. Cette partie s’étend, dans les abeilles & dans les mouches en général, depuis la bouche jusqu’au bout du corselet & aboutit à l’estomac, qui est placé dans le corps près du corselet. Dans les abeilles, il y a encore un second estomac plus loin : lorsque le premier est vide, il ne forme aucun renflement ; il ressemble à un fil blanc & délié ; mais lorsqu’il est bien rempli de miel, il à la figure d’une vessie oblongue ; ses parois sont si minces, que la couleur de la liqueur qu’elles contiennent paroît à travers. Parmi les enfans de la campagne, il y en a qui savent bien trouver cette vessie dans les abeilles & sur-tout dans les bourdons velus, pour en boire le miel. Ce premier estomac est séparé du second par un étranglement ; c’est dans le second estomac & les intestins, que se trouve la cire brute ; il n’y a jamais que du miel dans le premier. Il faut qu’une abeille parcoure successivement plusieurs fleurs pour le remplir. » Mémoires pour servir à l’Histoire des Insectes, par M. de Réaumur, tom. V.

D’après ces détails donnés par un des plus exacts observateurs, on a pensé que les abeille avaloient le miel qu’elles ramassoient sur les fleurs, & lui faisoient subir une élaboration dans leur estomac. Ce fait ne me paroît pas prouvé, & ne peut l’être aisément. La plus forte raison qu’on allègue, est l’existence d’une vessie, qu’on trouve remplie d’une liqueur sucrée. Mais cette liqueur, plus limpide & plus fluide que le miel, se rencontre dans des insectes qui ne forment pas de gâteaux pour y déposer leur miel, dans les bour-