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du soleil, à quelque heure qu’il se fasse sentir, suffit pour déterminer un essaim à quitter la ruche. On en voit quelquefois partir quand l’air est chaud & étouffé , quoique le soleil ne se montre pas.

On reconnoît qu’une ruche est sur le point de donner un essaim lorsqu’on entend le soir & même la nuit un bourdonnement continuel. Pendant le jour, les abeilles s’amoncèlent sur la table & contre les parois extérieurs de la ruche. Malgré cet appareil & la gêne où ces insectes sont dans leur domicile, s’il ne se trouve pas de jeune reine pour se mettre à leur tête, il ne se fait pas d’émigration, ou il s’en fait rarement. Le signe le moins équivoque, & celui qui annonce que l’essaim sortira le jour même, c’est lorsqu’on voit les abeilles rester auprès de leur ruche, quoique le tems soit beau ; s’il en sort quelques-unes pour aller aux champs, à leur retour elles ne rentrent pas, comme si elles destinoient ce qu’elles ont récolté pour leur nouvelle habitation. Ce signe est le seul qu’on remarque, lorsque c’est le premier essaim de l’année qui est prêt à sortir d’une ruche ; car lorsqu’il en doit sortir un second ou un troisième, le soir, en approchant de la ruche, on y entend un petit bruit semblable au chant de la cigale, mais plus foible. Le lendemain, ou peu de jours après, un nouvel essaim quitte la ruche immanquablement. Le moment qui précède le départ est annoncé par un bourdonnement beaucoup plus considérable qu’à l’ordinaire. Bientôt les abeilles prennent rapidement leur essor ; les plus tardives suivent les premières, qui forment la plus grande partie. Alors il faut les observer, pour voir où elles se fixent.

Parmi les abeilles, qui composent un essaim, les unes sont vieilles & les autres jeunes. Les essaims sont plus ou moins considérables en nombre d’abeilles, puisqu’il y en a de quinze à vingt mille, & d’autres de trois, à quatre mille feulement. Ceux qui sortent les premiers des ruches, sont toujours les meilleurs, parce que le nombre des abeilles y est ordinairement plus grand. Quand bien même ils seroient peu fournis, il y a lieu d’espérer qu’ils se fortifieront par leur propre multiplication. Les abeilles de ces essaim sont d’ailleurs le tems de travailler & de se précautionner contre la mauvaise saison. Un bon essaim pèse cinq ou six livres, déduction faite du poids de la ruche. S’il s’en trouve de plus pesans, c’est toujours aux dépens des mères-ruches, qui s’affoiblissent trop, & qui sont en danger de périr l’hiver suivant.

Quand un essaim sort de la ruche, le premier soin est de chercher à le fixer. Souvent il va si loin, qu’on ne peut le suivre, & qu’on le perd totalement. Dans beaucoup d’endroits, les gens de la Campagne font du bruit avec des poêles ou des chauderons ; ils prétendent que les abeilles effrayées, & prenant apparemment ce bruit pour du tonnerre, quelles craignent, se rabattent & se jettent sur des arbres ou sur des buissons. Plusieurs auteurs blâment cet usage, auquel ils substituent quelques coups de fusil ou de pistolet chargés à poudre, dont ils assurent le succès. Mais ces moyens sont capables, ou de faire rentrer l’essaim dans sa ruche, ou de l’éloigner, au lieu de le rapprocher. Les seuls qui méritent confiance & sur lesquels on soit d’accord, c’est qu’il faut jetter sur un essaim du sable ou de la terre. Si, au moment où les abeilles partent, on pouvoit les arroser d’eau avec un balai, elles seroient encore plus disposées à se fixer, parce qu’elles croiroient qu’il tombe de la pluie.

Les personnes qui soignent des abeilles, doivent, dans la saison des essaims, se munir de ruches pour les recevoir. Il faut, avant de s’en servir, les nétoyer, en ôter les papillons, les toiles d’araignées & les fausses teignes ; les frotter intérieurement avec des feuilles de fèves, ou de quelqu’autre plante, qui ne contienne pas beaucoup d’huile essentielle, & qui, par conséquent, soit d’une odeur douce. Il y a des gens qui les enduisent légèrement de miel ou de crème ; d’autres conseillent de se servir de mélisse. L’odeur de cette plante est encore trop forte ; il faut s’en abstenir. Si, lorsqu’un essaim est arrêté, on n’avoit pas de ruche prête, pour le retenir en attendant, & pour empêcher qu’un autre ne s’y joignit, il seroit nécessaire de le bien couvrir avec un linge mouillé, qu’on arrangerait pardessus en forme de tente. Faute de vigilance, on risquerait de le perdre ; car il arrive quelquefois que, quand on tarde trop à le prendre, il part de nouveau pour aller chercher un domicile plus commode, sur-tout s’il est frappé du soleil.

On a plus ou moins de facilité à recueillir un essaim, selon la hauteur & la manière dont il s’est placé. Lorsqu’on peut placer la ruche pardessus,les abeilles y entrent d’elles-mêmes, ou on les y force en faisant dessous un peu de fumée avec du linge blanc de lessive, qui n’ait aucune odeur ; j’en dirai la raison plus loin.

Si l’essaim est sur un arbre ou sur un arbrisseau peu élevés, on lui présente la ruche pardessous, c’est-à-dire, renversée ; on remue la branche, & les abeilles, qui se tiennent par les pattes, tombent dedans par pelotons ; souvent on est obligé d’avoir un petit balai pour les détacher plus facilement. Quand le gros de l’essaim est dans la ruche, ce qui en reste ne tarde pas à s’y rendre. Rarement un essaim se pose sur le gazon. Si ce cas arrivoit, il suffiroit de le couvrir de la ruche, en la plaçant sur deux bâtons, afin de ne point écraser d’abeilles. Lorsqu’elles se sont fixées sur de petites branches d’un arbre très-haut, on place une ruche dans une bascule de fer, dans laquelle elle est solidement contenue ; on l’élève au bout d’une grande perche ; une personne, montée sur une échelle, secoue légèrement les abeilles avec un périt balai, pour les faire tomber dans la ruche. Ce n’est qu’à l’entrée de la nuit qu’on peut recueillir