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PRÉLIMINAIRE.


Il y a des cantons où la nature du sol refuse de produire du froment, le plus estimé des grains. On y en apporte comme du vin en Normandie, pour les gens aisés; les autres habitans se contentent pour leur nourriture, ou de seigle, ou de maïs, ou de millet, ou d’avoine, ou de sarrasin, ou de pommes de terre, ou de châtaignes, qu’ils récoltent dans leurs propres champs indépendamment de diverses sortes de légumes qu’ils sçavent cultiver. Les bestiaux, par la voie des foires & des marchés, se répandent des pâturages, où on les élève & où on les engraisse, dans le reste du royaume, soit pour servir à l’agriculture, soit pour d’autres usages, soit pour les boucheries. Je remarquerai encore que parmi nous le peuple ne mange presque pas de viande, dont le prix de l’apprêt lui coûteroient trop. Il trouve tous ses alimens dans les végétaux, plus à sa portée.

Il s’est établi dans chaque province des manufactures ou des fabriques d’étoffes grossières pour les besoins de la multitude. Les étoffes, riches ou fines, sont transportées dans les villes où le luxe ne les trouve jamais assez variées. La capitale seule, en ouvrages des manufactures, procure un débit plus grand que le quart du royaume, quoiqu’il renferme des villes du second & du troisième Ordre, habitées par des citoyens opulens. Paris, placé à peu de distance de la Beauce, de la Brie, de la Picardie, de la Normandie & de la Bourgogne, voit sans cesse arriver dans son sein toutes les denrées que ces fertiles provinces lui amènent, tant celles quelles puisent dans leurs propres fonds, que celles qu’elles tirent des pays qui les avoisinent. Une administration particulière veille à y entretenir l’abondance au milieu d’un monde de consommateurs. L’oisiveté & la crainte de l’ennui y nourrissent une très-grande quantité de chevaux, abus que le gouvernement réprimera sans doute, parce qu’il en épuise l’espèce, en sorte qu’on en trouve à peine dans la France pour monter la cavalerie, & qu’on en est réduit a les faire servir avant l’âge convenable.

Dans l’énumération de tout ce qui circule dans le royaume, comme produit de l’agriculture, je n’ai rien dit du sucre, ni du café, ni du tabac. Je croìs cependant qu’on peut regarder les deux premiers objets comme appartenans à notre agriculture, puisqu’on les recueille dans nos colonies. Ce qu’elles en fournissent suffit pour approvisionner la France, où l’habitude en a fait un besoin réel. Le tabac est une production plus nationale: encore, puisqu’on en cultiveroit avec avantage dans la plupart des provinces. La Flandre & l’Alsace en offrent des exemples ; c’est dans l’Alsace que la ferme générale a pris ce qu’il lui en failloit pendant la guerre dernière. Il seroit de meilleure qualité, s’il étoit cultivé dans le midi du royaume.