guissante; elle reprit de l’activité au commencement de la seconde
race, tems où les moines se livrèrent au défrichement des terres avec
un zèle & une intelligence, dont on a depuis ressenti toujours les
effets. Le règne de Charlemagne, pendant lequel tout prit une nouvelle forme, donna à l’agriculture un plus grand éclat, qui ne fut pas de
longue durée. Car l’invasion des Normands & le régime féodal replongèrent pour long-tems la France dans le cahos & dans l’ignorance.
Pendant plusieurs siècles, on regarda comme vils & méprisables les
hommes qui faisoient leur occupation de la culture des terres. Les
premiers qui s’y livrèrent étoient des esclaves, dont la plupart rachetèrent des seigneurs leur liberté, souvent à un prix considérable. Ceux
qui n’eurent pas le moyen de s’affranchir, restèrent, eux & leurs descendans, dans un état de dépendance & de servitude, que la sagesse
du gouvernement vient de détruire entièrement. Les croisades & le
luxe des cours, deux causes nuisibles à la France à bien des égards,
ont cependant servi à l’avancement de l’agriculture. Afin de se procurer de l’argent pendant leurs voyages, les seigneurs qui prirent la
croix rendirent libres un grand nombre de serfs & accensèrent leurs
terres. Ils firent plus; ils rapportèrent même de l’Asie des plantes
précieuses qui se sont multipliées dans nos climats. Le luxe des cours
produisit aussi un effet qu’on ne devoit pas attendre, en mettant les
biens-fonds dans la main du peuple; car ils furent mieux cultivés &
augmentèrent les richesses de l’état. Peu-à-peu les rois firent, en faveur des cultivateurs, des réglemens qui rendirent leur condition meilleure. Ceux de François Ier, de Henri III, de Charles IX & de
Henri IV ont été confirmés par leurs successeurs. Louis XIV en
ajouta de nouveaux, dictés par les lumières, qui éclairoient son règne.
Ce fut enfin sous Louis XV que l’amour de l’agriculture, gagnant
pour ainsi dire tous les ordres de l’état, cet art fit des progrès étonnans.
Les sçavans s’empressèrent de contribuer à sa perfection. Chimistes,
botanistes, physiciens, naturalistes, tous dirigèrent une partie de leurs
recherches vers l’agriculture. Il y eut sur cette matière beaucoup
d’ouvrages publiés, que les cultivateurs de profession, à la vérité,
n’étoient pas en état d’entendre ; mais les observations, qui y étoient
répandues, peu-à-peu sont parvenues jusqu’à eux & les ont frappé sans
qu’ils s’en apperçussent; en sorte qu’on en voit un grand nombre
adopter des méthodes que leurs pères ne connoissoient pas. Il y
en a même, qui font des essais, qu’on n’auroit jamais osé espérer.
Il a paru sous le règne précédent des loix utiles à l’agriculture ; les
unes concernoient la multiplication de la conservation des bestiaux; les
autres encourageoient les défrichemens ou permettoient l’exportation
des grains. Le même esprit a fait établir des sociétés d’agriculture,
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