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10 DISCOURS

& à qui des valets daignent à peine répondre ? Croirai-je que je trouverai plus de félicité à m’exposer aux rebuts d’un esclave enchaîne à la garde d’une porte & à rester souvent jusques bien avant dans la nuit devant cette porte sourde à mes instances les plus vives & cela pour acheter au prix de l'esclavage le plus affreux & le plus humiliant, l’honneur des faisceaux & l'autorité, que je n’obtiendrai cependant qu’en prodiguant encore tout mon patrimoine ? Si donc les honnêtes gens doivent fuir ces moyens d’accroître leur fortune, il n’en reste plus, comme je l’ai annoncé, qu’une seule qui puisse être regardée comme noble & honnête, & cette voie, c’est l’agriculture. » Ces plaintes, quelques touchantes quelles fussent, ne produisirent aucun effet. L’amour du travail & ce louable penchant pour le labourage, qui avoit formé un des titres les plus glorieux dont on pût décorer un citoyen romain, s’éteignirent peu-à-peu dans les cœurs du peuple : les campagnes négligées ne fournirent plus le bled nécessaire pour l’entretien de Rome ; on fut obligé, d’en tirer de l’Egypte. Dans ce désordre funeste, tout concourut même à renverser l’agriculture, le fondement le plus solide de la république. Il n’y eut plus de ces hommes distingués, de ces sçavans profonds, qui jusqu’alors avoient soutenu, par leurs écrits, la pratique du labourage. Palladius Rutilius Taurus Æmilianus, qui vivoit environ cent ans après Columelle, est le dernier des Romains qui ait écrit sur l’agriculture.

Les Chinois disputent aux peuples, dont je viens de parler, l'ancienneté du labourage. Ils prétendent avoir appris cet art de Chinnoug, successeur de Fohi. Sans aller chercher si loin une origine, sur laquelle on n’auroit que des incertitudes, il est vrai que ce pays offre aujourd'hui les traces les plus, antiques de l'industrie de ses habitans. De hautes montagnes, qui formoient ces inégalités, que le globe présente à sa surface, ont été abaissées par la main des hommes & ne conservent que la pente nécessaire pour l’écoulement des eaux & l’arrosement des terres. On a arrêté dans leurs courses rapides des rivières impétueuses ; on les a détourné avec des travaux immenses, afin quelles allassent porter la fécondité dans des lieux naturellement secs & arides. A la place de ces côteaux nuds & stériles, qu’on trouve, dans diverses parties de l’Europe, on voit à la Chine des collines couvertes de moissons abondantes, qui s’étendent d’un bout de l’empire à l’autre, & qui étant coupées par étages du pied jusqu'au sommet, s’élèvent en amphithéâtre & forment des terrasses agréables. Elles montent & se rétrécissent par une muraille sèche qui les soutient. On pratique à leur sommet des réservoirs où se ramassent les eaux des pluies & des fontaines. Si ce moyenne suffit pas pour arroser les terres, on y supplée par des machines simples, qu’un seul homme met en jeu. Leur usage