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PRELIMINAIRE. 9

de l’emploi qui leur avoit été confié. Dès-lors les campagnes ne donnèrent que de foibles récoltes. Ce malheur commençoit à se faire sentir du tems de Varron. On en peut juger par les reproches que fait un sénateur romain à Appius Claudius sur la magnificence de sa maison de campagne, comparée à la simplicité de la sienne, où ils étoient alors, et « Ici, dit-il, on ne voit ni tableaux, ni statues, ni boiseries, ni plancher, parqueté. On y trouve tout ce qui convient au labour des terres, à la culture, de la vigne, à la nourriture des bestiaux. Chez vous, tout brille d’or, d’argent, de marbre ; mais nul vestige de terres labourables. On ne rencontre nulle part ni bœufs, ni vaches, ni brebis ; point de soin dans les magasins, point de vendange dans les celliers, point de moissons dans les greniers. Est-ce donc là une métairie ? En quoi ressemble-t-elle à celle que possédoit votre ayeul & votre bisayeul ? »

Columeile déplore aussi d’une manière très-vive & très-éloquente le mépris général où de son tems l’agriculture étoit tombée, « Je vois à Rome, dit-il, des écoles de philosophie, des rhéteurs, des Géomètres, des musiciens, & ce qui est bien plus étonnant encore, des gens occupés uniquement, les uns à préparer des mets propres à piquer le goût & à irriter la gourmandise, les autres à orner la tête par des frisures artificielles, & je n’en vois aucune pour l' agriculture : cependant on peut se passer de tout le reste, & la république a été long-tems florissante sans tous ces arts frivoles : au lieu qu’il n’est pas possible de se passer du labour de la terre, puisque la vie en dépend. . . . . . D’ailleurs y a-t-il quelque voie plus honnête & plus légitime de conserver ou d’augmenter son patrimoine ? Serait-ce le parti de la guerre ? Mais croira-t-on qu’il y ait plus de justice à s’enrichir par cette voie sanguinaire, dont il ne peut nous revenir aucun profit qui ne soit teint du sang de nos semblables, & qui ne cause, en nous enrichissant, quelque dommage à notre prochain ? . . . Les hasards de la mer & les risques du commerce, auront-ils plus d’attraits aux yeux de ceux qui pourraient avoir de l’aversion pour la guerre ? Et l’homme, tout animal terrestre qu’il est, osera-t-il braver toutes les loix de la nature pour se confier aux flots, en s’exposant à servir de jouet à la fureur des vents & à demeurer continuellement exilé de sa patrie, comme un oiseau étranger qui parcourt des terres inconnues ? Ou bien donnera-t-on la préférence sur ces professions à celle de l'usure, ce crime, dont l’odieux saute aux yeux même de ceux qu'il semble secourir pour le moment? . . . . . . . . . Regardera-t-on comme plus honnêtes, les espérances illusoires de ce flatteur intéressé qui rôdant aux portes des gens puissans, est souvent réduit à se tenir aux écoutes dans un antichambre, pour deviner si son patron est encore endormi,


Agriculture. Tome I. B