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PRELIMINAIRE. 5

seconde étoit dans les mains du roi, qui devoit la consacrer aux frais de la guerre & à faire respecter par sa magnificence la dignité dont il étoit revêtu. La troisième partie étoit destinée aux soldats, qui exposoient volontairement leur vie pour le salut de la patrie. Les membres qui composoient ces trois différens ordres, ne cultivoient pas par eux-mêmes les terres qui leur étoient échues en partage. Il y avoit des laboureurs, qui se livraient aux travaux champêtres & qui en retiraient l’usufruit moyennant une redevance raisonnable. Pour retenir cette classe d’hommes, les plus essentiels de l’état, dans les bornes de la condition où la nature les avoit fait naître, des loix obligeoient, sous des peines rigoureuses, les fils des laboureurs & des bergers de succéder à leurs pères. Se voyant ainsi dans la nécessité indispensable de suivre la condition de leurs ayeux & n’ayant point l’espérance de parvenir à la magistrature ou à quelqu’autre rang distingué, ils bornoient toute leur ambition à bien remplir les devoirs de l’état dans lequel ils étoient nés, à se concilier l’estime de leurs concitoyens & à mériter les récompenses glorieuses qu’on décernoit à ceux qui faisoient quelque découverte importante.

On ne peut douter que le grand amour des Egyptiens pour les sciences, & sur-tout pour l’agriculture, n’ait produit de savans ouvrages sur cette importante matière. Il est vraisemblable que dans la bibliothèque de Memphis & dans celle d’Alexandrie, qui contenoit sept cens mille volumes en rouleaux, il y avoit un grand nombre d’écrits relatifs à cet objet. On sait que ces bibliothèques ont été perdues, & avec elles tous les ouvrages qui y étoient renfermés.

Les Grecs, imitant les Egyptiens, qui firent des dieux de tout ce qui les étonna, créèrent Cérès déesse des moissons. Cette reine de Sicile, selon eux, vint sous le règne d’Erectée à Athènes, où elle montra l’usage du bled, auparavant inconnu ; elle y enseigna la manière de faire le pain & d’ensemencer les terres. Mais quelle foi doit-on ajouter à cette tradition des Grecs ? Plusieurs auteurs regardent comme fabuleux tout ce qu’on raconte de-Çérès, & donnant à ce mot un sens allégorique, ils prétendent que par l’arrivée de Cérès à Athènes, il ne faut entendre qu’une prodigieuse abondance de bled, qu’Erectée fit apporter de l’Egypte. Pline, Virgile & d’autres assurent que l’invention de la charrue n’est point due à Cérès, mais à un certain Eurigès ou Triptolême, fils de Celeus, roi d’Eleusis, qui est représenté par les poètes assis sur un char traîné par des serpens ailés, parce que dans un tems de disette, il fit distribuer du bled dans toute la Grèce avec une diligence incroyable. Enfin Polydore Virgile fait remonter l’origine de l’agriculture à une époque plus ancienne que l’existence de Cérès. « Long-tems avant Cérès, Denis, Saturne &