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PRELIMINAIRE. 3

ples, avoir une origine céleste, & qui vouloient tout tenir, des dieux, donnoient à Isis la gloire d’avoir trouvé le bled, & ils attribuoient à Osiris l’invention de la charrue & la culture de la vigne. On ne peut disconvenir que l’agriculture ne fût très-ancienne en Égypte, puisque, d’après l’histoire sacrée, Abraham s’y retira dans un tems de famine, puisque Jacob y envoya ses enfans acheter du bled dans une pareille circonstance. Si l’on refuse aux Egyptiens l’invention de l’agriculture, il faut au moins leur accorder la gloire de l’avoir perfectionnée & rétablie parmi les peuples, où la barbarie l’avoit fait, oublier.

En effet, l’Égypte dans la suite des tems, devint le plus beau pays du monde, le plus abondant par la nature, le plus cultivé par l’art, le plus riche & le plus orné par l’économie & l’industríe de ses habitans. Tous les peuples ont célébré sa grandeur, quoiqu’ils n’aient vu que les débris de ses ouvrages, qui sembloient faits pour braver les injures du tems & porter aux siècles futurs des témoignages éclatans de sa magnificence. Ce que les Egyptiens ont fait pour rendre leur pays fertile, pour y faire fleurir le commerce & l’agriculture, est aussi étonnant que les monumens qu’ils ont laissés, & qui font l’admiration des voyageurs.

Malgré sa situation heureuse & la bonté du sol, l’Égypte ne seroit qu’un désert sec & aride, à cause de la chaleur excessive du climat, si elle n’étoit arrosée par les débordemens du Nil. Elle doit aux inondations périodiques de ce fleuve sa prodigieuse & admirable fertilité. Les pluies n’y sont presque pas connues. Mais c’est moins la propriété fécondante des eaux du Nil, qui enrichit l’Égypte, que l’industrie de ses habitans pour en profiter. Comme il ne peut se répandre par-tout dans une juste proportion, ni à une certaine distance de ses bords, on avoit pratiqué sur toute l’étendue de son cours une infinité de canaux & de tranchées, qui distribuoient les eaux dans tous les endroits où elles étoient nécessaire. Chaque village avoit son canal, qui étoit ouvert pendant l’inondation ; on étoit obligé de le fermer dans un tems limité, afin que l’avantage de l’arrosement & de l’engrais fût également répandu. Cette multiplicité de canaux unissoit les villes entr’elles, entretenoit leur commerce & défendoit le royaume contre les attaques des ennemis ; en sorte que le Nil étoit tout-à-la-fois & le nourricier & le défenseur de l’Égypte. On lui abandonnoit les campagnes ; les villes & les villages rehaussés par des travaux considérables, étoient soustraits à la submersion & s’élevoient comme des isles au milieu des eaux. Pendant deux saisons de l’année, l’Égypte offroit aux yeux le spectacle du monde le plus agréable. Si, dans les mois de juillet & d’août, l’on gagnoit la cîme de quelque montagne, ou les grandes pyramides d’Alkahira, on découvroit au loin une vaste mer, du sein de laquelle sortoient des villages & des chaussées, qui servoient de


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