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imposantes, qui les forcèrent de se retirer[1].

Abdère fut, en 317 av. J. C., abandonnée par une partie de sa population, à cause des rats et des grenouilles qui, y pullulant d’une manière extraordinaire, en rendaient le séjour insupportable ; et Cassandre, qui régnait alors en Macédoine, donna aux émigrants des terres sur les frontières septentrionales de ce pays[2].

Enfin, le dernier roi de Macédoine, Persée, voulant punir les Abdéritains des réclamations qu’ils lui avaient adressées au sujet de l’énormité des impôts dont il les accablait, vint les attaquer à l’improviste, et saccagea entièrement leur ville[3] ; mais, bientôt après, Paul Émile, vainqueur de ce prince, leur donna les priviléges des villes libres[4], priviléges qu’ils conservaient encore au temps de Pline[5].

Le nom moderne d’Abdère, Polystilo, indique l’importance que conservèrent longtemps les ruines de la ville antique ; cependant, des nombreux édifices qu’elle devait posséder, deux seulement sont mentionnés par les auteurs : un temple de Jason[6] et une tour nommée par Méla[7] la tour de Diomède. On possède de cette ville un assez grand nombre de médailles, dont les types ordinaires sont un griffon et un cantare. Ainsi que les Marseillais, les Abdéritains dévouaient, au commencement de chaque année, un homme qu’ils tuaient ensuite à coups de pierres, pour le salut commun[8].

Le Nestus, qui changeait quelquefois de lit, et inondait souvent ses rives[9], formait près de son embouchure de vastes marais. Les anciens attribuaient aux exhalaisons de ces marais le peu d’intelligence des habitants d’Abdère, dont la stupidité était en effet devenue proverbiale[10] ; cette ville avait cependant donné naissance à plusieurs personnages célèbres : Démocrite, Protagoras, Anaxarque, Hécatée.

Sur l’origine fabuleuse d’Abdère, d’après les legendes mythologiques, voy. Apollodore, II, 5, 8 ; Étienne de Byzance, au mot "Ἄβδηρα ; MeIa. II, 2 ; Solin, 10 ; Epitom. Strab., VII, 333, etc. Voy. dans Lucien, Quomodo Hist. sit conscrib., i, une anecdote plaisante sur les Abdéritains.

Léon Renier.

ABDICATION. (Politique.) Abandon de la puissance souveraine ou des droits de cité. Les princes peuvent seuls abdiquer le pouvoir ; des citoyens peuvent seuls abdiquer leur patrie. L’abandon des suprêmes magistratures se nomme abdication lorsqu’il est volontaire, déposition lorsqu’il est forcé. Si un citoyen renonce volontairement à sa patrie, il l’abdique ; s’il fuit pour se soustraire à des lois tyranniques, il émigre ; s’il émigre au moment où le pays peut avoir besoin de ses secours, il déserte ; s’il va se réunir aux étrangers contre la liberté de ses compatriotes, il devient ennemi. Coriolan, le connétable de Bourbon, el tous les émigrés qui leur ressemblent, sont des transfuges. L’abandon du pays peut être forcé. Il prend le nom d’exil lorsqu’il est temporaire et que la tyrannie s’arrête aux frontières : Athènes, Rome, toutes les républiques ont connu l’ostracisme ; aucune n’a poursuivi l’exilé dans le lieu qu’il avait choisi pour refuge. Il prend le nom de bannissement lorsque le lieu d’exil est désigné et qu’un pouvoir arbitraire y surveille et tourmente ses victimes ; c’est ainsi que l’aristocratie de Venise exilait ses ennemis. Si la puissance qui bannit n’est pas dans la loi, ou si la loi est l’ouvrage d’une faction, le bannissement prend le nom odieux de proscription. Ce genre d’exil convient admirablement aux ambitieux qui veulent usurper le trône, ou aux tyrans qui veulent en étendre les prérogatives ; c’est celui qu’ont choisi Pisistrate, Sylla, les triumvirs, Tibère, et leurs innombrables imitateurs.

Le contrat qui lie le citoyen et la cité est synallagmatique : si le contrat est violé par la cité, le citoyen l’abdique ; s’il est violé par le citoyen, la cité l’exile. Le Romain qui répudiait la république renonçait aux priviléges attachés au titre de citoyen ; lorsque Rome répudiait un de ses enfants, elle lui interdisait l’eau et le feu sur tout son territoire. La chétive république de Genève priva J.-J. Rousseau de ses droits de cité ; l’immortel philosophe abdiqua son ingrate patrie, et la priva par son absence d’une grande illustration.

Dans les pays qui admettent l’esclavage ou la servitude de la glèbe, le citoyen peut abdiquer sa liberté ef devenir esclave volontaire, contrat illégal dont les Hébreux avaient adouci l’infamie en fixant la durée de ses effets. Certains États onl établi la puissance paternelle sur le modèle du despotisme, afin d’établir la puissance royale sur le type de la puissance paternelle. Alors le père peut abdiquer son fils ; cette abdication déshérite comme l’exhérédation, et de plus eIle peut exclure l’enfant de sa propre famille.

Le contrat qui lie le peuple et le monarque est aussi synallagmatique ; et lorsqu’il est violé, il y a entre l’abdication et la déposition une corrélation naturelle et nécessaire. C’est ainsi qu’à Venise le sénat décida que les en-

  1. Diod. Sic. XV, 36 ;. Æn. Poliorcet. c. 15.
  2. Justin. XV, 2.
  3. Tit. Liv. XXXIII, 4.
  4. Id. XLV. 29.
  5. Hist. nat. IV, 11, 18.
  6. Strab. XI, p. 531.
  7. Mela, II, 2.
  8. Ovid. Ibis, 469.
  9. Fragment. lib. VII gcographicor. Strabonis Palalico-vatican., ed. Tafel, p. 32.
  10. Voy. Cicer. ad. Attic.. IV, 16 ; Juven. X, 50 ; Mart. X, 25.