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ché, d’un monastère quelconque, et son église d’une paroisse, ou même d’une cathédrale. Toutefois on juge facilement par l’étendue et par le nombre des parties distinctes qui composent la totalité de l’édifice, si le monastère était un simple couvent ou uue abbaye, ces dernières ayant généralement une étendue assez considérable. En effet, les abbayes ne renfermaient guère moins de vingt religieux, et le nombre de ceux-ci s’élevait souvent jusqu’à près de cent, comme à Clairvaux et à Cîteaux, en France, à Glocester et à Bury-Saint-Edmond, en Angleterre. À Fontevrault, il y avait cent soixante religieuses et soixante religieux. Du temps de Pierre le Vénérable, l’abbaye de Cluny comptait quatre cent soixante religieux. En général, les abbayes de filles étaient en France plus peuplées que les abbayes d’hommes. Outre les religieux ou religieuses, ces édifices devaient contenir de nombreux domestiques et les personnes qui leur étaient attachées à différents titres.

Les plus grandes abbayes comme celles de Westminster, de Bury-Saint-Edmond, de Tewkesbury, de Glastonbury, en Angleterre, de Saint-Germain des Prés, de Cluny, de Clairvaux, en France ; de Fulde, de Corvey, en Allemagne ; du Mont-Cassin, de Subiaco, Grottaferrata, en Italie, se composaient ordinairement de deux grandes cours quadrangulaires, le long desquelles régnaient des corps de bâtiment. Tous les bâtiments, tels que fermes, greniers, granges, moulins, écuries, étaient entourés d’une haute muraille qui formait ce que l’on nommait le clos ou enclos, clausum, et souvent cet ensemble de bâtiments offrait l’aspect d’une ville fortifiée. Autour de la cour quadrangulaire principale ou cloître, se trouvaient l’église et ses dépendances, la salle capitulaire, le réfectoire, l’aumônerie, l’infirmerie, la bibliothèque et les parloirs. Dans les abbayes d’une certaine importance, le logement de l’abbé constituait à lui seul un édifice important et même un palais, qui communiquait directement avec l’église et le chapitre. Il s’y trouvait un oratoire ou chapelle particulière, où, durant le carême, l’abbé passait le temps qui s’écoulait entre la première messe et le moment du dîner ; mais cet usage des premiers temps avait disparu dans les siècles derniers.

La maison du portier constituait aussi, fréquemment, un bâtiment important et dont l’architecture n’était pas sans élégance ; c’est ce qu’on observe surtout dans les restes des abbayes anglaises, à Saint-Alban, à Saint-Augustin de Cantorbéry où cette partie du monastère est flanquée de tours octogones, à Evesham, où elle est décorée d’un beau campanile. Mais l’architecture des abbayes était trop variée, les plans de ces édifices étaient trop différents, pour qu’on puisse leur assigner une disposition spéciale.

Richard et Guiraud, Bibliothèque sacrée. 2e édit. Paris, 1827. Articles Abbbaye. Prieuré.

Moroni, Dizionario di erudizione ecclesiastica, Rome, 1840. Art. Abbadia.

Neudecker, Handwœrterbuch der Kirchengeschichte. Art. Abtel

Thomassin, Traité de la discipline ecclésiastique. 17215. In-fol., tom. 3.

J. Britton, A Dictionary of the architecture and archœology of the middle ages. Art. Abbey, Londres. 1818, in-4o.

Alfred Maury.

ABBEVILLE. (Histoire.) Cette ville, située sur la Somme, à cinq lieues de la mer, n’était dans l’origine qu’une maison de plaisance du riche et puissant abbé de Saint-Riquier (Abbatis villa.) Peu à peu la villa abbatiale se transforma en un château entouré de maisons. À la fin du dixième siècle, Hugues Capet, trouvant cette position convenable, la fortifia pour arrêter les ravages des Normands, dont les barques remontaient alors tous les fleuves de la France qui se jetaient dans l’Océan ; et il y établit un de ses vassaux, qui porta le titre d’avoué, parce qu’il devait protéger les terres du monastère. Plus tard l’avoué s’adjugea le titre héréditaire de comte de Ponthieu, et Abbeville devint la capitale de ce comté.

Au moyen âge, Abbeville fut une cité industrieuse et commerçante ; elle fabriquait de gros draps qui trouvaient un grand débit aux foires de Champagne, où ses marchands conduisaient de nombreux troupeaux de porcs et de moutons. Colbert fit beaucoup pour l’industrie de cette ville en y appelant le Hollandais Van-Robais, qui y établit des fabriques de draps fins, façon de Hollande et d’Angleterre. Ce fut alors le temps de la plus grande prospérité d’Abbeville, et le géographe Sanson, qui vivait à cette époque et qui y était né, porte le nombre de ses habitants à trente-cinq ou quarante mille. Elle n’en compte aujourd’hui que 19 162 ; cependant, elle occupe encore un rang important parmi nos villes industrielles, par ses manufactures de draps, de velours et de moquettes.

Abbeville se vante de n’avoir jamais été prise, et elle se faisait appeler autrefois Abbeville la Pucelle. Tant que les Anglais restèrent maîtres de Calais, la possession de cette ville fut très-importante, parce que, gardant la ligue de la Somme, elle couvrait une partie de la Picardie et de la Normandie. Aussi les rois de France récompensèrent-ils la fidélité de ses habitants (semper fldelis était sa devise) par la concession d’importants priviléges, dont plusieurs étaient encore conservés au dernier siècle par ses majeurs. C’étaient comme les restes de l’ancienne constitution communale que les bourgeois d’Abbeville avaient obtenue en 1130,