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qui écoutent & ceux qui chantent, on entend l’écho d’une manière différente.

Pour faciliter l’explication de ces échos, Don Quesnel a envoyé le plan du lieu où l’écho se fait entendre. C’est une grande cour CHC, fig. 747, située au-devant d’une maison de plaisance, appelée Genetay, à six ou sept cents pas de l’abbaye de Saint Georges, auprès de Rouen. Cette cour est un peu plus longue que large ; elle est terminée dans le fond par la face du corps-de-logis, &, de tous les autres côtés, environnée de murs en demi-cercle. On n’a représenté ici que la cour, le reste ne servant pas à l’écho.

On peut diviser les échos en deux classes, échos simples & échos multiples. Chacun de ces échos se sous-divise en échos monosyllabiques & en échos polysillabiques.

Pour qu’un écho puisse avoir lieu, il faut absolument qu’il y ait un son produit & une cause de répétition : on appelle, centre phonique le lieu où le son est produit, & centre phonocamptique celui d’où il est répété. Voyez CENTRE PHONIQUE, CENTRE PHONOCAMPTIQUE.

D’après un grand nombre d’expériences, on s’est assuré que le son parcouroit environ 338 mètres par seconde ; on s’est encore assuré qu’il étoit difficile de prononcer distinctement, dans une seconde, plus de dix syllabes. Ainsi, pour qu’une syllabe, répétée par un écho, puisse être entendue par celui qui la prononce, immédiatement après avoir été prononcée, il faut que le son puisse parcourir 33,8 mètres pour l’aller & le retour du centre phonique au centre phonocamptique ; il faut donc, pour produire un écho monosyllabique, que la distance entre ces deux centres soit au moins de 16,9 mètres, & lorsque cette distance = n (16,9) mètres, on peut entendre n syllabe.

Un écho simple, ne doit avoir qu’un centre phonocamptique. Un écho multiple doit en avoir plusieurs, au moins deux.

Brisson, Nollet & tous les physiciens qui les ont précédés, ont expliqué les échos, en supposant que le son étoit réfléchi en ligne droite de toutes les parties du centre phonocamptique, & qu’il suivoit en tout les lois de la catoptrique, comme la réflexion de la lumière par les miroirs (voyez RÉFLEXION DE LA LUMIÈRE, CATOPTRIQUE) ; mais Lagrange a démontré[1] qu’une vraie catacoustique, semblable à la catoptrique, n’existoit pas, comme d’Alembert l’avoit déjà remarqué dans l’Encyclopédie, &, après lui, L. Euler, dans son Exposé de la Théorie de l’écho [2], & dans sa dissertation de Motu aeris in tubis[3].

En discutant, à l’aide de l’analyse, le mouvement de l’air mis en vibration par les corps sonores, les géomètres ont été conduits à attribuer à des ondulations sonores la transmission & la propagation du son dans l’air. Poisson, dans son Mémoire sur la Théorie du son[4], a démontré que, quand un écho se forme par la réaction de l’air qui s’appuie contre un obstacle, la condensation rétrograde suivra les lois de la réflexion : d’où il suit que l’explication de l’écho par les lois de la catoptrique, qui sont très-simples, peut donner des résultats aussi exacts que ceux que l’on déduit des ondulations sonores.

Mais ici on suppose qu’il existe un obstacle qui s’oppose à la continuation de l’ondulation ; que cet obstacle a une forme telle, qu’en y appliquant la loi de la réflexion, on peut détérminer la position de l’écho ; cependant les meilleurs échos se trouvent dans les endroits montagneux, dans des forêts où il n’existe aucune surface régulière.

À Andersbach, en Bohême, est une forêt de rochers isolés, formant une espèce de labyrinthe, dans une plaine de trois milles & demi d’Allemagne en circonférence[5]. Ces rochers, de forme conique, ont des élévations très-variées ; il en est qui ont presque deux cents pieds de hauteur : l’ensemble de ces rochers présente, pour ainsi dire, le squelette d’une montagne. Vers les confins de ce groupe gigantesque est un écho remarquable ; il répète sept syllabes jusqu’à trois fois, sans confondre les sons. Le centre phonique est à une petite distance du plus grand rocher. Lorsque l’on y est placé, les mots prononcés à voix basse font répétés distinctement ; mais lorsqu’on s’avance ou qu’on recule quelques pas, la voix la plus forte, même un coup de pistolet, ne produit aucun écho. Celui-ci est prompt & sec dans la répétition.

Cladny voulant expliquer les échos produits dans le forêts, dans les lieux hérissés de rochers, où la colonne d’air, isolée vers les côtes, ne s’appuie pas contre un obstacle régulier, & où l’on ne peut, en conséquence, appliquer les lois de la réflexion, observe avec Euler[6], que, dans un tuyau terminé vers l’un des côtés, ou vers les deux, les condensations & les vitesses des particules d’air ne suivent pas une marché égale, & conséquemment la condensation & la vitesse ne deviennent pas = 0 dans le même instant ; il faut donc que le mouvement continue alternativement en avant & en arrière, jusqu’à ce que la condensation & la vitesse deviennent = 0 dans le même instant, ou jusqu’à ce que d’autres obstacles fassent cesser le mouvement. En partant de cette hypothèse, il examine les différens cas dans lesquels on entend les répétitions d’un son simple, qui

  1. Miscell Taurinens. , tom. I. Recherches sur la propagation du son, sect. I, cap. 2.
  2. Mémoires de l’Académie de Berlin, 1765.
  3. Nov. Comment. Acad. Petrop., tom. XVI.
  4. Journal de l’École polytechnique, tome VII, page 319.
  5. Bibliothèque britannique, tome IX, page 292.
  6. Cladny, Traité d’Acoustique, §. 205.