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Trois moyens ont été proposés : 1o. la filtration ; 2o. la congélation ; 3o. la distillation.

Pline, dans son Histoire naturelle, livre XXXI, dit que, si l’on plonge dans la mer des boules de cire creuses, elles se remplissent d’eau. Ce même procédé a été indiqué dans les Transactions philosophiques, année 1665, no. 7. Leibnitz[1] pense que de l’eau de la mer qu’on feroit passer, à l’aide de compression ou d’aspiration, à travers de la litharge ou d’autres oxides, deviendroit potable. Quelques personnes ont avancé que l’eau de mer pouvoit se filtrer à travers le verre enfoncé à une très-grande profondeur. Nollet & Réaumur assuroient que l’eau de la mer, filtrée dans un tube de verre disposé en zig-zag, formant une longueur de mille toises, & rempli de sable fin, sortoit potable. Toutes ces expériences ayant été répétées avec soin, on s’est assuré, par leur peu de succès, que l’on n’avoit encore aucun moyen de rendre l’eau potable par la filtration.

Samuel Reyer[2] a remarqué que l’eau de la mer, en se gelant, se divise en deux parties : l’une, congelée, est douce ; l’autre, liquide, est augmentée de salaison. Le capitaine Phipps, dans son voyage au pôle boréal, dit avoir rempli ses futailles d’une eau douce de glace, qu’il a trouvée très-pure & très-bonne. Cook, dans son deuxième voyage, fit ramasser des morceaux de glace qui lui donnèrent 15 tonneaux de bonne eau douce. Nairac[3] a constaté par l’expérience, que l’eau de la mer a produit un beau glaçon qui, après avoir été lavé, n’offroit plus que la saveur de l’eau douce. Forster observe que, dans cette circonstance, on doit prendre les morceaux les plus solides, & non pas ceux qui sont poreux, parce que ces derniers contiennent toujours de leau salée dans leurs pores.

Voilà donc un moyen de rendre les eaux de la mer potables. Mais Forster observe que l’eau, obtenue par la fonte de la glace, donna des coliques & des enflures dans les glandes de la gorge à tous ceux qui en burent : ce qu’on a attribué à l’absence de l’air dont cette eau devoit être privée.

On peut diviser en trois modes différens ceux qui ont été propofés pour rendre l’eau de la mer potable par la distillation : 1o. distiller l’eau de la mer en lui ajoutant diverses substances ; 2o. distiller l’eau de la mer sans addition, dans des alambics particuliers ; 3o. distiller l’eau de la mer dans le vide.

Hanton[4] paroît être le premier qui proposa la distillation de l’eau de la mer, mais il vouloit qu’on y ajoutât de l’alcali fixe. Hales croyoit qu’il étoit nécessaire de soumettre d’abord l’eau de la mer à une fermentation putride, puis d’y ajouter de la craie, afin de retenir l’acide muriatique, & distiller ensuite. Appleby vouloit qu’on mêlât à l’eau de la mer 4 ou 6 onces d’os calcinés, réduits en poudre, & de potasse caustique, dans environ 20 pintes d’eau. Le docteur Butler proposa l’usage de la lessive des savonniers, à la place de la potasse caustique & des os calcinés. Mais les eaux, distillées ainsi, entraînoient quelques portions des substances qu’elles contenoient, & elles étoient désagréables & dangereuses.

Gauthier, médecin de Nantes, paroît être le premier qui distilla, en 1717, de l’eau de mer sans addition. Ensuite Lind, Hoffmann, Poissonnier, Erwing, proposèrent des alambics commodes & économiques ; mais ce procédé avoit le désavantage de consommer beaucoup de combustible, & d’exiger autant & plus d’embarras dans un vaisseau qu’un plus grand nombre de tonnes d’eau.

Des expériences furent faites en grand, en 1783 & 1784, par le général Meusnier ; membre de l’Académie des Sciences, pour distiller l’eau de la mer dans le vide ; elles eurent le plus grand succès ; & comme cette eau étoit privée d’air, Meusnier lui rendoit celui qui lui étoit nécessaire, avec une espèce de vis d’Archimède, mue en sens inverse. Les débris de la machine à distiller de Meusnier, vendus séparément, après sa mort, à des chaudronniers, ont été acquis en partie par l’École polytechnique. Rochon a revendiqué, en 1813[5], sur cette invention, qu’il attribue à Turgot ; mais, nous devons le dire, l’expérience de Meusnier a été faite en grand, & nous nous rappelons d’avoir été présent, en 1784, à une de ses expériences, qui a été faite dans le laboratoire du célèbre Lavoisier : elle avoit pour objet de saturer d’air l’eau provenant de la distillation dans le vide.

Eau de neige ; aqua nivis ; schnèwasser. Eau provenant de la fonte de la neige. : Voyez NEIGE.

Eau de pluie ; aqua pluvia ; regen wasser. Eau qui se précipite de l’atmosphère sous forme de pluie.

On a, dans tous les temps, regardé l’eau de pluie comme pouvant remplacer l’eau distillée ; elle en diffère cependant, en ce qu’elle contient quelques impuretés qui s’y sont mélangées, soit qu’elles fussent contenues dans l’air qu’elle a traversé, soit qu’elles fussent sur les corps qui l’ont reçue ; mais il paroît qu’elle diffère essentiellement de l’eau distillée dans ssa composition, en ce que celle-ci est surhydrogénée, & que l’eau de pluie, au contraire, est suroxigénée : c’est à cette suroxidation que l’on doit rapporter plusieurs des vertus qu’on lui attribue, & ces acides que les anciens chimistes disoient y avoir trouvés. Voyez PLUIE.

  1. Actes de Leipsick, décembre 1682. — Collection académique, partie Étrangers, tome VIII, page 442.
  2. Actes de Leipsick, septembre 1797. — Collection académique, partie Étrangers, tome VII, page 471.
  3. Transactions philosophiques, vol. LXVI, page 1.
  4. Transactions philosophiques, 1670. — Collection académique, tome VI, page 60.
  5. Journal de Physique, année 1813, page 382.