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Jusqu’ici, personne n’avoit soupçonné que l’eau fût une substance composée, lorsque Cawendish en Angletetre, Monge, Lavoisier & Laplace en France, annoncèrent, en 1783, que l’eau étoit formée d’oxigène & d’hydrogène ; Cawendish est, de ces trois savans, celui qui reconnut le premier cette composition, mais il n’avoit opéré que sur de très-petites quantités. Le 24 juin de la même année, Lavoisier & Laplace firent, à Paris, la combustion de ces deux gaz dans un appareil qui ne comportoit pas toute la précision qu’il étoit à desirer qu’il eût. Ils obtinrent 295 grains d’eau ; cette combustion fut faite en présence de Leroi, de Vandermonde & de Blagden. Ce dernier avoit annoncé à la société les résultats obtenus par Cawendish ; Monge fit son expérience à Mézières, dans les mois de juin & de juillet, sans avoir eu aucune connoissance des résultats de Cawendish, & cette expérience fut commencée dans les premiers jours de juin, conséquemment plusieurs jours avant celle de Lavoisier & de Laplace, & cela, dans un appareil qui avoit été disposé dans l’automne de 1782, & qui n’avoit pu être terminé avant les premiers jours de juin, à cause de la difficulté que l’on éprouvoit, à Mézières, à se procurer les objets qui étoient nécessaires.

Lavoisier, Laplace & Monge ont opéré par des méthodes différentes : les premiers brûlèrent un jet continu de gaz hydrogène, dans un vase rempli de gaz oxigène ; Monge réunissoit les deux gaz dans un ballon, les enflammoit par une étincelle électrique, remplissoit de nouveau le ballon des deux gaz, dans une proportion déterminée, excitoit une nouvelle étincelle pour les embraser, & continuoit ainsi, jusqu’à ce qu’il eût employé tous les gaz qu’il avoit destinés à cette expérience. Après un certain nombre d’explosions, il retiroit, à l’aide d’une pompe pneumatique, le résidu des gaz brûlés, & rempliffoit ce ballon ávec de nouveaux gaz ; ce résidu étoit analysé pour déterminer la proportion des gaz brûlés.

« Nous cherchâmes, dit Lavoisier[1], par voie de tâtonnement, quelle devoit être l’ouverture de nos robinets pour fournir la juste proportion des deux airs ; nous y parvînmes aisément, en observant la couleur & l’éclat du dard de la flamme qui se formoit au bout de l’ajutoir. La juste proportion des deux airs donnoit la flamme la plus lumineuse & la plus belle. Ce premier point trouvé, nous introduisîmes l’ajutoir dans la tubulure de la cloche, laquelle étoit plongée sur du mercure, & nous y fîmes brûler les airs, jusqu’à ce que nous eussions épuise les provisions que nous avions faites. Dès les premiers instans, nous vîmes les parois de la cloche s’obscurcir & se couvrir de vapeur, bientôt elles se rassemblèrent en gouttes & ruisselèrent de toutes parts sur le mercure, en quinze ou vingt minutes, sa surface se trouva couverte. L’embarras étoit de rassembler cette eau ; mais nous y parvînmes aisément, en passant une assiette sous la cloche, sans la sortir du mercure, & en versant ensuite l’eau dans un entonnoir de verre ; en laissant ensuite couler le mercure, l’eau se trouva réunie dans le tube de l’entonnoir : elle pesoit un peu moins de cinq gros.

» Comme les deux airs étoient conduits des caisses pneumatiques à la cloche, par des tuyaux flexibles de cuir, & qu’ils n’étoient pas absolument imperméables à l’air, il ne nous a pas été possible de nous assurer de la quantité exacte des deux airs, dont nous avions ainsi opéré la combustion. »

Monge a fait son expérience[2] dans l’appareil représenté fig. 741. Il se compose d’un ballon M communiquant par deux tubes I, K, avec deux cloches graduées P Q, p q, l’une remplie de gaz oxigène, & l’autre de gaz hydrogène. Ces gaz sont introduits dans le ballon à l’aide d’une pression d’eau, en ouvrant les robinets I, K. Un autre tube L G communique à une machine pneumatique, afin de pouvoir faire le vide dans le ballon & recueillir les gaz qu’il contient.

Trois cent soixante-douze explosions obtenues dans ce ballon, en y introduisant successivement 145 pintes de gaz hydrogène, pesant 6 gr. 10,03 grains, & 74 pintes de gaz oxigène, pesant 3 onc. 0 gr. 58,53 grains, en tout 3 onc. 6 gr. 68,56 grains, lesquels ramenés à une pression uniforme, formant un poids de 3 onces 6 gros 27,56 grains, ont produit 3 onces 5 gros 1,01 gr. d’eau. Ainsi, il s’en faut de 1 gr. 26,55 grains que ce poids fût égal à celui des gaz employés.

« Cette différence, dit Monge, peut venir : 1o. de ce que j’ai corrigé les volumes d’air d’après l’état moyen du baromètre pendant l’opération, tandis qu’il faudroit corriger chaque volume d’après la hauteur du baromètre pendant sa consommation particulière ; 2o. & principalement de ce que je n’ai pas tenu compte des changemens de température dans les réservoirs, qui ont dû s’échauffer par le voisinage du ballon, quoique le thermomètre n’ait pas varié sensiblement dans l’appartement ; 3o. de la perte occasionnée par la vaporisation dans chaque opération.

Si l’on compare les trois résultats sur la composition de l’eau, obtenus en même temps par Cawendish, Lavoisier, de Laplace & Monge, on voit que ceux des deux premiers ne sont que des essais que l’on s’est empressé de publier, &

  1. Mémoires de l’Académie royale des Sciences, année 1781, page 740.
  2. Mémoires de l’Académie royale des Sciences, année 1781, page 78.