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laquelle les molécules d’eau tiennent les unes aux autres ; c’est à l’adhésion des molécules des liquides que l’on rapporte leur viscosité. Voyez VISCOSITÉ.

Rumfort attribue à l’adhésion des molécules d’eau la propriété de quelques corps que l’eau ne mouille pas, d’être supportés par la première surface du liquide sur lequel on les pose, quoique leur densité soit six à sept fois plus grande ; propriété que l’on regarde ordinairement comme étant produite par l’adhésion d’une couche d’air à la surface des corps. Ainsi, par exemple, lorsque l’on place légèrement, sur la surface de l’eau, une aiguille, des fragmens minces de feuilles métalliques, ces corps, s’ils sont parfaitement secs, surnagent, & ils se précipitent aussitôt qu’ils sont mouillés.

Pour prouver que c’est à l’adhésion des molécules de l’eau, & non à la couche d’air qui recouvre leur surface, que ces corps doivent la faculté de flotter sur le liquide, Rumfort a recouvert l’eau d’une couche d’éther, & il a remarqué que tous ces corps pénétroient l’éther, & s’arrêtoient à la surface de l’eau lorsque leur masse n’étoit pas assez grande pour rompre l’adhésion des molécules.

C’est encore à cette adhésion des molécules de l’eau qui forme une espèce de membrane, que Rumfort attribue la cause qui retient l’eau à l’orifice des tubes capillaires lorsque leur hauteur, au-dessus du niveau de l’eau, est moins grande que celle que devroit avoir la hauteur de la colonne du liquide, si ce tube étoit assez long. Voy. le Mémoire du comte de Rumfort, inséré dans le 33e. vol. de la Bibliothèque britannique, page 5.

Eau aérée. Eau contenant de l’air. Voyez EAUX AÉRÉES.

Eau alcaline ; aqua alcalina ; alkalien wasser. Eau dans laquelle on fait dissoudre une très-petite quantité de carbonate de potasse ou de soude.

Cette eau est très-recommandée, en Angleterre, dans la gravelle & le calcul ; elle apporte, en effet, dans les douleurs qui accompagnent l’un ou l’autre de ces maux, un soulagement très-marqué qui pourroit être attribué à la qualité dissolvante que ces eaux communiquent aux urines.

Eau anti-incendiaire. Eau que l’on suppose propre à éteindre les incendies.

Un sieur Didelot avoit proposé au Gouvernement, en 1786, de lui vendre la découverte d’une eau anti-incendiaire. Le Gouvernement chargea l’Académie des Sciences de constater la réalité de cette découverte. Le duc de Larochefoucault, Cadet, Lavoisier & de Fourcroy furent nommés, par cette compagnie, pour faire les expériences relatives à cet effet & pour lui en rendre compte.

Ces expériences sont consignées dans un rapport imprimé dans le tome V des Annales de Chimie, page 141 ; elles prouvent que toutes les eaux, même l’eau distillée, sont anti-incendiaires ; qu’il suffit, pour qu’elles jouissent de cette propriété, 1o. que l’eau soit jetée sur les corps embrasés, en nappes minces qui les couvrent entièrement, afin de les préserver de l’action du gaz oxigène contenu dans l’air atmosphérique ; 2o. que les corps ne soient pas assez échauffés pour vaporiser de suite la couche d’eau qui les couvre, afin qu’elle puisse empêcher le contact de l’air jusqu’à ce que le corps embrasé soit assez refroidi pour que la combustion ne puisse pas se continuer.

En général, l’eau anti-incendiaire ne peut être employée, avec quelques succès, qu’en la dirigeant sur un feu tout récemment allumé, & formé avec du combustible mince qui prenne feu, qui s’enflamme promptement & sans beaucoup s’échauffer.

On avoit remarqué depuis long-temps, que les bois qui ont séjourné dans une dissolution saline & qui en sont pénétrés, ne sont plus susceptibles de brûler avec flamme ; si on les met dans un brasier ardent, ils se réduisent en charbon sans aucun signe d’inflammation ; mais il faut, pour obtenir un effet sensible, que ces sels soient dissous dans l’eau, dans une proportion assez forte, & c’est par cette raison qu’on ne peut employer à cet usage que des sels à vil prix, tels que le sel marin, l’alun, le sulfate de fer, &c. ; & quelque bon marché que soient ces sels, on ne peut guère espérer qu’ils deviennent un moyen de secours public pour les incendies ; il en faudroit des quantités énormes pour produire quelqu’effet, & l’embarras du transport, celui de l’emploi, la propriété qu’ils ont d’attaquer les cuirs des pompes & les tuyaux destinés à conduire l’eau, en rendent l’usage presqu’impraticable dans le service public.

Il est difficile, lorsqu’un incendie a fait des progrès & que les matières combustibles sont en masse & fortement embrasées, d’espérer d’éteindre le feu avec le jet d’eau que l’on dirige dessus ; ce jet est si foible, comparé au brasier, que la température diminuée par la vaporisation d’une partie de l’eau & la décomposition d’une autre partie, est bientôt rétablie par la chaleur que dégage la continuation de la combustion ; & puis, de toute l’eau lancée, une partie seulement mouille les corps embrasés, l’autre tombe dans les vides qu’ils laissent entr’eux, & ne produit aucun effet. Aussi, dans les grands incendies, on est plus spécialement occupé à circonscrire l’étendue de l’incendie & à l’empêcher de se propager, qu’à l’éteindre réellement.

Plusieurs combustibles liquides, plus légers que l’eau, ne peuvent pas être éteints par celle-ci, parce que, dès que le jet lancé arrive sur la surface, l’eau se précipite & ne produit qu’un effet instantané qui est bientôt détruit.

S’il y avoit lieu de faire usage de substances anti-incendiaires, ce seroit plutôt comme préservatif que comme moyen d’éteindre le feu. Cadet