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connoître que les tableaux représentoient des corps solides ; jusqu’alors il ne les avoit considérés que comme des plans différemment colorés, & des surfaces diversifiées par la diversité des couleurs ; mais lorsqu’il commença à reconnoître que ces tableaux représentoient des corps solides, il s’attendoit à trouver en effet des corps solides en touchant la toile du tableau ; & il fut extrêmement étonné, lorsqu’en touchant les parties qui, par la lumière & l’ombre, lui paroissoient rondes & inégales, il les trouva plates & unies comme le reste : il demandoit quel étoit donc le sens qui le trompoit, si c’étoit la vue, ou si c’étoit le toucher. On lui montra alors un petit portrait de son père, qui étoit dans la boîte de la montre de sa mère : il dit qu’il reconnoissoit bien que c’étoit la ressemblance de son père ; mais il demandoit, avec un grand étonnement, comment il étoit possible qu’un visage aussi large pût tenir dans un aussi petit lieu, que cela lui paroissoit aussi impossible que de faire tenir un boisseau dans une pinte.

» Dans les commencemens il ne pouvoit supporter qu’une très-petite lumière, & il voyoit tous les objets extrêmement gros ; mais à mesure qu’il voyoit des choses plus grosses en effet, il jugeoit les premières plus petites. Il croyoit qu’il n’y avoit rien au-delà des limites de ce qu’il voyoit : il savoit bien que la chambre dans laquelle il étoit, ne faisoit qu’une partie de la maison ; cependant, il ne pouvoit concevoir comment la maison pouvoit paroître plus grande que sa chambre.

» Avant qu’on lui eût fait l’opération, il n’espéroit pas un grand plaisir du nouveau sens qu’on lui promettoit, & il n’étoit touché que de l’avantage qu’il auroit de pouvoir apprendre à lire & à écrire. Il disoit, par exemple, qu’il ne pourroit pas avoir plus de plaisir à se promener dans le jardin, lorsqu’il auroit ce sens, qu’il en avoit, parce qu’il s’y promenoit librement & aisément, & qu’il en connoissoit tous les différens endroits : il avoit même très-bien remarqué que son état de cécité lui avoit donné un avantage sur les autres hommes, avantage qu’il conserva long-temps après avoir obtenu le sens de la vue, qui étoit d’aller la nuit plus aisément & plus sûrement que ceux qui voient. Mais lorsqu’il eut commencé à se servir de ce nouveau sens, il étoit transporté de joie : il disoit que chaque nouvel objet étoit un délice nouveau, & que son plaisir étoit si grand qu’il ne pouvoit l’exprimer. Un an après, on le mena à Epsom, où la vue est très-belle & très-étendue ; il parut enchanté de ce spectacle, & il appeloit ce paysage une nouvelle façon de voir.

» La même opération lui fut faite sur l’autre œil plus d’un an après la première, & elle réussit également. Il vit d’abord de ce second œil les objets beaucoup plus grands qu’il ne les voyoit de l’autre, mais cependant pas aussi grands qu’il les avoit vus du premier œil ; & lorsqu’il regardoit le même objet des deux yeux à la fois, il disoit que cet objet lui paroissoit une fois plus grand qu’avec son premier œil tout seul ; mais il ne le voyoit pas double, ou du moins on ne put jamais s’assurer qu’il eût vu d’abord les objets doubles lorsqu’on lui eût procuré l’usage du second œil. »

Chelsen rapporte quelques autres exemples d’aveugles qui ne se souvenoient pas d’avoir jamais vu, & auxquels il avoit fait la même opération ; & il assure que, lorsqu’ils commençoient à apprendre à voir, ils avoient dit les mêmes choses que le jeune homme dont nous venons de parler, mais à la vérité avec moins de détail ; & qu’il avoit observé surtout, que comme ils n’avoient jamais eu besoin de faire mouvoir leurs yeux pendant la cécité, ils étoient fort embarrassés d’abord pour leur donner du mouvement & pour les diriger sur un objet particulier, & que ce n’étoit que peu à peu, par degrés & avec le temps, qu’ils apprenoient à conduire leurs yeux & à les diriger sur les objets qu’ils desiroient de considérer.

Parmi les relations qui ont été faites, jusqu’à présent, sur des aveugles auxquels on a donné la vue, aucune, peut-être, n’a été aussi détaillée ni décrite avec autant d’étendue. Il en est qui, en voyant pour la première fois, croyoient que ce qui se toucboit, formoit un tout inséparable ; ainsi l’instrument que le chirurgien tenoit encore, & avec lequel il venoit de faire l’opération, étoit une continuation, une prolongation de sa main.

Quelques soins que l’on ait mis à recueillir & à décrire toutes les sensations nouvelles que devoient éprouver les personnes qui voyoient pour la première fois, il est assez singulier que l’on n’ait fait aucune remarque sur la manière dont elles distinguoient la position des objets ; & ces remarques auroient été d’autant plus intéressantes, qu’elles auraient facilité la solution d’une question très-importante : Dans quelle position voyons-nous les objets ? (Voyez Vision.) Pourroit-on conclure du silence que l’on garde sur cet objet, que nous voyons les choses dans la position qu’elles ont réellement, c’est-à-dire, que nous voyons en haut ce qui est en haut, que nous voyons à droite ce qui est à droire, &c. ? ainsi que le présument quelques métaphysiciens.

AXINOMANTIE, d’αξινη, hache ; ματεια, divination ; axinomantia ; axinomantie. Divination par la hache. Voyez Divination.

AZUR ; color cæruleus ; azur bleu. s. m. Couleur bleue approchant de celle du ciel. Ce nom paroît venir de l’italien azurro, & de l’arabe lazur. C’est aussi le nom d’une poudre bleue provenant d’un minéral connu sous le nom de lapis-lazuli.

Plusieurs substances donnent un bleu d’azur ; tels sont le verre de cobalt, le carbonate de cuivre ; mais celle qui procure le bleu d’azur le