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Nous croyons inutile d’observer que, parmi ces métaux, il n’y a de parfaitement ductiles que les neuf premiers. Le mercure, que l’on trouve habituellement sous forme liquide, n’ayant été observé qu’après l’avoir congelé, il seroit difficile de lui assigner sa véritble place parmi les métaux ductiles. Les onze derniers, qui sont plus ou moins cassans, n’ont pu être rangés que par une sorte d’approximation. Quant au placement du cuivre, Haüy le met avant le fer, & immédiatement après l’argent.

En chauffant les solides, on observe que les uns, comme l’eau, se liquéfient instantanément sans laisser apercevoir de passage intermédiaire ; que d’autres, comme la cire, se ramollissent d’abord, & ne se liquéfient qu’après avoir passé par tous les degrés de ramollissement. Les premiers corps conservent leur état d’aigreur à toutes les températures ; les seconds, au contraire, acquièrent, dans ce passage, de la ductilité, & ceux-là forment seuls la seconde classe des corps ductiles. C’est ainsi que les suifs, les cires, les résines, les verres terreux acquièrent de la ductilité, & peuvent être travaillés après avoir été ramollis par la chaleur ; mais il ne paroît pas que, jusqu’à présent, on ait cherché à déterminer les degrés de ductilité de chacune de ces substances.

Quant à la troisieme classe des corps ductiles, elle est aussi nombreuse que la première ; elle comprend l’argile, le plâtre, les stucs, les cimens, les gommes, auxquelles l’eau donne de la ductilité, les résines, les cires, &c, que l’on rend ductiles en les combinant avec de l’alcool, des huiles ou d’autres corps gras.

Afin de donner une idée de la grande ductilité de certains corps, nous allons rapporter ici quelques exemples que nous prendrons dans diverses substances : 1o. dans les métaux, l’or ; 2o. dans les substances terreuses, le verre ; 3o. dans les animaux, la toile des araignées.

Réaumur, en décrivant l’art du batteur d’or, dans les Mémoires de l’Académie des Sciences, année 1713, nous apprend qu’un grain d’or réduit en feuille mince, par les batteurs d’or, pouvoit couvrir une étendue de pouces carrés ; qu’ainsi, un pouce cube d’or pesant 7 190 grains, pouvoit couvrir une étendue de 262,633 pouces carrés, ou de plus de 1 830 pieds carrés : si donc on suppose que les feuilles soient toutes d’une épaisseur égale, cette épaisseur sera de partie d’une ligne ; mais comme il est probable qu’elle est inégale, on peut, sans inconvénient, la porter à de ligne. Quelle prodigieuse ductilité ne faut-il pas pour être porté à ce degré d’amincissement sous le marteau !

Dans l’art du fileur d’or, rapporté par Réaumur, on a l’exemple d’une beaucoup plus grande ductilité. Avec une once de feuilles d’or, on couvre un cylindre d’argent pesant 45 marcs. Ce cylindre, passé à la filière, donna un fil de 1 163 520 pieds de long. Ce fil aplati, pour en couvrir de la soie, s’alonge de environ ; ce qui porte sa longueur totale à 1 329 737 pieds environ, sur de ligne de large. Si l’épaisseur de la couche d’or sur ce fil étoit partout-égale, elle seroit de partie d’une ligne ; mais à cause de l’inégalité de son épaisseur, on peut la porter à peut-être même à partie d’une ligne ; & comme il seroit possible d’amincir encore une fois de plus la lame d’argent sans qu’elle cessât d’être dorée, on voit que l’on pourroit réduire à la millionième partie d’une ligne, l’épaisseur de la lame d’or qui couvre l’argent.

Tous ceux qui ont été visiter des verreries, ont pu observer la facilité avec laquelle on donne au verre, qui a été amolli, les diverses formes que l’on veut obtenir ; comment il s’étend sous la plus légère pression, puisque le souffle suffit pour augmenter considérablement la surface & diminuer son épaisseur. Mais parmi les différens objets que l’on obtient en travaillant le verre, il en est deux qui exigent une excessive ductilité : 1o. les lames minces, colorées par la réflexion & la réfraction de la lumière ; 2o. les plumets de verre avec lesquels on orne la coiffure des femmes & des enfans.

Pour obtenir les lames minces colorées, il suffit de faire chauffer un tube mince de verre à la flamme de la lampe d’un émailleur ; de boucher, en le soudant, le bout que l’on chauffe ; de ramollir le verre par la chaleur ; de souffler fortement dedans, afin de former une ampoule en étendant le verre ; de chauffer & ramollir de nouveau ; enfin, de souffler jusqu’à ce que le verre se soit tellement aminci par l’enflure de l’ampoule, qu’il ne puisse plus supporter la pression de l’air intérieur.

Les fils de verre sont extrêmement faciles à obtenir. Deux ouvriers sont employés à ce travail : le premier tient l’extrémité d’un morceau de verre sur la flamme d’une lampe, & lorsque la chaleur le ramollit, le second ouvrier applique un crochet de verre au morceau de verre en fusion ; retirant ensuite le crochet, il amène un filet de verre qui est toujours adhérent à la masse dont il sort. Approchant ensuite le crochet sur la circonférence d’une roue d’environ deux pieds & demi de diamètre, il tourne la roue aussi rapidement qu’il veut ; cette roue tire des filets qu’elle dévide sur la circonférence, jusqu’à ce qu’elle soit couverte d’un écheveau de fil de verre, après un certain nombre de révolutions.

À mesure que l’on tire ce fil de la masse qui est en fusion au-dessus de la lampe, & que ce fil s’éloigne de la flamme, il se refroidit, & ses parties deviennent plus cohérentes. Les parties les plus proches du feu cedent facilement, à cause de leur mollesse, & s’étirent jusqu’à ce qu’elles soient assez refroidies, en s’éloignant, pour ne plus céder. La circonférence de ces fils est ordinairement un ovale aplati, qui est environ trois ou quatre fois plus large qu’épais. En opérant avec une gande vitesse, on