Page:Encyclopédie méthodique - Physique, T2.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

auxquelles j’en dois l’indication, & qui leur fourniront des éclaircissemens satisfaisans que je puis leur avoir laissé à désirer, & peut-être bien des résultats intéressans que je n’aurois pas saisis. Ces expériences ont été exécutées dans la chambre obscure, & les morceaux ou lames de glace que j’y ai employés avoient trois lignes d’épaisseur. »

Si, d’après les expériences qui ont été faites par Newton, Mazeas, Dutour, M. M. & plusieurs autres physiciens, sur les anneaux colorés formés entre deux glaces, il est difficile d’adopter une opinion sur la cause qui les forme, il n’en est pas de même des anneaux colorés produits par la réflexion de la lumière sur un miroir concave. Nous devons au duc de Chaulnes[1] plusieurs expériences intéressantes qui jettent un grand jour sur leur formation.

Quoique le duc de Chaulnes ne l’indique pas, Hassenfratz s’est assuré qu’il y avoit des circonstances dans lesquelles il étoit très-difficile, pour ne pas dire impossible, d’obtenir ces anneaux, & cela lorsque la surface concave du miroir étoit parfaitement polie, & qu’elle avoit été lavée, nettoyée avec de l’eau & de l’alcool, puis essuyée avec un morceau de peau. Si, après avoir nettoyé le miroir, l’on souffle sur la surface de manière à la ternir légèrement, on aperçoit aussitôt toutes les couleurs des anneaux vives & distinctes.

Pour rendre les couleurs durables, Hassenfratz répandoit légèrement une poussière très-fine sur la glace : le duc de Chaulnes mêloit une goutte de lait avec dix ou douze gouttes d’eau ; il répandoit le tout sur le miroir & le laissoit sécher, alors le phénomène étoit produit d’une manière constante & uniforme.

Persuadé que le phénomène dépendoit de l’inflexion de la lumière sur les petites aspérités qui recouvroient la surface du miroir, & de la réflexion sur la seconde surface de la lumière qui avoit été décomposée, le duc de Chaulnes fit faire un appareil composé d’une surface transparente propre à décomposer la lumière par inflexion, & d’un miroir métallique propre à réfléchir sur un carton la lumière décomposée, disposé de manière que l’une des surfaces seroit mobile & pourroit par conséquent changer de distance avec celle qui demeureroit fixe ; il y ajouta même un micromètre pour en mesurer les distances avec précision.

« Il prit donc le miroir d’un télescope travaillé sur une sphère de 10 pieds de rayon ; il l’assura sur un pied, fig. 106, dans lequel il pratiqua une coulisse qui portoit un petit châssis, sur lequel il attacha une feuille de talc très-mince, ternie de lait & d’eau. Ce chassis, par le moyen de la coulisse, pouvoit s’approcher du miroir jusqu’au contact, & s’en éloigner jusqu’à huit à neuf pouces ; il étoit conduit par un micromètre qui pouvoit déterminer avec beaucoup d’exactitude le moindre chemin du châssis.

» On fit avec cet instrument plusieurs expériences, dont le résultat fut que, l’ayant placé de façon que le miroir du télescope étoit à une distance du carton égale au rayon de la sphère sur laquelle il avoit été travaillé, on eut constamment des anneaux, fig. 106 (a), d’autant plus distincts, que la figure de ce miroir étoit plus régulière, mais dont le diamètre sur le carton varioit avec la distance du talc au miroir ; de façon qu’ils étoient très-grands quand le talc étoit très-proche du miroir, & très-petits quand il en étoit éloigné de sept à huit pouces.

» En se servant du même instrument, le duc de Chaulnes mit sur le châssis mobile, à la place du talc terni, un petit morceau de mousseline très-claire, qu’il tendit avec de petits clous le plus également qu’il lui fut possible, pour rendre les trous formés par les fils plus exacts & plus perméables à la lumière. Ayant mis l’instrument en expérience, il vit, au lieu d’anneaux circulaires qu’il avoit eus dans les expériences précédentes, des quadrilatères sensiblement carrés, quoique leurs angles fussent un peu arrondis, mais toujours colorés comme les autres.

» Voyant que cette expérience avoit réussi, quoique l’inégalité des fils & leur quantité diminuassent l’intensité du phénomène, il essaya, à la place du petit morceau de mousseline, de tendre sur son châssis des fils d’argent bien parallèles, & à la distance d’environ trois quarts de ligne ou une ligne l’un de l’autre, sans en mettre de transversaux. Au lieu des anneaux & des quadrilatères qu’il avoit vus précédemment, il n’aperçut plus que des traits de lumière blanche coupés de plusieurs petits traits colorés très-vivement, & dans le même ordre qu’étoient les anneaux.

» De toutes ces expériences, le duc de Chaulnes croit qu’on peut conclure : 1o. que les anneaux colorés dont on vient de parler, sont formés par l’inflexion que souffrent les petits faisceaux de rayon, en passant à travers des pores de la première surface.

» 2o. Qu’ils sont rendus sensibles, parce que la seconde surface en renvoie sur le carton une assez grande quantité les uns par les autres, pour les porter au degré d’intensité qui les peut rendre perceptibles.

» 3o. Que le ternissement de la première surface augmente l’effet par deux raisons : la première, en dispersant une partie de la lumière que réfléchissoit cette première surface, & qui pouvoit nuire, par son éclat, à la vivacité du phénomène ; la seconde en fournissant, soit par les petites bulles de l’eau, soit par les globules du lait, ou par quelqu’autre cause à peu près pareille, une plus grande quantité de pores réguliers.

» 4o. Qu’en général, l’explication de ces phénomènes tient à la même cause que l’inflexion de

  1. Mémoires de l’Académie royale des sciences, année 1755, page 136.