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insère de l’eau dans l’espace ; de-là vient que l’on ne doit pas regarder le phénomène comme étant occasionné par les épaisseurs des différentes substances que la lumière traverse, mais bien par une substance particulière ; Mazeas avertit qu’il ne regarde nullement comme décisives les inductions qu’il a tirées de ses expériences, & qu’il ne prétend les donner que pour des conjectures. Ces conclusions sont celles d’un homme sage.

Dutour, correspondant de l’Académie royale des sciences, a examiné, après Mazeas, le phénomène des anneaux colorés, & il parvint, comme ce dernier, à faire voir[1] que la pression seule des deux verres l’un sur l’autre n’est pas suffisante pour produire des anneaux colorés ; mais qu’il faut, pour y parvenir, le frottement. Lorsque l’on presse seulement, il reste de l’air adhérent entre les deux verres ; on le chasse par le frottement. Il fait voir qu’en appliquant sur les verres un léger enduit gras, de l’eau même qu’on essuie afin de chasser la couche d’air adhérente, on peut alors, en appliquant les deux verres l’un sur l’autre, leur faire produire des anneaux colorés par la simple pression. Quoique les expériences de Dutour ne donnent pas absolument la cause de ce phénomène, elles jettent cependant un très-grand jour sur cette matière, & semblent indiquer, comme celles de Mazeas, que la formation de ces anneaux dépend d’un autre fluide qui prend la place de l’air.

Muschenbroeck nous apprend[2] qu’après avoir produit des anneaux colorés entre des glaces, & avoir maintenu leur contact par des vis, il les fit chauffer lentement, & qu’alors lss franges colorées s’étendirent jusque vers le milieu ; qu’elles devinrent plus larges, & que les couleurs en furent plus vives ; que plus il a fait chauffer ces lames, plus les couleurs lui ont paru distinctes ; qu’elles se conservoient parfaitement bien ; qu’aucune ne s’évanouissoit ; qu’il en a fait chauffer quelques-unes au point de fendre transversalement, & qu’il a remarqué des franges ondées qui alloient depuis la fêlure jusqu’au milieu de la lame, la figure des autres franges n’étant pas beaucoup endommagée ; mais alors les figures disparurent au milieu de ces glaces ; elles subsistèrent vers leurs bords, quoique la glace vint à se fendre ensuite. Lorsque ces glaces ne se fendent point en s’échauffant & qu’on les laisse refroidir lentement, la figure de toutes les franges colorées s’altère ; les larges diminuent, leur couleur s’affoiblit & devient plus tendre vers le milieu : elles changent aussi de forme & de couleur vers les bords ; mais elles subsistent malgré cela, & on n’a pas encore pu découvrir le temps qu’elles emploient à disparoître.

Il paroît, d’après les résultats obtenus par Muschenbroeck, que le resserrement des glaces produit quelques variations lorsqu’on les fait chauffer, puisque, lorsqu’elles sont libres, les couleurs disparoissent, d’après Mazeas, & qu’au contraire elles deviennent plus vives, d’après Muschenbroeck, lorsque les glaces sont fortement serrées avec des vis. L’analogie reparoît dès que les glaces se cassent, puisque les couleurs s’évanouissent

M. M., correspondant de l’Académie royale des sciences[3], a pensé que la réfringence des milieux, l’inclinaison des plans de séparation, la décomposition & la déviation que les rayons de lumière doivent éprouver par ces causes, influent aussi, de leur côté, sur la formation de ces anneaux colorés : il a entrepris, à cet effet, une suite d’expériences dont il a soumis les résultats aux calculs. Nous nous contenterons de présenter ici les conclusions de son Mémoire.

« Au reste (dit M. M.), d’après les faits rassemblés dans ce Mémoire, il y a tout lieu de présumer que l’inclinaison mutuelle des deux surfaces de chacun des verres, celles des surfaces internes des deux verres qui, à cause de leur courbure, varient à différentes distances du centre du contact immédiat, & la différence des réfringences des fluides qu’ils renferment & de l’air ambiant, sont les principales dispositions qui opèrent efficacement la décomposition de la lumière dans l’appareil des verres réunis.

« La différence de réfringence des deux fluides ne sauroit procurer des anneaux colorés, qu’ensuite de l’inclinaison des surfaces internes des deux verres, ou de l’inclinaison des surfaces de l’un des deux.

» L’inclinaison naturelle des surfaces des deux verres, ou celle des surfaces de l’un des deux, lorsqu’elle n’est que médiocre, en peut produire sans le concours de la différence des réfringences des deux fluides. Les verres à biseau en fournissent un exemple.

» Les inclinaisons trop grandes du parallélisme ne produisent point d’anneaux colorés, si la réfringence des deux fluides est la même ; on ne s’en procure pas avec les verres de l’abbé Mazeas, appliqués l’un sur l’autre, si l’on a négligé de dépouiller leur surface interne des flocons d’air adhérens.

» Ces inclinaisons, quoique très-grandes, procurent des anneaux colorés, quand les réfringences des deux fluides sont différentes, puisque l’on en obtient avec les verres de M. l’abbé Mazeas, préparés convenablement.

» Et quant aux conséquences que j’ai tirées des mêmes expériences sur la part qu’a la réfraction à la production de ces phénomènes, je prie les savans qui les discuteront, de vouloir bien en même temps répéter & vérifier les expériences

  1. Mémoire de Mathématique & de Physique, présenté à l’Académie des sciences, tom. IV, pag. 285.
  2. Physique de Muschenbroeck, § 1837.
  3. Journal de Physique, année 1773, tom. I, pag. 339.