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observe des anneaux colorés analogues à ceux qui sont produits par la lumière reçue sur les deux objectifs : Newton, à qui nous devons encore la découverte de ces anneaux, les attribue à la même cause que celle des objectifs, c’est-à-dire, à l’épaisseur de la lame de la substance traversée. Comme ce phénomène a moins occupé les physiciens que le premier, nous allons en transcrire les détails tirés des écrits mêmes de Newton[1].

« Un trait de lumière solaire entrant dans une chambre obscure, à travers un trou d’un tiers de pouce de largeur, on le fit tomber perpendiculairement sur un miroir de verre concave d’un côté & convexe de l’autre, travaillé sur une sphère de 5 pieds 11 pouces de rayon, & enduit de vif-argent du coté convexe ; & tenant un carton blanc opaque, ou une main de papier au centre des sphères sur lesquelles le miroir avoit été travaillé, c’est-à-dire, à environ 5 p. 11o de distance du miroir, de telle sorte que le trait de lumière pût parvenir au miroir en passant par un petit trou fait dans le milieu du carton, & de-là être réfléchi vers le même trou. Alors on observa sur le carton quatre ou cinq iris, ou anneaux colorés concentriques, pareils à des arcs-en-ciel : ces anneaux environnoient le trou à peu près de la même manière que les anneaux qui paroissent entre deux verres objectifs, environnant une tache noire ; excepté que les anneaux dont il s’agit ici, étoient plus amples & d’une couleur plus foible que ceux-là ; & à mesure que ces anneaux devenoient plus amples, leur couleur s’assoiblissoit davantage, de sorte que le cinquième étoit à peine visible. Cependant, lorsque le soleil étoit brillant, on découvroit quelques foibles linéamens d’un sixième & d’un septième anneau. Si le carton étoit à une distance beaucoup plus grande ou beaucoup plus petite que celle du centre, la couleur des anneaux s’affoiblissoit à un tel point, que bientôt ils disparoissoient entièrement ; mais si le miroir étoit à une distance bien plus grande de la fenêtre que celle de son rayon, le trait de lumière réfléchi s’élargissoit si fort à cette distance du miroir où paroissoient les anneaux, qu’il obscurcissoit un ou deux des anneaux intérieurs. C’est pourquoi je mettois ordinairement le miroir à six pieds environ de la fenêrre, afin que le foyer du miroir pût concourir avec le centre de sa concavité aux anneaux peints sur ce carton, & cette position du miroir doit être toujours supposée dans les observations suivantes lorsqu’elles ne sont pas expressément désignées.

» Les couleurs de ces iris se succédoient l’une à l’autre, depuis le centre en dehors, dans la même forme & dans le même ordre que celles qui étoient produites par une lumière qui passoit à travers les deux verres objectifs ; car il y avoit, premièrement, dans le commun centre des iris, une tache blanche & ronde d’une foible lumière, laquelle tache étoit quelquefois plus ample que le trait de lumière réfléchi qui tomboit quelquefois sur le milieu de la tache, & quelquefois par une petite inclinaison du miroir, s’écartant du milieu de cette tache, qu’il laissoit blanche jusque dans son centre.

» Cette tache blanche étoit immédiatement entourée d’un gris-obscur ou brun, qui, à son entrée, étoit environné des couleurs du premier iris, lesquelles couleurs en dedans, immédiatement après le gris-obscur, étoient un peu de violet & d’indigo, & après cela un bleu qui en dehors devenoit pâle, & se terminoit en un peu de jaune-verdâtre, auquel succédoit un jaune plus éclatant ; & ensuite, sur le bord extérieur de l’iris, un rouge qui en dehors tiroit sur le pourpre.

» Ce premier iris étoit immédiatement environné d’un second, dont les couleurs étoient dans cet ordre, à les prendre du dedans & au dehors : du pourpre, du bleu, du vert, du jaune, un rouge-clair, & un rouge mêlé de pourpre.

» À cet iris succédoient immédiatement les couleurs d’un troisième iris, qui étoient, à compter de dedans au dehors, un vert tirant sur le pourpre, un bon vert, & un rouge plus éclatant que celui du second iris.

» Le quatrième & le cinquième iris paroissoient d’un vert-bleuâtre en dedans, & de couleur rouge en dehors ; mais les couleurs en étoient si foibles, qu’il étoit difficile de les discerner.

» Ayant mesuré, sur le carton, les diamètres des anneaux aussi exactement qu’il fût possible, on trouva qu’ils avoient entr’eux la même proportion que les anneaux tracés par la lumière qui passe à travers deux verres objectifs ; car les diamètres des quatre premiers anneaux brillans, mesurés entre les parties les plus éclatantes de leurs orbitres, à six pieds de distance du miroir, étoient : 1 pouce , 2 pouces , 2 pouces , 3 pouces , dont les carrés sont selon la progression arithmétique : 1, 2, 3, 4. Si la tache blanche circulaire qui est au milieu est mise au nombre des anneaux, & que sa lumière dans le centre, où elle paroît avec le plus d’éclat, soit considérée comme équivalant à un anneau infiniment petit, les carrés des diamètres des anneaux seront suivant la progression : 0, 1, 2, 3, 4, &c. Mesurant les diamètres des cercles obscurs qui étoient entre ces cercles lumineux, on trouva leurs carrés selon la progression des nombres : , 1 , 3 , &c. Les diamètres des quatre premiers étoient, à six pieds de distance des miroirs : 1 pouce , 2 pouces , 2 pouces , 3 pouces  ; & si le carton étoit plus ou moins éloigné des miroirs, les diamètres des cercles augmentoient ou diminuoient en proportion. »

L’analogie qui subsistoit entre ces anneaux & ceux des objectifs vus par réfraction, fit soupçonner qu’il pouvoit en exister un plus grand

  1. Traité d’Optique, sur la Lumière & les Couleurs, liv. II, partie 4.