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de chaque couleur, je trouvai qu’elle étoit plus grande dans le rouge, moindre dans le jaune, moindre encore dans le bleu, & moindre absolument dans le violet ; & pour calculer aussi juste qu’il me seroit possible les proportions de leurs contractions & dilatations, j’observai que toutes les contractions ou dilatations du diamètre d’un anneau quelconque, formé par tous les degrés du rouge, étoit à la contraction ou à la dilatation du diamètre du même anneau, formé par tous les degrés du violet, environ comme 4 est à 3, ou 5 à 4 ; & que, lorsque la lumière étoit de couleur moyenne entre le jaune & le vert, le diamètre de l’anneau étoit, à peu de chose près, une moyenne arithmétique entre le plus grand diamètre du même anneauproduit par le rouge le plus extérieur, & son plus petit diamètre produit par le violet le plus extérieur ; ce qui est tout opposé à ce qui arrive aux couleurs du spectre oblong, formé par la réfraction d’un prisme où le rouge se trouve plus contracté, & le violet plus dilaté, & où les confins du vert & du bleu sont au milieu de toutes ces couleurs. D’où l’on peut inférer, à mon avis, que les différentes épaisseurs de l’air entre les verres, dans les endroits où l’anneau est produit successivement & par ordre, par les confins des cinq principales couleurs : le rouge, le jaune, le vert, le bleu & le violet, c’est-à-dire, par le rouge le plus extérieur, par les confins du rouge & du jaune au milieu de l’orangé, par les confins du jaune & du vert, par les confins du vert & du bleu, par les confins du bleu & du violet au milieu de l’indigo, & par l’extrémité du violet : je crois, dis-je, que les différentes épaisseurs de l’air, dans tous ces endroits-là, sont l’une à l’autre, à fort peu de chose près, comme les six longueurs d’une corde de musique, qui dans une sexte majeure produisent les notes suivantes : sol, la, mi, fa, sol, la : mais on se conformera encore mieux à l’observation, si l’on dit que les différentes épaisseurs de l’air entre les verres, dans les endroits où les anneaux sont formés successivement par les confins des sept couleurs suivantes, selon le rang que je leur donne ici : le rouge, l’orangé, le jaune, le vert, le bleu, l’indigo, le violet, sont l’un à l’autre comme les racines cubiques des carrés des huit longueurs d’une corde de musique qui rend les notes d’une octave : sol, la, fa, sol, la, mi, fa, sol ; c’est-à-dire, comme les racines cubiques des carrés des nombres 1, . Prenant donc les racines cubiques des carrés de ces nombres, on trouve entr’eux les rapports 10 000, 9 243, 8 855, 8 255, 7 631, 6 814, 6 300.

Ce qu’il y a de remarquable, dit Haüy[1], c’est que la progression d’où ces nombres ont été extraits, soit celle qui représente les sources de réfraction des couleurs relatives aux mêmes limites, avec la différence que, dans ces dernières couleurs, elle va du violet au rouge. La lumière reproduit ici, sous une nouvelle forme, le type de l’échelle qui constitue notre gamme musicale dans le mode même.

Lorsque les objectifs sont exposés à la lumière du jour, il se produit des anneaux successifs, puisque dans le premier anneau les couleurs sont : bleu, blanc, jaune-rouge ; dans le second, violet, bleu, vert, jaune, rouge ; dans le troisième, pourpre, bleu, vert, jaune, rouge, &c. Newton chercha à déterminer la formation de ces couleurs, & toutes les observations qu’il avoit faites jusque-là, & qui ont été rapportées, lui donnoient les moyens d’y parvenir.

Pour cela, sur une ligne YZ indéfinie,fig. 101, il porta les distances YA, YB, YC, YD, YE, YF, YG, YH proportionnelles aux racines cubiques des carrés 1, c’est-à-dire, aux nombres 6 300, 6 814, 7 114, 7 361, 8 255, 8 855, 9 243, 10 000 de chacune de ces divisions représentant les limites des couleurs, c’est-à-dire,

Violet extérieur 6300

Indigo 6814

Bleu 7114

Vert 8155

Jaune 8855

Orangé 9240

Rouge 10000

Il a élevé des perpendiculaires Aα, Bβ, Cγ, Dδ, Eε, Fζ, Gη, Hθ. La première Aα a été divisée en parties égales, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, &c., & du point Y il mena la droite Y1, Y2K, Y3L, Y5M, Y6N, Y7O, &c. Dans la division, le quadrilatère 1 3 L I représente la première série de couleurs ; le quadrilatère 57OM la seconde série ; le quadrilatère 9 11 R Q la troisième, &c. Si l’on fait mouvoir une règle du point A au point α parallèlement à la droite VH, on voit que du point A au point 1, elle ne rencontre aucune couleur ; ensuite qu’au point 1, elle remonte au violet, puis toute la couleur du point 1 jusqu’au point 3, & qu’elle finit par ne plus rencontrer que du rouge au point L, ce qui indique que le premier anneau commence par du violet, avec lequel se mêlent successivement toutes les couleurs, jusqu’à ce que le blanc soit formé : ce blanc dure un intervalle assez considérable, & enfin toutes les couleurs, à commencer par le violet, s’en séparent, jusqu’à ce qu’il ne reste plus que du rouge.

Continuant à mouvoir la règle, on traverse, avant d’arriver à la seconde série, un espacé sans couleur, ensuite du violet, auquel se mêlent toutes les autres couleurs, jusqu’à l’orangé ; puis le violet se dégage, ainsi que les autres couleurs successives ; enfin, le rouge final se trouve mêlé d’un peu de violet de la troisième serie : ainsi le cercle doit commencer par du violet & finir par du rouge, sans fournir du blanc.

  1. Traité élémentaire de Physique, tome II.