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trer que les épaisseurs des tranches d’air correspondantes aux cercles brillans, devoient être entr’elles comme la suite des nombres impairs, 1, 3, 5, 7, 9, &c., & de même que les épaisseurs des tranches d’air correspondantes aux cercles obscurs, devoient être entr’elles comme la suite des nombres pairs, 2, 4, 6, 8, 10, 12, &c.


Pour le démontrer, il faut supposer d’abord que les segmens de verre sont parfaitement sphériques, & que les surfaces planes n’ont aucune inégalité, ce qui est extrêmement difficile ; ensuite, que la pression exercée par la pesanteur de l’objectif supérieur n’occasionne aucune difformité sur les surfaces. Cela posé : soit ACB (fig. 100) le diamètre de l’objectif convexe, DE la surface plane, a b, c d, e f, les rayons des anneaux colorés, on aura  ;  ; . De-là  ; mais comme les longueurs Aa, Ac, Ae, ne présentent pas de différence sensible, & qu’elles peuvent être considérées toutes comme égales au diamètre du cercle, on peut diviser les trois derniers termes de la proportion par AB, & l’on aura  ; : donc comme les épaisseurs des tranches d’air qui correspondent à chaque rayon.

Afin de déterminer les épaisseurs des tranches d’air correspondantes aux cercles les plus lumineux & les plus obscurs de chaque série, Newton chercha d’abord à mesurer, d’une manière exacte, le rayon du cercle le plus lumineux de la cinquième série, lorsque ces cercles ont un point noir au centre : connoissant alors le diamètre de la sphère du segment du verre dont il faisoit usage, il lui paroissoit facile de conclure l’épaisseur de la tranche d’air correspondante.

Cette mesure présente de grandes difficultés à obtenir exactement : répétée avec plusieurs objectifs, elle donne des résultats différens. L’illustre physicien anglais fut obligé de multiplier ses observations avec un grand nombre d’objectifs dont les segmens correspondoient à des sphères différentes. Comme les rayons, ou les diamètres, étoient mesurés sur la surface supérieure des objectifs, & que les rayons visuels étoient plus ou moins obliques, selon la position de l’œil, il a tenu compte de cette obliquité, de l’épaisseur du verre & de la forme de la surface sur laquelle il mesuroit : il a conclu, d’une moyenne prise entre les observations qui présentoient le moins d’écart, que les épaisseurs de l’air correspondantes aux cercles les plus brillans de chaque série étoient , & celles qui correspondoient aux cercles les plus obscurs, , &c.

Tous ces résultats, quelqu’exacts qu’ils paroissent, avoient été pris sur des cercles formés par le mélange de toutes les couleurs de la lumière. Il étoit essentiel, pour avoir des résultats plus exacts, que les mêmes expériences fussent répétées sur des couleurs simples, séparées des autres, sur des couleurs solitaires. Pour cela, les mêmes expériences furent faites dans une chambre obscure. Un rayon de lumière entrant par une petite ouverture, étoit reçu sur un prisme qu’une personne faisoit tourner sur son axe, afin de faire parvenir, l’une après l’autre, toutes les couleurs produites par la décomposition de la lumière.

Newton observa d’abord que toutes les fois qu’il n’arrivoit, sur les objectifs, qu’une couleur simple, fig. 100 (?), il se produisoit une foule d’anneaux éclairés & obscurs ; que les anneaux éclairés n’avoient qu’une seule couleur, celle de la lumière incidente. Mesurant les rayons des cercles du milieu des espaces colorés & obscurs, il trouva que les carrés des rayons des cercles lumineux & colorés étoient entr’eux comme les nombres impairs, 1, 3, 5, 7, &c., & que les carrés des rayons des cercles obscurs étoient entr’eux comme les nombres pairs, 2, 4, 6, 8, &c.

Mais ce que ce nouveau mode d’observation présente de plus remarquable, c’est que les rayons des cercles des anneaux de diverses couleurs avoient des grandeurs différentes : ceux qui étoient formés par la lumière rouge, fig. 100 (?), étoient visiblement plus grands que ceux qui étoient formés par le bleu & le violet L’intervalle des verres dans un des anneaux, quel qu’il fût, lorsqu’il étoit formé par le rouge le plus parfait, étoit à cet intervalle, dans le même anneau, lorsqu’il étoit formé par le violet le plus parfait, environ comme 14 est à 9. Ce résultat est une moyenne prise entre un très-grand nombre d’expériences.

Il restoit, pour compléter ce travail, à prendre les épaisseurs des tranches d’air correspondantes à chaque couleur. Quelques physiciens, & entr’autres le célèbre Haüy[1], assurent que Newton a mesuré les lames d’air aux endroits qui offroient la limite des sept couleurs relatives à une même série ; d’autres laissent entendre que l’illustre anglais n’a indiqué ces rapports que par approximation. Afin de mettre les lecteurs à même de décider cette question, nous allons rapporter le paragraphe entier de Newton, dans lequel il a déterminé ce rapport[2].

« Tandis que le prisme étoit tourné autour de son axe d’une manière uniforme, afin que les couleurs tombassent successivement sur les verres objectifs, & que, par ce moyen, les anneaux se contractassent & se dilatassent, la contraction ou la dilatation de chaque anneau, qui étoit aussi produite par la variation de ses couleurs, étoit plus prompte dans le rouge, & plus lente dans le violet ; & les couleurs moyennes produisoient ce double accident à des degrés moyens de célérité. Ayant comparé la quantité de contraction & de dilatation qui étoit produite par tous les degrés

  1. Traité élémentaire de Physique, tom. II, pag. 240.
  2. Traité d’Optique, liv. II, partie première, observation 15.