lorés ont été faites par Newton : il annonce les devoir à une circonstance particulière.
Ayant mis l’un sur l’autre deux prismes, dont l’un avoit, par hasard, sa face un peu convexe[1], & se plaçant très-obliquement à la surface du contact, afin de pouvoir observer la lumière réfléchie, Newton aperçut que l’endroit par où les prismes se touchoient, formoit une tache noire & obscure, parce qu’il n’y avoit que peu ou point de lumière réfléchie. En regardant à travers, le point de contact formoit une espèce de trou par où l’on pouvoit voir distinctement les objets placés au-delà : en pressant les primes, cette tache augmentoit considérablement.
Tournant les prismes autour de leur axe commun, afin de diminuer l’inclinaison, quelques rayons de lumière commencèrent à cesser d’être réfléchis & à passer à travers le verre. Il s’éleva alors des arcs déliés de différentes couleurs, qui parurent d’abord en forme conchoïde. En continuant le mouvement des prismes pour diminuer l’inclinaison des rayons, ces arcs augmentèrent & se courbèrent de plus en plus autour de la tache transparente, jusqu’à ce qu’ils se formèrent en cercles ou anneaux qui entourèrent cette tache. Les couleurs qui parurent d’abord étoient violettes & bleues, puis on en aperçut de rouges & de jaunes. Les cercles, autour de la tache centrale, étoient blancs ; bleus, violets ; noirs ; rouges, orangés, jaunes ; blancs, bleus, violets, &c.
En continuant le mouvement des prismes, il vit les cercles se resserrer & devenir plus petits, & les couleurs se rétrécirent en approchant du blanc, jusqu’à ce qu’il n’y eût plus que des cercles noirs & blancs. Arrivé à cet état, & continuant encore le mouvement des prismes, les couleurs ressortirent de nouveau, & parurent dans un ordre inverse. Ainsi, à partir de la tache centrale, les cercles étoient blancs ; jaunes, rouges ; noirs ; violets, bleus, blancs, jaunes, rouges, &c.
Lorsque, par le mouvement des prismes, la lumière étoit parvenue à une telle inclinaison que l’on n’apercevoit que des cercles noirs & blancs, ils étoient l’un & l’autre parfaitement distincts & parfaitement terminés ; on en apercevoit un très-grand nombre : Newton a compté jusqu’à trente successions ; mais lorsque, par l’inclinaison des prismes, les anneaux avoient différentes couleurs, le nombre des anneaux visibles diminua, & les couleurs devinrent pâles & foibles. On distingue plus facilement les anneaux, lorsqu’on les regarde à travers une ouverture plus petite que celle de la prunelle, & lorsque l’on se place à une bonne distance des prismes.
Pour avoir des cercles plus exacts, observer plus facilement l’ordre des couleurs, & mesurer le diamètre de chacun des cercles successifs, Newton prit deux verres objectifs : l’un, plan-convexe, appartenant à un télescope de quatorze pieds ; l’autre, convexe des deux côtés, & appartenant à un télescope de cinquante pieds : il appliqua la face plane du premier verre sur l’une des faces convexes du second, & il comprima graduellement ces deux verres.
Il aperçut d’abord, par réflexion, un cercle au point du contact ; le diamètre du cercle augmentoit successivement avec la pression, & la couleur du centre à la circonférence étoit uniforme, jusqu’à ce que, par une pression plus forte, il commença à paroître au centre du cercle un point d’une couleur différente ; alors la pression devenant plus grande, la seconde couleur formoit un nouveau cercle, dont le diamètre augmentoit comme le premier. La pression croissant toujours, des cercles de nouvelles couleurs paroissoient, & le diamètre de tous ceux que l’on avoit vu naître, s’agrandissoit successivement ; mais en même temps que les diamètres de chaque cercle augmentoient, la largeur de l’orbite des couleurs diminuoit. Cette opération fut continuée jusqu’à ce qu’il se formât un cercle noir au contact des verres.
Diminuant graduellement la pression, il vit aussitôt chaque cercle coloré se rapprocher du centre, & les couleurs disparoître successivement, en suivant l’ordre inverse de leur apparition ; reste à dire que les cercles colorés que l’on avoit distingués les premiers, furent ceux qui disparurent les derniers.
Au moment où la tache noire parut, fig. 99 & 99 (a), l’ordre des couleurs observées étoit, à partir du centre : noir ; bleu, blanc, jaune, rouge : violet, bleu, vert, jaune, rouge : pourpre, bleu, vert, jaune, rouge : vert, rouge : bleu verdâtre, rouge : bleu verdâtre, rouge pâle : bleu verdâtre, blanc rougeâtre. Ces huit séries de couleurs paroissoient très-brillantes vers leur milieu ; elles se ternissoient, de manière qu’à leur rencontre, elles formoient des cercles de couleur sombre.
Voulant déterminer les épaisseurs des tranches d’air qui correspondoient au milieu & aux bords de chaque série de couleurs, Newton posa les deux objectifs l’un sur l’autre, sans exercer de pression ; ensuite il plaça son œil dans la normale, au point de contact des deux objectifs, & à 8 à 10 pouces de la surface du verre qui en étoit le plus rapproché, fig. 99 (b) ; alors il mesura exactement les rayons des cercles les plus brillans de chaque série ; il mesura avec la même exactitude les rayons des cercles les plus obscurs : quarrant les quantités qu’il avoit obtenues, il trouva que les carrés des rayons des cercles brillans étoient entr’eux comme la suite naturelle des nombres impairs, 1, 3, 5, 7, 9, 11, &c., &que les carrés des rayons des cercles obscurs étoient également entr’eux comme la suite naturelle des nombres pairs, 2, 4, 6, 8, 10, 12, &c.
Ces rapports obtenus, il étoit facile de démon-
- ↑ Traité d’Optique de Newton, liv. II, première partie.