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razas doit, en se vaporisant, enlever du calorique de l’enveloppe terreuse qu’elle touche, & celle-ci enlève à son tour le calorique de l’eau intérieure pour se mettre en équilibre de température avec ce fluide.

On soupçonne, dit Lasterie, qu’on ajoute du sel marin à la terre pour la rendre poreuse ; il est d’autant moins porté à admettre cette opinion, qu’il s’est convaincu que l’on pouvoit faire des alcarazas avec une substance à laquelle il a donné le nom de farine fossile, & dont les composans sont :

Silice 55

Magnésie 15

Alumine 12

Chaux 3

Fer 1

86

Ayant ajouté à cette terre de l’argile marneuse commune, Lasterie a fabriqué des vases qui avoient toutes les propriétés des alcarazas.

Malgré ces assertions, Lasterie a publié[1] l’analyse de la terre employée à la fabrication des alcarazas, ainsi que la préparation & la cuisson qu’elle subit en Espagne.

Darcet, qui a fait l’analyse de cette terre, la trouve composée de :

Terre calcaire, alumine, oxide de fer. 60

Silice, alumine, oxide de fer 36,25

96,25

Ses préparations se divisent en trois parties principales.

Première préparation pour travailler 150 livres de terre. Après l’avoir fait sécher, on la divise en morceaux de la grosseur d’une noix ; on la fait détremper dans un bassin ou dans un cuvier, en procédant de la manière suivante.

On prend trois ou quatre celemins de terre[2], on la répand également dans le cuvier, on y verse de l’eau ; on jette trois ou quatre autres celemins de terre, qu’on arrose encore : on répète cette opération jusqu’à ce que le cuvier soit suffisamment plein : on observe, en répandant la dernière eau, de n’en verser qu’autant qu’il en faut pour recouvrir le tout. La terre reste dans cet état pendant douze heures ; après quoi on la travaille, on la pétrit avec les mains, dans le cuvier même, jusqu’à ce qu’elle soit réduite en consistance de pâte bien divisée. Un emplacement uni, recouvert en briques, tenu proprement, & sur lequel on répand un peu de cendre tamisée, sert à recevoir cette terre : on en forme une couche de l’épaisseur de six doigts, qu’on égalise sur la surface, ainsi qu’à la circonférence ; on la laisse dans cet état jusqu’à ce qu’il se soit formé des retraits : alors, après en avoir détaché la cendre, on la transporte dans un autre lieu carrelé & propre.

Deuxième préparation. À cette terre on mêle sept livres de sel marin si l’on veut faire des jarras, & la moitié seulement si on la destine à la fabrication des botisas ou des cantaros. Cette différence provient de la plus ou moins grande capacité qu’on veut donner aux vases. Plus le vase est grand, plus ses parois doivent être épaisses, afin qu’il ait le degré de solidité nécessaire ; mais aussi la terre doit être plus poreuse, sans quoi l’eau ne filtreroit pas facilement : c’est pourquoi l’on met une plus grande quantité de sel lorsque l’on fait les jarras, qui sont beaucoup plus grands que les botisas & les cantaros.

On pétrit la terre avec les pieds, en y introduisant le sel peu à peu. Ce travail se répète trois fois au moins sans avoir besoin d’ajouter de nouvelle eau, l’humidité que la terre conserve étant suffisante.

Troisième opération. La terre, après avoir subi ces différentes préparations, est bonne à mettre sur le tour. L’homme qui est employé à cet ouvrage, doit la bien pétrir avec les mains ; il a soin, dans cette manipulation, d’extraire les pierres, même les plus petites, qui peuvent s’y rencontrer, ainsi que tout autre corps étranger ; il en fait des pains, qu’il met sur le tour pour former des vases.

Tous les fours à l’usage des potiers peuvent servir à la cuisson des alcarazas : ceux dont on se sert en Espagne ont 18 pieds carrés dans œuvre, sur 5 pieds 3 pouces d’élévation. La flamme entre par un trou d’un pied 4 pouces, situé au centre. Chaque four contient 800 pièces de diverses grandeurs, y compris 500 jarras.

Dans le même four on fait cuire des poteries d’une plus grande solidité que les alcarazas, avec la précaution de soutenir le feu une ou deux heures de plus. Les alcarazas qui ne demandent qu’une demi-cuisson, y restent de dix à douze heures, selon la température de l’air, ou la plus ou moins grande quantité de combustible employée

Quelques fabriques de poteries d’Espagne suivent des procédés différens, mais toutes sont les mêmes pour le fond. La proportion de sel n’est pas la même partout ; dans quelques endroits, la même quantité de terre exige la moitié moins de sel. On choisit toujours une terre propre à ces sortes de vases, sans jamais y mêler du sable. Cette même terre sert à faire des poteries ordinaires ; la seule différence, c’est qu’on introduit du sel dans la pâte des alcarazas, & qu ils ne reçoivent qu’une demi-cuisson.

Il n’existe pas un seul ménage dans Madrid, où ces vases ne soient en usage. On les remplit d’eau, on les expose pendant plusieurs heures à un courant d’air, afin que l’évaporation soit plus forte, & par conséquent l’eau plus fraîche.

  1. Journal des Mines, tom. VI, pag. 792.
  2. Le celemin est une mesure de capacité qui contient environ sept livres de blé.