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répandu dans toutes les différentes parties de l’univers, & qui donne la vie à tous les animaux. C’étoient aussi le sentiment des Celtes avec cette seule différence, que Pythagore semble n’avoir reconnu qu’un seul esprit répandu par tout l’Univers au lieu que les Celtes admettoient un grand nombre d’intelligences, qui avoient chacune son département particulier, mais sous la direction de l’Être suprême.

Au reste on convenoit de part & d’autre, que dieu remplit, pénétre, anime & dirige tous les êtres corporels & en particulier les animaux, qui ne vivent & ne respirent qu’autant qu’ils participent à la vie de la divinité. C’est sur ce principe, qui étoit également reconnu par les pythagoriciens & par les druides, que les uns et les autres fondoient une infinité de divinations, qui leur étoient communes, & dont je parlerai en son lieu. Il faut indiquer présentement quelques unes des principales conséquences que l’on tiroit du dogme dont je viens de parler, & qui étoit reçu universellement dans toute la Celtique.

Adorant des dieux spirituels qu’ils croyoient unis d’une manière étroite & intime à toutes les différentes parties du monde, les Celtes concluoient de là, premièrement ; qu’il ne faut pas leur bâtir des temples, ni leur consacrer des images & des statues. Ce n’est pas, « disoient-ils, dans des temples, & dans des Idoles faites de main, que la divinité réside. Ce n’est pas là qu’elle opère, & qu’elle prononce des oracles. Unie naturellement à ses propres ouvrages, n’ayant point d’autre temple que l’Univers même, elle ne peut s’unir aux ouvrages de l’homme, qui sont trop imparfaits pour la recevoir, & trop petits pour la contenir. Il faut donc servir Dieu, & le prier dans les lieux où il réside, il répond à ceux qui le consultent, & non pas dans des temples où il ne se trouve point. On ne fait même qu’arrêter & suspendre l’action de la divinité, en séparant les parties du monde visible. Il faut lui laisser le passage ouvert & libre, si on veut qu’elle pénétre la matière, & qu’elle y déploye son efficace ». C’étoit là, comme je l’ai montré, la doctrine des germains. Ils ne croyoient pas qu’il convint à la grandeur des dieux célestes, de les renfermer dans l’enceinte des murailles, ni de les représenter, sous aucune forme humaine. C’étoit la Théologie des perfes. ils ne vouloient pas, dit un ancien Commentateur[1] de Cicéron, que l’on bâtit des temples aux dieux ; & cela d’autant plus que le monde entier suffit à peine au seul soleil, c’est-à-dire, que ce seul dieu remplit le monde entier de sa lumière & de sa chaleur, & qu’il seroit peut-être capable d’en remplir encore d’autres. Cicéron lui même remarque[2] que Xerxès par le conseil de ses mages, fit mettre le feu à tous les temples des grecs, parce que ces peuples renfermoient dans des murailles les dieux, auxquels tout doit demeurer ouvert & libre, & dont le monde entier est le temple & la maison. Tous les peuples Celtes, en général, au lieu de bâtir des temples démolissoient ceux que d’autres avoient construits, & tenoient toutes leurs assemblées en plein air sur une montagne, près d’un arbre, d’un fleuve, ou d’une fontaine. Ils poussoient si loin le scrupule sur cet article, qu’ils ne vouloient pas remuer la terre de leurs sanctuaires, de peur de troubler l’action de la divinité qui y résidoit.

Les Celtes ayant pour principe, qu’il y a dans les élémens & dans tous les objets visibles une divinité, dont les lumières & les forces sont infiniment plus étendues que celles de l’homme, ils en tiroient encore deux autres conséquences que j’ai déjà observées & qu’il suffira d’indiquer ici.

D’un côté ils disoient que l’homme peut consulter la divinité, recevoir ses réponses, s’instruire de sa destinée par le moyen du feu, de l’eau, des astres, & de tous les êtres corporels où elle fait sa demeure, pourvu seulement qu’il entende la science des divinations. D’un autre côté ils prétendoient que l’homme peut opérer aussi une infinité de choses extraordinaires, supposé qu’il soit initié dans les secrets de la magie, qui fait servir à ses desseins les puissances spirituelles qui résident, & qui opèrent, dans les différentes parties de l’Univers.


    malium omnium vita capiatur. Min. Felix. cap. 19. p. 178.

    Pythagoras philosophus, quem quasi magistrum suum philosophia ipsa suscepit, de natura & beneficiis Dei disserens, sic locutus est ; animus per omnes mundi partes commeans atque diffusus, ex quo omnia quæ nascuntur animalia vitam capiunt. Salvian. de Provid  lib. 1. p. 4.

    Pythagoras definivit quod esse deus, animes per universal lundi partes, omnemque naturam commeans atque diffusus, ex quo omnia quæ nascentur vitam capiant. Lact. Instit. lib. 1. cap. 5. de Ira. cap. 2.

  1. Nulla diis templa condenda esse credebont præsertim cum uni soli, quem venerantur vix mundus ipse sufficeret. Asconius Pedanius in Ver. ?illisible?.
  2. Non sequor magos persarum, quibus auctoribus Xerxes inflammasse templa græciæ dicitur, quod parietibus includerent Deos, quibus omnia deberent esse patentia, ac libera, quorumque hic mundus omnis templum esset ac domus. Cicero de Legibus lib. 2