lement ou non, question absolument étrangère à celle que nous agitons à-présent) ; je ne vois pas pourquoi vous décidez si positivement que le terme de sentiment intérieur ne peut pas être employé comme synonyme pour désigner la faculté de penser, à moins que par la faculté de penser, on n’entende la pensée actuelle, & non la simple capacité de penser ».
Si M. Clarke n’a pas vu la raison de ma distinction, il pouvoit au moins se dispenser de m’en supposer une qui étoit bien éloignée de ma pensée. Il convient que le terme de sentiment intérieur peut être pris dans trois sens : il permet au lecteur de l’entendre indifféremment daeens l’un des trois, ou de les adopter tous les trois. J’en adopte un & j’en rejette un autre. Faut-il que j’ai eu en cela des vues bien raffinées ? Mais sur quoi fondé M. Clarke soupçonne-t-il que j’ai eu envie d’embarrasser le lecteur par une nouvelle question ? Ai-je réellement traité cette nouvelle question, ou séparément, ou en la mêlant à l’ancienne question ? N’est-il pas évident au contraire qu’en distinguant la pensée actuelle de la simple capacité de penser, je m’en suis tenu strictement à la question présente ? Il y a plus, c’est que j’ai adopté le sens qui m’a paru le plus analogue au raisonnement de M. Clarke, & au véritable état de la question, comme il en convient lui-même, & voilà l’unique raison pour laquelle je l’ai préféré à tout autre. Il me semble que je ne pouvais mieux entrer dans ses vues, & qu’il devoit s’applaudir que j’eusse si bien pris sa pensée. Je ne pénétrerai point dans les intentions de M. Clarke : je ne chercherai point la raison qui a pu lui faire imaginer que j’avois dessein d’embarrasser le lecteur : je ne dirai point qu’il a voulu répandre des nuages sur le point de la question qu’il étoit le plus important d’éclaircir. Je me contenterai de lui demander la raison de ses soupçons à mon égard, car je n’en puis assigner une qui soit à son avantage. Ne devoit-je pas attendre plus de justice de sa part, si ce qu’il dit de « la candeur & de l’ingénuité qui caractérisent ma réplique » n’est point un pur compliment ? Il devoit supposer que j’avois une raison suffisante d’entendre par le sentiment intérieur la pensée actuelle, & conséquemment de distinguer la pensée actuelle de la simple capacité de penser. Je viens de lui dire ma raison, c’est que le sens que j’ai choisi m’a paru être celui que le raisonnement de M. Clarke avoit directement en vue, comme le plus conforme au véritable point de la question.
4o. Je veux donner une entière satisfaction sur ce point à M. Clarke & au lecteur. Pour cet effet je prétends faire voir que toute la dispute roule sur ma distinction ; que mes objections ont pour base cette distinction, & que, pour l’avoir négligée, M. Clarke n’a fait aucune réponse directe à ce que je lui avoit objecté.
M. Clarke avoit dit : « Il est clair qu’à moins que la matière n’ait essentiellement le sentiment intérieur… aucun systême de matière, quelque composition ou division qu’on lui suppose, ne peut devenir un être individuel doué de ce sentiment intérieur. » Dans mes principes qui sont, je crois, ceux de tous les métaphysiciens qui pensent avec moi qu’un être divisible peut avoir la faculté de penser, il est impossible de répondre convenablement à cette proposition, si l’on ne restreint pas le sens du terme sentiment intérieur. Car, si l’on suppose qu’il signifie en même-tems la pensée directe, l’acte réfléchi de la pensée, & encore la capacité de penser, ce que l’on pourroit croire suivant l’explication qu’en donne M. Clarke lui-même, je pourrai accorder ou nier la proposition générale, parce qu’elle sera en partie vraie & en partie fausse. En effet M. Clarke auroit raison de prétendre que, si Dieu ne peut pas donner à la matière la faculté de penser, ou qu’elle ne l’ait pas essentiellement, aucun systême de matière, quelque supposition ou division que l’on suppose, ne peut devenir un être individuel, doué du sentiment intérieur, c’est-à-dire que le mouvement ne peut pas donner à la matière la faculté de penser. Mais il auroit tort de soutenir qu’à moins que toute la matière ne pense actuellement ou n’ait essentiellement le sentiment intérieur, aucun systême de matière, quelque composition ou division qu’on suppose, ne peut penser actuellement. Voici donc en deux mots ce que je pense : Ou la matière est naturellement & originairement capable de penser, ou Dieu peut lui en donner la capacité, après l’avoir créée, & quoiqu’il se puisse faire qu’actuellement aucune partie de la matière ne pense, cependant en vertu de sa capacité de penser, quelques systêmes de matière peuvent devenir, par certaines compositions ou divisions, des êtres pensans. Alors le produit de ces compositions ou divisions ne seroit rien autre chose, selon moi, qu’une nouvelle opération, ou la pensée actuelle. Mes principes me conduisoient donc à entendre, par la faculté de penser, la pensée actuelle, & conséquemment à distinguer la pensée actuelle de la simple capacité de penser. Si l’intérêt de la vérité avoit exigé une distinction ultérieure, j’aurois pris la liberté d’entendre le sentiment intérieur dans le sens le plus strict du mot, pour l’acte réfléchi de la pensée, par lequel je connais que je pense, comme je l’ai pris pour la pensée actuelle.
5o. Je ne pouvois faire aucune objection au raisonnement de M. Clarke, avant que d’avoir distingué la pensée actuelle de la capacité de penser. On va voir qu’en effet ma première objection est toute fondée sur cette distinction. Je parle de