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femme de Jupiter ; après ceux-là Apollon Vénus Uranie, c’est-à-dire la céleste, Mars & Hercule. Tous les scythes reconnoissent ces dieux. Mais les scythes appellés basilii, c’est-à-dire royaux, offrent aussi des sacrifices à Neptune.

Si le fait étoit vrai, il faudroit en conclure que la religion des scythes qu’Hérodote connoissoit, avoit déjà été corrompue par le commerce des Grecs, qui avoient établi des colonies sur toutes les côtes du pont Euxin. Mais j’ose bien assurer que les Scythes les plus voisins de la Grèce, ne connoissoient absolument, du tems d’Hérodote, ni Vesta, sœur ou fille de Saturne, ni Jupiter, père d’Apollon, de Mars, d’Hercule & de Vénus. Ils donnoient à leurs dieux d’autres noms, & ils en avoient une idée qui différoit entièrement de celle des Grecs.

Hérodote reconnoit la première de ces vérités.[1] Ils appellent dans leur langue Vesta Tabiti, Jupiter Papeus, la terre Apia, Apollon Oetosyrus, Vénus-Uranie Artimpasa, Neptune Thamimasades.

La seconde n’est pas moins certaine. Je ne dirai pas que, selon Hérodote,[2] Vesta étoit la principale divinité des scythes. Je n’alléguerai pas que les mêmes scythes n’érigeoint des autels qu’à[3] Mars. On verra d’ailleurs dans la suite que leur Vesta étoit l’élément même du feu, leur Apollon le soleil, leur Neptune l’eau. Ils vénéroient toutes ces parties du monde visible, non qu’ils les regardissent comme des divinités, mais parce qu’il étoient dans l’opinion qu’elles étoient le siége d’un esprit, d’une divinité subalterne qui y résidoit. Ce n’étoit pas-là certainement la religion des Grecs. Mais Hérodote cherche, parmi les scythes, les dieux que l’on adoroit dans son païs, à peu-près comme les modernes, dont j’ai parlé plus haut, ont trouvé parmi les Celtes, le dogmes & les cérémonies des juifs & des chrétiens.

 Le même historien remarque[4] que les Perses offroient des sacrifices à Jupiter & à Vénus Uranie. Comme il reconnoit que le culte de cette Vénus venait originairement des[5] Assyriens & des Arabes qui l’avoient communiqué aux Perses, il ne sera pas nécessaire que je m’y arrête. On peut remarquer seulement qu’Hérodote se trompe, en assurant qu’on l’appelloit en Perse[6] Méthra. Sans examiner ici si ce méthra, oumithras, étoit le soleil, comme[7] Strabon le croit, ou le Dieu suprême, comme[8] Hesichius l’assure, ou un Dieu qui tenoit le milieu entre le bon & le mauvais principe, ce qui est le sentiment de Plutarque,[9] il est au-moins certain que le dieu mithras avoit été servi de toute ancienneté parmi les Perses, & que par conséquent Hérodote s’est mépris en le confondant avec la Vénus-Uranie, dont ils avoient emprunté le culte des Assyriens. Pour ce qui est du Jupiter des Perses, on ne le regardera assurément pas comme une divinité grecque, si on veut faire attention à ce qu’Hérodote ajoute dans le même endroit,[10] que les Perses donnoient le nom de Jupiter à toute la voûte des cieux.

Jules César assure aussi[11] que les Gaulois adoroient surtout Mercure, & après lui Apollon, Mars, Jupiter & Minerve. Ils ont, dit-il, à peu-près, le même sentiment sur le sujet de ces divinités, que les autres peuples.

S’il étoit vrai que les Gaulois eussent connu & adoré tous ces dieux du tems de Jules César, comment Cicéron auroit-il pu dire, quelques années auparavant, que les Gaulois déclaroient la guerre aux dieux, & à la religion de tous les autres peuples ? Comment Lucain auroit-il pu écrire, plus d’un demi siècle après, que les Gaulois pensoient sur le sujet des dieux d’une manière toute différente des autres peuples ? La vérité est que Jules César s’est trompé sur cet article, comme sur beaucoup d’autres, & qu’on

  1. Voyez la note précédente.
  2. Voyez la note 1
  3. Voyez la même note
  4. Moris habent Pers editissimis quibusque consentis montibus, Jovi hosties immolare, omnem gyrum cœli Jovem appellantes… Uraniæ quoque sacrificant, sic nimirium ab Assyriis Arabibusque edocti. Vocant autem Assyrii Venerem Myllitam, Arabes eadem Alictam appellant, Persæ Metram. Herodot. lib. I. cap. 131.
  5. Voyez la note précédente.
  6. Voyez la note 4.
  7. Colunt etiam sole, quem Mithram vocant Strab. lib. 25. p. 732.
  8. Mithras supremus persarum deus. Hesich.
  9. Vocavit (Zoroastres) {{lang|la|illum quidem Oromazem, hunc vero Arimanium ; medium vero amborum Mithram ; propterea & Persæ Mithram Mediatorem vocant. Plutarch. de Isid. & Osirid p. 369.
  10. Ci-dessus note 4.
  11. Deûm maxime Mercurium colunt… post hunc Apollinem, & Martem, & Jovem & Minervam. De his camdem ferme quam reliquæ gentes habent opinionem. Cæsar 6. 17.