Page:Encyclopédie méthodique - Philosophie - T1, p2, C-COU.djvu/196

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cet essai de Collins sur la nature & la destination de l’ame, est regardé, avec raison, comme un des plus excellents morceaux de métaphysique qui ayent paru dans aucune langue. Il est certain qu’il renferme dans un assez court espace ce qu’on peut dire de plus judicieux, de plus sensé sur un sujet aussi délicat & aussi abstrait. J’avois d’abord tenté d’en faire l’analyse, & ce travail, plus difficile qu’il ne paroît au premier aspect, étoit même assez avancé : mais après relu mon extrait pour juger par moi-même de l’enchaînement des idées de l’auteur & des résultats de cet extrait, travaillé avec tout le soin qu’il exige, & dont je suis capable, pouvoit offrir à l’esprit du lecteur, j’ai bientôt reconnu qu’une bonne analyse de l’ouvrage de Collins seroit aussi longue que l’ouvrage même, & n’en auroit d’ailleurs ni la force, ni la clarté. C’est ce qui me détermine à rapporter ici les argumens de notre auteur, dans la forme même qu’il leur a donnée, & sans en intervertir l’ordre, condition essentielle pour la solution de tout problême un peu compliqué, & d’où dépend le plus souvent le degré d’évidence & de précision qui l’accompagne.

L’écrit dont il est question, renferme quatre pièces ou traités particuliers qui se sont succédés dans l’espace d’un an. Voici à quelle occasion ces différents traités furent composés.

En 1672 Dodwell publia une lettre sur la manière d’étudier la théologie, où il prétendoit que l’ame n’était rendue immortelle que par un esprit d’immortalité que Dieu y joignoit à l’égard de ceux qui étoient dans son alliance. Plus de trente après en 1704, il développa sa pensée dans un discours sur l’obligation de se marier avec des personnes de sa religion. Ce discours devenu public occasions deux lettres qu’un auteur inconnu à Dodwell écrivit à l’un de ses amis. Cet anonyme, prenant mal la pensée de Dodwell, supposoît que celui-ci soutenoit que l’ame de tous ceux qui n’étaient pas dans l’alliance, étoit actuellement mortelle. Cette méprise donna lieu à un nouvel ouvrage de notre savant théologien, qui parut en 1706 sous ce titre : Discours épistolaire où l’on prouve par l’écriture & par les premiers pères, que l’ame est un principe naturellement mortel ; mais qu’il est actuellement rendu immortel par la volonté de Dieu pour le punir ou le recompenser : immortalité qui lui est communiquée en vertu de son union avec l’esprit divin qu’il reçoit dans le baptême ; & où l’on fait voir que personne, depuis les apôtres, n’a le pouvoir de donner ce divin esprit immortalisant, excepté les évêques.

Cet ouvrage fit beaucoup de bruit : en effet, c’étoit établir l’immortalité de l’ame sur une fondement bien ruineux, que de la faire dépendre du pouvoir spirituel des évêques. On écrivit beaucoup contre le discours de Dodwell. Les philosophes ne virent pas sans quelque plaisir un ecclésiastique réduit à soutenir que l’ame est une principe naturellement mortel, qui a besoin d’être uni à l’esprit divin pour participer à l’immortalité. Parmi le grand nombre de théologiens qui réfutèrent ce sentiment, Clarke se signala : quoiqu’il ne fût encore que maître ès arts, il s’était déjà fait un nom, & ceux qui connoissent ses ouvrages peuvent juger combien la prévention a de part à la réputation des auteurs. Quoi qu’il en soit, il publia une petite brochure sous ce titre : Lettre à M. Dodwell où l’on réfute en détail tous les argumens qu’il a proposé dans son discours épistolaire contre l’immortalité de l’ame, & où l’on expose fidèlement le sentiment des pères sur cette matière. Cette lettre tomba entre les mains de Collins qui fut sur-tout choqué du ton décisif qu’y prenoit le maître ès arts. Car Clarke prétendoit donner une démonstration rigoureuse de l’immatérialité & de l’immortalité naturelles de l’ame. Pour tempérer cette extrême confiance, Collins composa une lettre fort courte adressé à Dodwell avec quelques remarques sur cette prétendue démonstration dont il fit voir le défaut. L’argument de Clarke bien apprécié se trouva n’être qu’un paralogisme. Cependant comme on défend tout lorsqu’on ne parle pas pour dire quelque chose, mais seulement pour ne pas rester muet, (voyez l’article Conscientiaires,) Clarke répondit aux remarques de Collins : celui-ci en justifia la justesse. Le théologien répliqua : Collins fit voir la foiblesse de ses répliques. Il est sûr que Clarke varia plus d’une fois dans ses principes : tantôt il rétracta ce qu’il avoit avancé : tantôt il nia des conséquences légitimes ; souvent il se contredît, il affecta même d’embrouiller la matière, & de distraire l’attention du lecteur par des questions étrangères. Aussi eut-il la dernière parole, parce que c’est toujours celui a raison qui se tait le premier. Collins répondit aux trois premières défenses de Clarke ; mais ne pouvant attribuer qu’à un opiniâtreté invincible la résistance du théologien, il prit le


    multitude de livres de piété dont la plupart roulent même sur des sujets peu relevés, & qui ne supposent ni dans ceux qui les traitent, ni dans ceux auxquels ils les destinent, une raison très-perfectionnée. Comme c’est d’ailleurs une opinion généralement reçue que les anglois s’occupent fort peu des matières de religion, & qu’ils ont même prodigieusement élagué cet arbre, œvo sessa, undique fatiscens, ma remarque paroîtra sans doute un paradoxe, mais j’ose assurer qu’elle n’en est pas moins exacte & fondée sur un grand nombre de faits recueillis dans différens journeau publiés depuis vingt cinq ans, & dans les catalogues des plus célèbres libraires de Londres.