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Toxaris, Anacharsis, & Dicenaus ; & je finirai par quelques remarques sur la manière dont les peuples Celtes ont reçu le christianisme.

Les anciens donnent un bel éloge aux Scythes, aux Celtes, & aux autres peuples qu’il plaisoit aux grecs d’appeller barbares. C’est qu’ils reconnoissoient tous une divinité, & que l’on ne voyoit parmi eux, ni des athées déclarés, ni même des gens qui eussent jusqu’au moindre doute sur les importantes vérités qui sont le fondement de toute religion, l’existence de Dieu, & la providence. C’est la réflexion de Maxime de Tyr.[1] Tous les barbares admettent un Dieu. C’est celle d’Elien.[2] « Qui ne loueroit la sagesse des barbares ? Aucun d’eux n’est jamais tombé dans l’athéisme. Aucun d’eux n’a douté s’il y avoit des dieux, ou s’il n’y en avoit point ; s’ils prenoient soin du genre humain, ou non. Ni les Indiens, ni les Celtes, ni les Égyptiens, n’ont jamais donné entrée dans leur esprit aux pensées qu’Evemère le Messenien, Diogène le Phrygien, Nippon, Diagoras, Sasias & Épicure ont eues sur ce sujet ».

Cela n’a pas empêché cependant que l’on n’ait accusé quelques peuples Celtes d’être Athées, & par conséquent sans aucune religion. On voit, par exemple, dans Strabon,[3], que selon quelques auteurs, les habitans de la Galice ne reconnoissoient aucune divinité. Mais non seulement ce géographe ne garantit pas l’accusation, il la détruit même indirectement, en remarquant ailleurs,[4] que tous les peuples de la Lusitanie, dont la Galice faisoit partie, étoient fort attachés aux sacrifices & aux divinations. Silius assure aussi,[5] que les habitans de la Galice étoient fort expérimentés dans les présages que l’on tiroit des entrailles des victimes, du vol des oiseaux, & du feu. Enfin Justin parle[6] d’une montagne de la Galice qu’il n’étoit pas permis de labourer, parce qu’elle étoit consacrée aux dieux. En voilà assez pour décharger ces peuples de l’Espagne de l’odieuse imputation d’avoir donné dans l’Athéisme.

Ce n’est pas avec plus de fondement que Cicéron reproche à tous les gaulois, en général, d’être des gens sans aucune religion. Donnons-nous la peine d’éxaminer les preuves dont il sert pour appuyer une accusation si grave. On les trouvera dans l’oraison qu’il prononça en faveur de Fonteius, qui avoit été le gouverneur de la Gaule Narbonnoise, & que l’on accusoit d’avoir usé de grandes extorsions contre les habitans de cette province.[7] « Croyez-vous, dit-il, que les Gaulois puissent respecter la religion du serment, ni que la crainte des dieux immortels soit capable de les toucher, lorsqu’ils sont appellés à faire une déposition ? Remarquez, je vous prie, combien leur naturel, & leurs mœurs, sont opposées à celles des autres nations ! Les autres peuples prennent les armes pour défendre leur religion. Les gaulois, au contraire, déclarent la guerre à toutes les religions. Engagés dans une guerre, les autres peuples implorent la faveur & l’assistance des dieux, au lieu que les gaulois font la guerre aux dieux mêmes.

» Ce sont ces nations qui partirent autrefois

  1. Barbari omnes Deum admittunt. Maxim. Tyr. Diss. XXXVIII. p. 455.
  2. Quis non laudaret Barbarorum sapientiam ? Siquidem nemo eorum in atheismum unquam excidit, neque in dubiam vocant, sint ne Dii an non sint, & curent ne res humanas an non ? Nemo igitur, neque Indus, neque Celta, neque Ægyptius, eam cogitationem in animum induxit, quam vel Evemerus Messenius, vel Diogenes Phryx, vel Hippon, vel Diagoras, vel Sosias, vel Epicurus. Ælian. Var. Hist. Lib. II. cap. 31.
  3. Callaïcos nonnulli Atheos dicunt. Strabo 3. p. 164
  4. Lusitani sacrificiis student, extra intuentur non exsecta &c. Strabo 3. p. 164
  5. Fibrarum & pennæ, divinarumque sagacem,
    Flammarum, misit dives Gallæcia pubem
    .

    Silius Ital. Lib. 3. v. 344
  6. In hujus gentis finibus sacer mons est, quem ferro violari nefas habetur : sed si quando fulgura terra proscissa est, quæ in his locis assidua res est, detectum aurum velut Dei munus colligere permittitur. Justin. XLIV. c. 3.
  7. An vero istas nationes, religione jurisjurandi ac metu Deorum immortalium, in testimoniis dicendis commoveri arbitramini ? Quæ tantum a ceterarum gentium more, ac natura dissentiunt, quod ceteræ pro religionibus suis bella suscipiunt, istæ contra omnium religiones. Hæ in bellis gerendis, ab Diis immortalibus pacem ac veniam petunt ; ista cum ipsis Diis immortalibus bella gesserunt. Hæ sunt nationes, quæ quondam tam longe ab suis sedibus, Delphos usque ad Apollinem Pythium, atque ad oraculum orbis terræ vexandum, ac spoliandum profectæ sunt. Ab iisdem gentibus sanctis, et in testimonio religiosis, obsesium capitolium est, atque ille Jupiter, cujus nomine majores nostri, vinctam testimoniorum fidem esse voluerunt. Postremo his quicquam sanctum, ac religiosum videri potest, qui etiam si quando aliquo metu adducti, Deos placandos esse arbitrantur, humanis hostiis eorum aras ac templa funestant ? Ut ne religionem quidem colere possint, nisi eam prius scelere violarint. Quis enim ignorat, eos usque ad hanc diem retinere illam immanem, ac barbaram consuetudinem hominum immolandorum ? Quamobrem quali fide, quali pietate existimatis esse eos, qui etiam Deos immortales arbitrentur hominum scelere, et sanguine facile posse placari. Cicero Orat. pro M. Fontejo p. 1149.