Page:Encyclopédie méthodique - Philosophie - T1, p2, C-COU.djvu/136

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rité ? Quel est le sens de ce grand mot, qu’on emploie si souvent, tant en physique qu’en morale & ailleurs ? Qu’est-ce que cette loi fondamentale & générale ? Est-ce la pensée interieure, ou exprimée, du moteur suprême ? est-ce un ordre donné une fois à la nature, ou plutôt, n’est-ce pas un plan d’opérations arrêté, auquel Dieu a soumis son influence continue pour le maintien & la conservation de l’univers ? La loi qui gouverne dans un état (car c’est du moral que ce terme a été transporté au physique) est une indication de devoir, accompagnée de la menace de punition, si ce devoir n’est pas rempli. Cette impulsion, qui n’est que morale, peut bien suffire pour déterminer des êtres pensans, actifs & se mouvans par eux-mêmes. Mais s’il s’agit d’être purement passif, l’indication & la menace sont inutiles ; il n’y a que la force physique appliquée qui puisse produire le mouvement, & la force continuée qui puisse le conserver. La loi active du monde physique ne peut donc être que la force active de Dieu même, qui meut, ou plutôt, qui porte les différens corps aux lieux où ils arrivent. C’est donc Dieu même agissant par-tout & faisant tout. Il est étonnant que parmi les philosophes mêmes, il y ait de ces inattentions qui réalisent de simples abstraits, & qui donnent pour cause physique & pour raison, un mot qui n’est même pris que dans un sens figuré.

Descartes ne nous a donc point donné de lumières nouvelles sur la nature des causes premières, ni sur leur manière d’agir. Il n’a pas reculé d’un point les limites anciennes sur cette partie. Tout est mystère pour nous, comme il l’étoit auparavant. En quoi on ne prétend faire aucun tort à la gloire de Descartes : car si on dit qu’il n’a pas été plus loin que les plus grands hommes, on dit aussi que les plus grands hommes n’ont point été plus loin que lui.

Ce fut l’embarras où se trouvoit Descartes par rapport au principe d’activité universelle, qui jetta son disciple Malebranche dans le système des causes occasionnelles, lequel détruit évidemment toute activité particulière, toute puissance motrice dans les êtres créés.

Dieu est seul cause efficiente dans les corps & dans les âmes, quoiqu’avec le concours de ce qu’il appelle causes occasionnelles, & que d’autres appellent quelquefois instrumentales ou conditionnelles ; trois termes qui font toujours entendre que la première cause est cause unique, & que les causes subalternes ne sont pas des causes, mais des façons différentes d’envisager les êtres créés, dans l’ordre de la causalité. Par exemple, le mot instrumental semble annoncer que l’action de la première cause est portée & peut-être modifiée par les sujets qui la reçoivent immédiatement, pour la rendre ensuite à l’objet où elle se termine : ainsi la plume de celui qui écrit, modifie, par sa conformation, le mouvement de la main, & fait un trait, au lieu d’une tache informe, sur le papier. Le mot occasionnel signifie que la première cause agit de telle ou telle manière, toutes les fois qu’elle rencontre une certaine combinaison de causes subalternes : ainsi l’étincelle tombe sur la pierre & s’éteint : tombant sur le salpêtre pétri avec le soufre & le charbon, elle produit une déflagration subite. Enfin le mot conditionnel semble signifier que la première cause agira ou n’agira pas, & de telle ou telle sorte, supposé seulement qu’il y ait telle ou telle condition donnée, c’est une loi que la première cause s’est faite, un engagement qu’elle a pris avec elle même, de ne prêter son influence que dans tel ou tel cas. Or il est aisé de voir que ces trois mots ne signifient que la même chose sous des aspects différens. Ces instrumens sont faits, ces occasions sont préparées, ces conditions sont posées, toujours par la volonté, le choix, l’action suprême de la Divinité. C’est elle qui taille la matière, qui la place, qui la combine relativement aux fins qu’elle se propose ; c’est elle qui a établi par sa seule volonté, les plans & les systêmes de tous les mouvemens de nos corps à l’occasion desquels sont produites, par lui-même, nos perceptions, & ensuite nos volontés. C’est donc Dieu seul qui fait tout, dans nous comme dans tout le reste. Malebranche nie les conséquences qu’on tire de ces principes & trouve, à force d’art & de méditation, le moyen de concilier beaucoup de choses qui semblent se contredire : tous les philosophes ne voyent pas comme lui, ni tout ce qu’il voit. (Voyez Malebranchisme, & l’histoire des causes premières).

CARTÉSIENS (subst. masc. plur.) est le nom qu’on donne aux partisans de la philosophie de Descartes. On appelle par cette raison cette philosophie, philosophie cartésienne, ou Cartésianisme ; il n’est presque plus aujourd’hui de Cartésiens rigides, c’est-à-dire, qui suivent Descartes exactement en tout, sur quoi voyez la fin de l’article Cartésianisme, avant l’addition.

CHA

CHALDÉENS. (philosophie des) (histoire de la philosophie morderne)

Les Chaldéens sont les plus anciens peuples de l’Orient, qui se soient appliqués à la philosophie. Le titre de premiers philosophes leur a été contesté par les Egyptiens. Cette nation aussi jalouse de l’honneur des inventions, qu’entétée de l’antiquité de son origine, se croyoit non-seulement la plus vieille de toutes les nations, mais se regardoit encore comme le berceau où les