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DISCOURS

la philosophie ancienne, ou plutôt une analyse raisonnée des opinions de chaque secte considérée séparément est une espèce de problême très compliqué, dont la solution suppose des talens divers qu’on trouve rarement réunis, & dont un des plus utiles seroit peut-être celui que joignoit à tant d’autres le sage Fontenelle, qu’un géomètre son confrere[1] fit remercier en mourant, de l’avoir, disoit-il éclairci.

J’ajouterai que cette analyse, où les dogmes particuliers à tel ou tel philosophe de la même secte doivent entrer comme indiquant les additions, modifications ou restaurations plus ou moins considérables que ces philosophes ont faites successivement au systême fondamental & primitif du chef de leur secte, exige des recherches immenses, & que, pour réussir dans ce travail pénible & souvent très-ingrat, il faut pour le moins avoir autant médité que lu.

D’où il résulte qu’un bon livre en ce genre ne peut être que l’ouvrage du tems, sans lequel rien ne se fait dans la nature & dans l’art ; que de toutes les connoissances qu’un excellent esprit doit nécessairement réunir, il n’en est aucune qui, dans un sujet aussi vaste, aussi divers, ne puisse avoir son usage & son application ; enfin que si le style de toute espèce de livre qu’on veut rendre d’une utilité générale & constante, doit être clair & précis, simple & naturel avec élégance, il importe sur-tout que celui-ci soit pensé & écrit avec cette liberté si nécessaire aux progrès de la raison, & le remède le plus doux, le plus efficace contre les deux fléaux les plus destructeurs de l’espèce humaine, les prêtres & les rois[2].

  1. Il lui appliquoit ces paroles de l’écriture : Domine, illuxisti tenebras meas.
  2. C’est à-peu-près le jugement qu’en portoit le curé Meslier ; il a même fait à ce sujet un vœu très-patriotique, & qu’on trouve dans toutes les copies exactes de son testament. L’énergie & la précision avec lesquelles ce vœu est exprimé, n’ont peut-être de modèles dans aucune langue connue.

    Si la plupart des ecclésiastiques députés à l’Assemblée nationale avoient pensé comme ce bon curé, ils n’auroient pas fait des efforts aussi coupables que vains pour exciter en France une guerre de religion, pour inspirer leur fanatisme à tous les mauvais citoyens répandus dans le royaume, & qui aujourd’hui, vils instrumens des fureurs de ces bourreaux sacrés, hâtent comme eux, au fond de leur cœur, le moment où ils pourront renouveller les horribles massacres de la Saint-Barthélemi.

    Je ne répéterai point ici ce que j’ai dit ailleurs *

    * Adress : à l’assemblée nationale sur la liberté des opinions quelqu’en soit l’objet ; sur celle du culte & sur celle de la presse, &c. Voyez sur-tout depuis la page 37, jusqu’à la page 47, & notez que cet écrit a été publié dans le mois de février 1790.

    sur l’indispensable nécessité d’enchaîner, d’emmuseler le prêtre pour rendre sa rage impuissante, & l’empêcher sur-tout de se communiquer ; j’ajouterai seulement dans cette note que la nature & la multitude de ses fonctions lui laissent encore beaucoup trop d’influence & de moyens de nuire ; qu’on ne sçauroit assez épurer, diminuer le nombre des dogmes d’une religion nationale & en simplifier le culte ; en un mot, qu’on verra la tranquillité, la liberté publiques souvent troublées, compromises & ébranlées dans leurs fondemens, jusqu’à ce que, fatigués par ces secousses violentes que la superstition donne aux empires,