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or dans l’église tout cela n’est-il pas nécessaire ? Pour les choses de la vie, n’avons-nous pas besoin de bien des choses que la physique seule nous apprend ? Platon en parle à la vérité : mais on diroit que c’est un prophète qui annonce l’avenir, & non un maître qui veut instruire au lieu que dans Aristote vous trouvez les principes & il en tire lui-même les conséquences. Je demande seulement, dit Melancthon, qu’on s’attache aux choses que dit Aristote, & non aux mots ; qu’on abandonne ces vaines subtilités, & qu’on ne se serve de distinctions que lorsqu’elles seront nécessaires pour faire que la difficulté ne regarde point ce que vous défendez, au lieu que communément on distingue, afin de vous faire perdre de vue ce qu’on soutenoit est-ce le moyen d’éctaircir les matières ?

Nous en avons, je crois, assez dit pour démontrer que ce n’est pas sans raison que nous avons compris Mélancthon au nombre de ceux qui ont rétabli la philosophie d’Aristote. Nous n’avons pas prétendu donner sa vie elle renferme beaucoup plus de circonstances intéressantes que celles que nous avons rapportées : c’est un grand homme, & qui a joué un très-grand rôle dans le monde mais sa vie est très-connue, & ce n’étoit pas ici le lieu de l’écrire.

Nicolas Taurell a été un des plus célèbres philosophes parmi les protestans, il naquit de parens dont la fortune ne faisoit pas espérer à Taurell une éducation telle que son esprit la demandoit mais la facilité & la pénétration qu’on appercut en lui, fit qu’on engagea le duc de Virtemberg à fournir aux frais. Il fit des progrès extraordinaires, jamais personne n’a moins trompé ses bien-faiteurs que lui. Les différends des catholiques avec les protestans l’empêchèrent d’embrasser l’état ecclésiastique. Il se fit médecin, & c’est ce qui arrêta sa fortune à la cour de Virtemberg. Le duc de Virtemberg désiroit l’avoir auprès de lui, pour lui faire défendre le parti de la réforme qu’il avoit embrassé, & c’est en partie pour cela qu’il avoit fourni aux frais de son éducation mais on le soupçonna de pencher pour la confession d’Ausbourg ; peut-être n’étoit-il pour aucun parti : de quelque religion qu’il fut, cela ne fait rien à la philosophie. Voilà pourquoi nous ne discutons pas cet article exactement. Après avoir professé long-temps la médecine à Bâle, il passa à Strasbours ; & de cette ville, il revint à Bâle pour y être professeur de morale. De-là il passa en Allemagne ou il s’acquit une grande réputation : son école étoit remplie de barons & de comtes qui venoient l’entendre. Il étoit si désintéressé, qu’avec toute cette réputation & ce concours pour l’écouter, il ne devint pas riche.

Philosophie anc & mod. Tome I.

Il mourut de la peste, âgé de cinquante-neuf ans. Ce fut un des premiers hommes de son temps ; car il osa penser seul, & il ne se laissa jamais gouverner par l’autorité : on découvre par tous ses écrits une certaine hardiesse dans ses pensées & dans ses opinions. Jamais personne n’a mieux saisi une difficulté, & ne s’en est mieux servi contre ses adversaires, qui communément ne pouvoient pas tenir contre lui.

Il fut grand ennemi de la philosophie de Césalpin : on remarque dans tous ses écrits qu’il étoit fort content de ce qu’il faisoit : l’amour-propre s’y montre un peu trop à découvert, & on y apperçoit quelquefois une présomption insupportable. Il regardoit avec une sorte de dédain tous les philosophes qui l’avoient précédé, si on en excepte Aristote & quelques anciens.

Il examina la philosophie d’Aristote, & il y apperçut plusieurs erreurs ; il eut le courage de les rejester & assez d’esprit pour le faire avec succès.

Dans la préface de la méthode de la médecine de prédiction, car tel est le titre du livre, il dit : « Je m’attache à venger la doctrine de Jésus-Christ, & je n’accorde à Aristote rien de ce que Jésus- « Christ paroit lui refuser : je n’examine pas même ce qui est contraire à l’évangile, parce qu’avant tout examen, je suis assuré que cela est faux ». Si ce n’est pas là le langage d’une raison bien saine, c’est au moins celui d’une orthodoxie bien ferme, & c’est tout ce qu’on peut exiger d’un chrétien. Semper aliud ratio, aliud religio dicit.

Il faut avouer qu’il est difficile de faisir son systême philosophique. Je sais seulement qu’il méprisoit beaucoup tous les commentateurs d’Aristote, & qu’il avoue que la philosophie péripatéticienne lui plaisoit beaucoup, mais corrigée & rendue conforme à l’évangile ; c’est pourquoi je ne crois pas qu’on doive l’effacer du catalogue des péripitéticiens, quoiqu’il l’ait réformée en plusieurs endroits.

Un esprit aussi hardi que le sien ne pouvoit manquer de laisser échapper quelques paradoxes : ses adversaires s’en sont servis pour prouver qu’il étoit athée : mais en vérité, le respect qu’il témoigne par-tout pour la religion, & qui certainement n’étoit point simulé doit le mettre à l’abri d’une pareille accusation. Il ne prévoyoit pas qu’on pût tirer de pareilles conséquences des principes qu’il avançoit ; car je suis persuadé qu’il les auroit rétractés, ou les auroit expliquéscde façon à satisfaire tout le monde. Je crois qu’on doit être fort réservé sur l’accusation d’athéisme, & on ne doit jamais conclure, sur quelques propositions hasardées, qu’un homme est athée : il faut consulter

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