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230 ARI ARI

se retira à Bruges, & fit bientôt après ses voeux dans l’ordre de Citeaux. Il alla ensuite à Louvain, où il passa maître ès-arts, & en 1630 il prit le bonnet de docteur.

Les études ordinaires ne suffisoient pas à un homme comme Caramuel ; il apprit les langues orientales, & sur-tout celle des Chinois ; son désir de savoir s’étendoit beaucoup plus que tout ce qu’on peut apprendre ; en un mot, il avoit résolu de devenir une encyclopédie vivante.

Il donna un ouvrage qui avoit pour titre la Théologie douteuse ; il y mit toutes les objections des athées & des impies ; ce livre rendit sa foi suspecte ; il alla à Rome pour se justifier ; il parla si éloquemment, & fit paroître une si vaste érudition devant le pape & tout le sacré collège, que tout le monde en fut comme interdit. Il auroit peut-être éte honoré du chapeau de cardinal, s’il n’avoit pas parlé un peu trop librement des vices qui régnoient à la cour de Rome : on le fit pourtant évêque. Son désir immodéré de savoir fit tort à son jugement ; & comme sur toutes les sciences il vouloit se frayer de nouvelles routes ; il donna dans beaucoup de travers ; son imagination forte l’égaroit souvent : il a écrit sur toutes fortes de matières ; & ce qui arrive ordinairement, nous n’avons pas un seul bon ouvrage de lui : que ne faisoit-il deux petits volumes, & sa réputation auroit été plus assurée ?

La société des jésuites s’est extrêmement distinguée sur la théologie scholastique ; elle peut se vanter d’avoir eu les plus grands théologiens. Nous ne nous arrêterons pas long-temps sur eux, parce que s’ils ont eu de grands hommes, il y en a parmi eux qui ont été occupés à les louer. Cette société a étendu ses vues sur tout, & jamais jésuite de mérite n’a demeuré inconnu.

Vasquès est un des plus subtils qu’ils aient jamais eut ; à l’âge de vingt-cinq ans il enseigna la philosophie & la théologie. Il se fit admirer à Rome & par-tout où il fit connoître la subtilité de son esprit ; les grands talens dont la nature l’avoit doué paroissoient malgré lui : sa modestie naturelle & celle de son état n’empéchèrent point qu’on ne le reconnut pour un grand homme : sa réputation étoit telle qu’il n’osoit point se nommer de peur qu’on ne lui rendît trop d’honneurs ; & on ne connoissoit jamais son nom & son mérite que par le frère qui l’accompagnoit par-tout.

Suarez a mérité à juge titre la réputation du plus grand scholastique qui ait jamais écrit. On trouve dans ses ouvrages une grande pénétration, beaucoup de justesse, un profond savoir : quel dommage que ce génie ait été captivé par le systéme adopté par la société ! Il a voulu en faire un, parce que son esprit ne demandoit qu’à créer : mais ne pouvant s’éloigner du molinisme, il n’a fait, pour ainsi dire, que donner un tour ingénieux à l’ancien systême.

Arriaga, plus estimé de son temps qu’il ne méritoit de l’être, fut successivement professeur & chancelier de l’université de Prague. Il fut député trois fois vers Urbain VIII & Innocent X. II avoit plutôt l’esprit de chicane que de métaphysique : on ne trouve chez lui que des vétilles, presque toujours difficiles parce qu’on ne les entend point ; peu de difficultés réelles : il a gâté beaucoup de jeunes, gens auxquels il a donné cet esprit minutieux : plusieurs perdent leur temps à le lire. On ne peut pas dire de lui ce qu’on dit de beaucoup d’ouvrages, qu’on n’a rien appris en les lifant ; vous apprenez quelque chose dans Arriaga, qui seroit capable de rendre gauche l’esprit le mieux fait & qui paroît avoir le plus de justesse.

La théologie scholastique est si liée avec la Philosophie, qu’on croit d’ordinaire qu’elle a beaucoup contribué aux progrès de la Métaphysigue : sur-tout la bonne morale a paru dans un nouveau jour ; nos livres les plus communs sur la morale, valent mieux que ceux du divin Platon ; & Bayle a eu raison de reprocher aux protestans de ce qu’ils blâmoient tant la théologie scholastique. L’apologie de Bayle, en faveur de la théologie scholastique, est le meilleur trait qu’on puisse lancer contre les hérétiques qui l’attaquent. Bayle, dira-t-on, a parlé ailleurs contre cette méthode, & il a ri de la barbarie qui règne dans les écoles des catholiques. On se trompe : il est permis de se moquer de la barbarie de certains scholastiques, sans blâmer pour cela la scholastique en général. Je n’estime point Arriaga ; je ne le lirai pas, & je lirai Suarez avec plaisir dans certains endroits ; & avec fruit presque par-tout. On ne doit point faire retomber sur la méthode, ce qui ne doit être dit que de quelques partictiliers qui s’en sont servis.

Des Philosophes qui ont suivi la véritable Philosophie d’Aristote.

On a déja vu le péripatétisme avoir un rival dans le platonisme ; il etoit même vraisemblable que l’école de Platon grossiroit tous les jours des déserteurs de celle d’Aristote, parce que les sentimens du premier s’accordent beaucoup mieux avec le christianisme. Il y avoit encore quelque chose de plus en sa faveur, c’en que presque tous les pères sont platoniciens. Cette raison n’est pas bonne aujourd’hui, & je sais qu’en