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qu’à cet excès d’impiété, de témoigner plus de respect à ce sage payen, qu’à la sagesse incrée. Voyez Eusebe hist. éccles. c. 27.

Origène dans les livres qu’ils a faits contre Celsius, fut aussi un des premiers à décrier la doctrine d’Aristote parmi les chrétiens, par la préoccupation qu’il avoit pour Platon : & parce qu’en effet il trouva trop de raisonnement dans ce philosophe. Son esprit accoûtumé au style fleuri & agréable de Platon, ne put s’accommoder de celui d’Aristote.

La plupart des autres pères entrèrent dans ces sentimens, comme saint Justin dans son dialogue avecTryphon ; saint Clément d’Alexandrie dans son avertissement aux gentils ; saint Irénée dans son livre contre les hérésies ; Eusèbe en divers endroits de ses ouvrages ; saint Athanase contre Macédonien ; saint Basile & saint Grégoire de Nysse contre Eunomius ; saint Grégoire de Nazianze dans ses oraisons vingt-sixième & trente-troisième ; saint Epiphane au livre second des hérésies ; Faustin dans le livre qu’il a fait contre les ariens ; saint Ambroise dans le premier livre de ses offices ; saint Chrysostome sur l’Epître aux romains ; saint Cyrille contre l’empereur Julien, & tant d’autres qui décrièrent hautement Aristote, dans la crainte qu’il n’inspirât aux chrétiens le goût de la dialectique ; car elle fait pointiller sur-tout, & est tout-à-fait contraire à l’esprit de la foi qui ne demande que de la soumission. Ils croyoient qu’on pourroit faire aisément un mauvais usage de la doctrine de ce philosophe : parce qu’ils ne l’avoient pas encore bien comprise. On nous appelle fidèles, disoit faint Chrysostome, afin que par le mépris du raisonnement humain, nous nous élevions aux grandeurs de la foi. Homel. 24 in joann.

Il se trouva toutefois à la fin, que cet art de raisonner qu’enseigne Aristote n’avoit rien de faux, qu’il étoit même fort solide, & qu’il pouvoit être de quelque utilité à notre religion.

Anatolius, qu’Eusebe appelle le plus sçavant de son tems, & qui fut depuis évêque de Laodicée, fut le premier des chrétiens qui enseigna la doctrine d’Aristote dans Alexandrie, & qui commença à le faire connoître vers la fin du troisième siècle sous l’empire de Dioclétien. L’autorité de ce sçavant homme rétablit celle d’Aristote dans l’Egypte, & lui donna de la réputation dans l’Italie.

Thémistius, celèbre Péripatéticien & ami intime de saint Grégoire de Nazianze n’ayant pas peu contribué à adoucir l’esprit de l’empereur Valens à l’égard des chrétiens, releva beaucoup la gloire d’Aristote sous l’empire de Théodose, qui lui fit l’honneur de lui confier, quoi qu’il fut payen, son fils Arcadius pendant un voyage qu’il fit en Italie.

Saint Jérôme parle bien (1) favorablement de la doctrine d’Aristote dans son livre second contre Pélage. Saint Augustin dont l’esprit étoit si pénétrant, n’eût pas pensé à travailler sur cet auteur comme il fit, s’il n’eût eu bien de l’estime pour lui : & dans les livres qu’il a faits contre Cresconius, il blâme fort ce grammairien donatiste, de vouloir ôter à l’église l’usage de la dialectique, si utile pour la défense de ses vérités.

Théodoret donna de grands éloges à cet admirable aveugle, Didyme d’Alexandrie, un des plus savans de ton temps parce qu’il avoit bien entendu la doctrine d’Aristote : il le loue de l’avoir si clairement expliquée dans les commentaires qu’il en fit sur la fin du quatrième siècle. Victorin qui fut un des maîtres de Saint-Jérôme & que ce père met au nombre des écrivains ecclésiastiques, commença à traduire en latin l’introduction de Porphire qui est nécessaire, pour l’intelligence des ouvrages d’Aristote. Prétextat traduitit dans la même langue les livres des analytiques.

L’empereur Théodose le jeune, qui avoit tant de passion pour les lettres, au rapport de Sozomène, fit venir de Grèce un philosophe péripatéticien nommé Celsus pour enseigner à Rome la philosophie : l’empereur eut bien de la considération pour lui, comme l’assure Symmachus dans ses (2) épîtres. Cet empereur avoit grand soin de faire venir d’habiles gens d’Athènes pour instruire la jeunesse romaine, & pour faire resteurir l’amour des lettres sous son règne.

Enfin, cet illustre romain, Séverin Boëce, qui fut trois fois consul, après avoir étudié l’espace de dix-huit ans à Athènes la philosophie d’Aristote, & après l’avoir encore plus particulièrement approfondie par une étude fort particulière, & par de longues méditations, fit une traduction latine des ouvrages de ce philosophe. Ainsi il fut le premier à qui cet auteur dut sa réputation dans l’église latine, où il n’étoit connu que par le bruit qu’y faisoient les traductions & les commentaires des interprètes grecs dont

(1) Peripateticorum sententiae consentit sanctae scripturae autoritas. Hier.

(2) Inter praecipua negotiorum, curatum est, ut in erudiendis nobilibus praeceptores ex Attica poscerentur Symm. cp. 18.