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les pays, & il mit Aristote en état de les bien observer. Il paroît par son ouvrage qu’il les connoissoit peut-être mieux, & sous des vues plus générales, qu’on ne les connoit aujourd’hui. Enfin, quoique les modernes aient ajouté leurs découvertes à celles des anciens, je ne vois pas que nous ayons sur l’histoire naturelle beaucoup d’ouvrages modernes qu’on puisse mettre au-dessus de ceux d’Aristote & de Pline. Mais comme la prévention naturelle qu’on a pour son siècle, pourroit persuader que ce que je viens de dire est avancé témétairement, je vais faire en peu de mots l’exposition de l’ouvrage d’Aristote.

Aristote commence son histoire des animaux par établir des différences & des ressemblances genérales entre les différens genres d’animaux, au lieu de les diviser par de petits caractères particuliers, comme l’ont fait les modernes. Il rapporte historiquement tous les faits & toutes les observations qui portent sur des rapports généraux, & sur des caractères sensibles. Il tire ces caractères de la forme, de la couleur, de la grandeur & de toutes les qualités extérieures de l’animal entier, & ausi du nombre & de la position de ses parties, de la grandeur, du mouvement, de la forme de ses membres ; des rapports semblables ou différens qui se trouvent dans ces mêmes parties comparées ; il donne partout des exemples pour se faire mieux entendre : il considère aussi les différences des animaux par leur façon de vivre, leurs actions, leurs mœurs, leurs habitations, &c. Il parle des parties qui sont communes & essentielles aux animaux, & de celles qui peuveut manquer, & qui manquent en effet à plusieurs espèces d’animaux. Le sens du toucher, dit-il, est la seule chose qu’on doit regarder comme nécessaire, qui ne doit manquer à aucun animal : & comme ce sens est commun à tous les animaux, il n’est pas possible de donner un nom à la partie de leur corps, dans laquelle réside la faculté de sentir. Les parties les plus essentielles sont celles par lesquelles l’animal prend sa nourriture, & celles par où il rend le superflu. Il examine ensuite les variétés de la géneration des animaux ; celles de leurs membres, & des différentes parties qui servent à leurs fonctions naturelles. Ces observations générales & préliminaires font un tableau dont toutes les parties font intéressantes : & ce grand philosophe dit aussi qu’il les a présentées sous cet aspect, pour donner un avant-goût de ce qui doit suivre, & faire naître l’attention qu’exige l’histoire particulière de chaque animal, ou plutôt de chaque chose.

Ils commence par l’homme & il le décrit le premier, plutôt parce qu’il est l’animal le mieux connu, que parce qu’il est le plus parfait ; & pour rendre sa description moins sèche & plus piquante, il tâche de tirer des connoissances morales en parcourant les rapports physiques du corps humain, & il indique les caractères des hommes par les traits de leur visage. Se bien connoître en physionomie, seroit en effet une science bien utile à celui qui l’auroit acquise : mais peut-on la tirer de l’histoire naturelle ? Il décrit donc l’homme par toutes les parties extérieures & intérieures ; & cette description est la seule qui soit entière : au lieu de décrire chaque animal en particulier, il les fait connoître tous par les rapports que toutes les parties de leur corps ont avec celle du corps de l’homme.

Lorsqu’il décrit, par exemple, la tête humaine, il compare avec elle la tête de toutes les espèces d’animaux : il en est de même de toutes les autres parties. A la description du poumon de l’homme, il rapporte historiquement tout ce qu’on savoit des poumons des animaux ; & il fait l’histoire de ceux qui en manquent. A l’occasion des parties de la génération, il rapporte toutes les variétés des animaux dans la manière de s’accoupler, d’engendrer, de porter & d’accoucher. A l’occasion du sang, il fait l’histoire des animaux qui en font privés ; suivant ainsi ce plan de comparaison dans lequel, comme l’on voit l’homme sert de modèle, & ne donnant que les différences qu’il y a des animaux à l’homme, il retranche à dessein toute description particulière ; il évite par-là toute répétition ; il accumule les faits, & il n’écrit pas un mot qui soit inutile : aussi a-t-il compris dans un petit volume un nombre infini de différens faits ; & je ne crois pas qu’il soit possible de réduire à de moindres termes tout ce qu’il avoit à dire sur cette matière, qui paroît si peu susceptible de cette précision, qu’il falloit un génie comme le sien pour y conserver en même-temps de l’ordre & de la netteté. Cet ouvrage d’Aristote s’est présenté à mes yeux comme une table de matières qu’on auroit extraites avec le plus grand soin de plusieurs milliers de volumes remplis de descriptions & d’observations de toute espèce : c’est l’abrégé le plus favant qui ait jamais été fait, si la science, est en effet l’histoire des faits ; quand même on supposeroit qu’Aristote auroit tiré de tous les livres de son temps ce qu’il a mis dans le sien, le plan de l’ouvrage, sa distribution, le choix des exemples, la justesse des comparaisons, une certaine tournure dans les idées, que j’appellerois volontiers le caractère philosophique, ne laisse pas douter un instant qu’il ne fût lui-même beaucoup plus riche que ceux dont il avoit emprunté.

De la Métaphysique d’Aristote & de l’hypothèse des natures actives.

Aristote entrant dans la carrière philosophi-