Page:Encyclopédie méthodique - Philosophie - T1, p1, A-B.djvu/234

Cette page n’a pas encore été corrigée

202 ARI ARI

Il n’y en a aucun qui ne fasse effort pour se mouvoir. Il conclut de là, que la nature inspire je ne sais quelle nécessité à la matière. Effectivement, il ne dépend point d’elle de recevoir telle ou telle forme : elle est assujettie à recevoir toutes celles qui se présentent & qui se succèdent dans. un certain ordre, & dans une certaine proportion. C’est-là cette fameuse entéléchie qui a tant enbarrassé les commentateurs, & qui a fait dire tant d’extravagances aux scholastiques.

Après avoir expliqué quelle est la cause efficiente, quel est le principe de toute la force qui se trouve répandue dans l’univers, Aristore entre plus avant dans sa matière, & tâche de développer ce que c’est que le mouvement. On voit bien qu’il fait là de grands efforts de génie : mais ses efforts aboutissent à une définition très-obscure, & devenue même fameuse par son obscurité. Plus Aristote s’avance, plus il embrasse de terrein : le fini & l’infini, le vuide & les atomes, l’espace & le temps, le lieu & les corps qui y sont contenus ; tout se préfente devant ses yeux : il ne confond rien, une proposition le mène à l’autre ; & quoique ce soit d’une façon très-rapide, on y sent toujours une sorte de liaison.

La doctrine qui est comprice dans les deux livres de la génération & de la corruption tient nécessairement à ce que nous avons déjà développé de ses principes.

Avant Socrate, on croyoit que nul être ne périssoit & qu’il ne s’en reproduisoit aucun ; que tous les changemens qui arrivent aux corps ne sont .que de nouveaux arrangemens, qu’une distribution différente des parties de matière qui composent ces mêmes corps. On n’adrnettoit dans l’univers que des accroissemens & des diminutions, des réunions & des divisions, des mélanges & des séparations : Aristote rejetta toutes ces idées., quoique simples, & par-là assez vraisemblables ; & il établit une génération & une corruption proprement dites. Il reconnut qu’il se formoit de nouveaux êtres dans le sein de la nature, & que ces êtres périssoient à leur tour.

Deux choses le conduisirent à cette pensée : l’une, qu’il s’imagina que dans tous les corps le sujet ou la matière. est quelque chose d’égal & de constant ; & que ces corps, comme nous rayons déjà observé, ne diffèrent que par la forme, qu’il regardoit comme leur essence : l’autre qu’il prétendoit que les contraires naissent tous de leurs contraires conune le blanc, du noir ; d’où il suit que la forme du blanc doit être annéantie avant que celle du noir s’établisse.

Pour achever d’éclaircir ce systême, j’y ajouterai encore deux remarques. La première, c’est que la génération & la corruption n’ont aucun rapport avec les autres modifications des corps, comme l’accroissement & le décroissement, la transparence, la dureté, la liquidité, &c. Dans ces modifications, la première forme ne s’éteint point, quoiqu’elle puisse se diversifier à l’infini.

L’autre remarque suit de celle-là ; comme tout le jeu de la nature consiste dans la génération & dans la corruption, il n’y a que les corps simples & primitifs, qui y soient sujets, eux seuls reçoivent de nouvelles formes, & passent par des métamorphoses sans nombre ; tous les autres corps ne sont que des mélanges, & pour ainsi dire des entrelacemens de ces premiers.

Quoique rien ne soit plus chimérique que ce côté du systême d’Aristote, c’est cependant celui qui a le plus frappé les scholastiques, & ce qui a donné lieu à leurs expressions barbares & inintelligibles : de là ont pris naissance les formes substantielles, les entités, les modalités, les intentions réflexes, &c. tous termes qui ne réveillant aucune idée, perpétuent vinement les disputes & l’envie de disputer.

Aristote ne se renferme, pas dans une théorie générale, mais il descend à un très-grand nombre d’explications de physique particulière ; & l’on peut dire qu’il s’y ménage, qu’il s’y observe plus que dans tout le reste ; qu’il ne donne point tout l’effor à son imagination.

Dans les quatre livres sur les météores il a selon la réflexion judicieuse du père Rapin, plus éclairci d’effets de la nature, que tous les philosophes modernes ensemble. Cette abondance lui doit tenir lieu de quelque mérite, & certainement d’excuse. En effet, au travers de toutes les erreurs qui lui sont échappées faute d’expérience & de quelques-unes des découvertes que le hasard a presentées aux modernes, on s’apperçoit qu’il suit assez le fil de la nature, & qu il devine des choses, qui certainement lui devoienr être inconnues. Par exemple, il détaille atec beaucoup d’adresse tout ce qui regarde les météores aqueux, comme la pluie, la neige, la grêle, la rosée, &c. Il donne une explication très-ingénieuse de l’arc-en-ciel, & qui au fond ne s’éloigne pas trop de celle de Descartes : il définit le vent un courant d’air, & il fait voir que sa direction dépend d’une infinité de cauces etrangères & peu, connues ; ce qui empêche, dit-il, d’en donner un systême général.

Telle est l’abrégé très-sornmaire de la physique générale & particulière d’Aristote. Comme la connoissance de la nature est par-tout enve-