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C’est la seconde méthode d’Aristote, & c’est dans cet organe qu’il établit l’art de la demonstration, par celui du syllogisme. Car la démonstration est sa méthode la plus ordinaire, comme le témoigne Ammonius & Aristote appelle lui-même l’art du syllogisme sa méthode principale. Sa logique ne sert qu’a établir cette méthode, tout ce qu’il y dit, y a du rapport.

Le livre des catégories traite des parties éloignées qui doivent entrer dans la composition du syllogisme qui sont les termes dans leur signification naturelle.

Le livre de l’interprétation traite de la matière prochaine du syllogisme c’est-à-dire des termes en tant qu’ils sont capables de liaison pour servir à l’énonciation, qui est la seconde opération de l’esprit.

Le livre des Analytiques considère le syllogisme selon deux parties essentielles qui le composent c’est-à-dire sa matière & sa forme, & comme la matière du syllogisme peut être ou nécessaire, ou contingente, ou sophistique, elle est expliquée selon ces différences dans la suite de ces livres.

Le livre des topiques sert à démêler cette matière, quand elle n’est que probable ou contingente.

Le livre des sophismes explique ce qu’elle a de faux & d’équivoque ; & le livre des analytiques postérieures expose ce qu’elle a de certain & de nécessaire.

Telle est, en général, la méthode d’Aristote, une des meilleures que l’on puisse suivre. Car en effet la démonstration faite dans les principes, & de la manière que ce philosophe l’a conçue, est la seule règle infaillible pour acquérir la science, le seul moyen qu’ait l’esprit de l’homme pour parvenir à la certitude qu’il cherche dans ses connoissances, & le seul instrument capable de rectifier la raison, par le discernement du vrai & du faux. C’est aussi ce qui a rendu l’usage de cette méthode si utile à tous ceux qui se sont mêlés de cette science ; elle a même contribué, plus que toutes les autres méthodes, à l’établissement du christianisme, ce qui a fait dire à Saint-Jérôme que tout ce qu’il y a d’artifice & de perversité dans le raisonnement humain, & tout ce que la science profane du monde a de force & de pouvoir, peut être renversé par la méthode d’Aristote (1).

(1) Quidquis in saeculo perversorum est dogmatum, quidquid ad terrenam sapientiam pertinet, & putatur esse robustum, hoc dialectica arte subvertetur. Com. in Excechiel.

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Un des moyens les plus ordinaires dont Aristote se sert dans ses démonstrations, comme le remarque Averroès, est de réfoudre les difficultés qu’on pourroit lui opposer, avant que d’établir ce qu’il propose : & cet art admirable qu’il a d’établir solidement ce qu’il avance, lui fait avoir du mépris pour la méthode de la division, qu’il juge un moyen trop foible pour parvenir à la démonstration. C’est pour cela qu’il l’appelle un syllogisme défectueux & imparfait, quoi qu’elle fût ordinaire à Platon. Ce n’est pas qu’Aristote ne mette fort en usage l’analyse, sur-tout dans les matières où il est obligé de descendre dans le détail des choses pour les examiner à fond ; & pour s’en faire une connoissance plus distincte. L’estime même qu’il fait de cette méthode, paroît, en ce qu’il cite fouvent dans ses autres livres, ses Analitiques.

C’est par cette discussion qu’il fait des matières dont il traite, qu’il les penetre, & qu’il y découvre ce qu’il y a de plus essentiel : pendant que les autres ne voient que l’écorce, & ne s’arrêtent qu’à la superficie. Il est vrai que les maximes qu’Aristote établit dans les sujets qu’il a examinés, sont si réfléchies, qu’elles ne paroissent vraies qu’à ceux qui les aprofondissent. La plupart de ses définitions semblent ou obscures, ou peu justes : on n’en convient qu’avec beaucoup de resistance d’esprit, parce qu’on n’en est pas convaincu d’abord ; mais plus on les médite, plus on les trouve véritables, parce qu’elles sont toujours fondées sur la nature & sur l’expérience. Ce qui a fait dire à un de ses meilleurs interprètes, que la doctrine d’Aristote a pour fondement le plus ordinaire, le sentiment commun du peuple, & le sens. Voyez Alexandre d’Aphrodissée, in Aristote].

Il faut toutefois convenir que cette profondeur d’esprit qui distingue Aristote, lui ôte souvent la liberté de s’expliquer avec toute la netteté qui seroit nécessaire à un philosophe qui veut instruire : c’est le défaut le plus ordinaire qu’on lui reproche. Themistius porte la chose trop loin, quand il dit qu’il y a de la folie de prétendre trouver le véritable sens d’Aristote dans tout ce qu’il dit : ce qui n’est vrai après tout, que dans les choses où il a peine à prendre lui-même parti.

Simplicius a cru qu’Aristote se servoit de cette obscurité pour couvrir ses sentimens, au lieu des fables & des symboles qu’il n’approuvoit pas dans Platon : parce qu’un philosophe qui cherche la vérité pour l’enseigner, doit la découvrir par des effets senfibles ; & parce que la vérité ne peut être déguisée sous la couleur & sous l’ombre des fables, qu’elle ne soit sujette à l’illusion, par des explications équivoques qu’on